Homelie du 21 mars 2021   5ème dimanche de Carême Année B

Jr 31, 31-34     Ps 50     Hb 5, 7-9     Jn 12,20-33

« Nous voudrions voir Jésus. » Souvent, les enfants demandent à voir Jésus dont on leur parle en famille et au catéchisme. Alors, nous, adultes, nous leur expliquons qu’on ne peut le voir avec les yeux, qu’on le voit avec le cœur. Tout cela est vrai ; mais nous risquons de nous satisfaire de notre réponse d’adultes. Or, je pense qu’il est plus que nécessaire de garder un cœur d’enfant avec le désir de voir Jésus de nos yeux. J’espère que c’est votre désir à vous, jeunes qui êtres présents au milieu de nous et qui vous préparez à recevoir le sacrement de Confirmation. Je souhaite que ce soit notre désir à nous tous : voir Jésus !

 

Dans la lecture de l’évangile selon st Jean, nous sommes à six jours de la Pâque. Jésus vient d’entrer triomphalement à Jérusalem à tel point que les Pharisiens se sentent incapables de lui nuire ; ils se disent les uns aux autres : « … vous n’arriverez à rien : voilà que le monde se met à sa suite. » (Jn 12, 19)

C’est alors que commence le passage qui nous est donné aujourd’hui : « Il y avait quelques grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque. » Soit des étrangers, des non-juifs, qui viennent adorer le Dieu des Hébreux, et il y en a beaucoup chaque année pour la Pâque; soit des juifs de culture grecque qu’on retrouvera le jour de la Pentecôte au milieu des Parthes, des Mèdes, des Elamites et de toutes les nations entourant la Méditerranée. Quoi qu’il en soit, à travers ces grecs, c’est, comme le déplorent les Pharisiens, le monde entier se met à la suite de Jésus.

Et ce monde entier qu’ils symbolisent s’adresse d’abord à Philippe, dont le nom est grec ; Philippe en référera à André et tous deux s’adresseront à Jésus pour lui transmettre la demande des grecs : « Nous voudrions voir Jésus. »

Ce désir n’est pas le thème central du passage. Pour essayer, même maladroitement, de présenter ce thème, on peut dire qu’il tourne autour du lien entre le Père et Jésus à l’occasion de la mort de ce dernier. Certains chrétiens se représentent la Passion comme un moment qui concerne uniquement le Christ et pas du tout le Père. Comme si le Père avait dit à son Fils : « Va donner ta vie pour les hommes ; moi, je reste tranquillement dans mon ciel. » Certes, le Père n’est pas le Fils, mais tous deux sont si profondément unis que Jésus peut affirmer : « Le Père et moi nous sommes un. » (Jn 10,30) Quand Jésus meurt sur la Croix, le Père n’est pas en train de s’occuper d’autre chose en attendant que son Fils ressuscite. Comme des parents dignes de ce nom souffrent lorsque leur enfant souffre, le Père est auprès de son Fils au cours de sa Passion. Et voilà pourquoi il dit de Jésus : « Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore. » Voilà quel est le thème central de notre passage.

Mais il me semble bon de demeurer un instant sur la demande des grecs bien que ce ne soit pas le thème central de notre évangile : « Nous voudrions voir Jésus. » Le voir peut-être pour lui parler, pour lui demander une faveur, pour l’interroger sur une question de foi. Il y a beaucoup de raisons possibles. Jésus accueille cette demande mais répond à sa manière. Il accepte que ces personnes le voient, mais il veut qu’on le voit comme il veut être vu. Il ne veut pas être vu comme on voit quelqu’un dans une conversation de salon, comme ça, en passant. Il veut être vu dans sa réalité messianique car « l’heure est venue où le Fils de l’homme – c’est-à-dire lui-même – doit être glorifié. »

Peut-être vous souvenez-vous qu’à Cana, il n’avait pas accepté tout de suite de manifester sa gloire parce que, disait-il, son heure n’était pas encore venue. L’expression « mon heure » revient plusieurs fois chez st Jean. Elle désigne le moment paradoxal de la Croix qui est en même temps le lieu de sa mort et de sa glorification. On peut dire : de sa résurrection. Alors, quand les grecs demandent à le voir, il répond que la meilleure façon de le voir c’est de méditer, de regarder, de contempler sa mort en vue de sa résurrection.

Les grecs demandent à voir Jésus. Leur demande est bonne. Il serait curieux que nous, chrétiens, nous n’éprouvions pas ce désir au fond de nous-mêmes.  Il faut l’entretenir par la prière, les sacrements, la lecture de la Bible, les engagements au service d’autrui. Voir Jésus, le rencontrer, parler avec lui comme un ami parle à un ami. Voilà comment on peut exprimer quel est le but de notre vie spirituelle. Je vais peut-être vous étonner en vous disant que les sacrements, qui sont des réalités fantastiques, ne suffisent pas : ils sont pour cette vie, ils sont nécessaires à notre vie terrestre ; mais ils sont là pour creuser en nous le désir d’un face à face définitif et absolu. Dans le Royaume, il n’y aura plus de sacrements puisque nous serons en présence de celui que les sacrements rendent présent les humbles réalités de pain, de vin, d’huile, d’eau. Dans le Royaume, nous verrons Dieu

Voir Jésus : le voir de nos yeux, lui serrer la main, parler avec lui d’homme à homme, les yeux dans les yeux ! Sur cette terre, nous savons que ce n’est pas le cas, mais portons-nous ce désir en nous ? Car c’est ainsi que, paradoxalement, nous pourrons le faire voir à travers nos gestes, nos paroles, nos prises de position. Je le dis particulièrement pour vous, les jeunes, qui allez être confirmés. Et je le dis tout autant pour nous, les anciens confirmés. Si nous avons le désir profond de voir Jésus, alors, nous le rendrons visible par toute notre vie personnelle et communautaire. Et en le rendant visible, nous le ferons aimer.

 

Homélie du 14 mars 2021   4ème dimanche de Carême   Année B

2 Ch 36, 14-16+19-23     Ps 136     Ep 2,4-10     Jn 3,14-21

Par le Père Jean Paul Cazes

La foi chrétienne est composée de deux aspects indissociables :

            1er aspect : elle vient de Dieu, elle a un contenu qui ne dépend pas de

            nous

            2ème aspect : elle est une réponse d’adhésion de notre part.

On retrouve là les deux aspects de la vie de prière tels que notre curé est en train de l’exposer le dimanche matin.

 

En ce qui nous concerne, la réponse de foi chrétienne est une certitude, pas une évidence.

Si c’était une évidence, tout le monde serait obligé de croire.

Par exemple, dans notre système mathématique, deux plus deux font quatre : il n’y a aucune échappatoire.

Or, la foi demande notre acceptation libre et aimante.

La foi n’est pas une évidence, mais une certitude.

Il y a toujours un saut dans la foi, une sorte de pari comme aurait dit Pascal.

C’est la même sorte de pari qui est celui de deux jeunes qui décident de s’aimer pour la vie.

La décision d’amour n’est jamais une évidence mathématique. Personne n’a jamais démontré scientifiquement le sentiment amoureux. Et pourtant, il n’y a rien de plus fort et de plus certain.

Par contre, on peut, et même on doit, réfléchir son amour afin de l’améliorer, de le corriger et de l’approfondir.

De la même manière – car amour et foi sont frère et sœur – la foi suppose un saut de confiance pour y entrer et demande ensuite à être améliorée, corrigée et approfondie.

On n’aime pas après un raisonnement, mais on trouve des raisons d’aimer.

De la même façon, on croit sans raisonnement, mais on découvre des raisons de croire.

Un de mes professeurs avait coutume de dire : la foi n’est pas rationnelle, mais elle est raisonnable.

Parce que nous croyons, nous devons chercher des raisons de croire. Or, Dieu lui-même, dans sa manière de se présenter à nous, nous donne des raisons de croire en lui.

 

Parfois, les journaux ouvrent leurs colonnes à ce qu’on appelle les « bonnes feuilles » d’un livre qui vient de paraître.

Les textes bibliques nous offrent aujourd’hui quelques « bons versets ». Je précise : tous les versets de l’Ecriture sont parole de Dieu et méritent notre attention, notre respect et l’effort de notre intelligence.

Il n’empêche que certains versets, plus que d’autres peut-être, peuvent nous aider, nous qui avons fait le saut de la foi, à trouver des raisons de croire. Ces raisons ne convaincront pas forcément celui qui ne croit pas, mais elles nous diront, à nous, que nous ne faisons pas fausse route.

 

D’abord, selon la première lecture, rien n’est jamais fermé pour notre Dieu. Dans la situation la plus terrible, notre Dieu ouvre toujours une issue. Depuis 70 ans, les Hébreux étaient captifs à Babylone ; contre toute espérance, le roi Cyrus permet à ceux qui le veulent de rentrer à Jérusalem et de rebâtir le Temple. C’est nous qui nous fermons à nous-mêmes les portes de l’espérance ; pas Dieu !

Passons ensuite à ce que dit Paul aux chrétiens de la ville d’Ephèse. Par deux fois, en 6 versets, il écrit : « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés. » Etre sauvé, c’est être relié à Dieu pour toujours. Dans le salut, comme dans la foi, il y a deux aspects indissociables : le travail de Dieu et notre réponse. Du côté de Dieu, le travail est accompli, grâce au Christ. Du haut de la Croix, le salut est offert totalement et définitivement à tous les hommes. Nous ne sommes pas sauvés par l’accumulation de nos bonnes actions ; c’est Jésus, et lui seul, qui nous relie à son Père. Par contre, par nos bonnes actions, nous montrons au Christ que nous acceptons son salut et que nous ajustons notre vie à son double commandement d’amour.

Enfin, merveille des merveilles, ce verset de St Jean : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »   Quelqu’un me demandait un jour si je croyais que Dieu est Juge. Oui je le crois. Puisque Dieu est amour, comme l’écrit St Jean dans une de ses lettres, alors Dieu est juste. Mais la justice de Dieu ne consiste pas à condamner. Même les jugements humains peuvent se conclure sur un acquittement. Dieu est juge, mais sa justice consiste à nous rendre justes nous-mêmes. Par sa justice, nous sommes ajustés à son amour. Notre unique travail – mais il est fondamental – est d’accepter ce que nous offre Dieu à travers son Fils. De manière poétique mais tellement compréhensible, Dieu nous offre la lumière, celle du pardon, celle de la paix, celle de la justice, celle de l’amour fraternel. Il nous suffit de dire « Oui », comme la Vierge Marie.

 

Voici quelques raisons que nous avons de croire en Dieu notre Père. Dans le temps de Carême qui nous reste, il serait intéressant que chacun de nous essaie de découvrir en lui quelles sont les autres raisons qui le gardent dans la foi.  

 

Homelie du 7 mars 2021   3ème dimanche de Carême B

Ex 20, 1-3+7-8+12-17     Ps 18b (19)     1 Co 1,22-25     Jn 2, 13-25

par le Père Jean Paul Cazes

J’entends souvent qu’on est gêné par le geste de Jésus qui chasse les marchands du Temple, alors qu’en même temps on regrette que les marchands envahissent Lourdes. D’ailleurs, c’est inexact : à Lourdes, les marchands de chapelets et autres colifichets religieux sont à l’extérieur du sanctuaire, alors qu’à Jérusalem ils étaient dans le Temple lui-même. Mais que ce soit pour Jérusalem ou pour Lourdes, on s’attache à ce qui est secondaire dans le texte sans voir le principal.

Que Jésus se soit mis en colère et qu’il ait chassé fermement les vendeurs est secondaire par rapport à ce qui est affirmé à cette occasion : « Lui parlait du sanctuaire de son corps. Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Ecriture et à la parole que Jésus avait dite. »      

Ce que les disciples retiennent, ce n’est pas le coup de sang de Jésus, mais le fait que le vrai Temple de Dieu, le vrai lieu de la présence de Dieu, c’est Jésus lui-même dans son corps.

 

Beaucoup ont pleuré lors de l’incendie de Notre Dame, et moi parmi tant d’autres car c’est l’église de mon ordination. Je suis heureux de sa reconstruction. Mais un jour, comme toutes choses humaines, elle disparaîtra. St Pierre de Rome disparaîtra. Ste Sophie de Constantinople, qui est une église – n’en déplaise au président turc disparaîtra aussi. Mais la foi chrétienne ne disparaîtra pas pour autant.

Car le véritable lieu de la présence de Dieu n’est pas une construction humaine, si belle soit-elle. Le lieu fondamental de la présence divine est le Christ. St Paul écrit aux chrétiens de Colosses : « (Dans le Christ) habite toute la plénitude de la divinité… » Et il ajoute pour être certain d’être bien compris : « corporellement. » (Col 2,9) Dans le corps humain du Christ, ce corps conçu du St Esprit, né de la Vierge Marie, ce corps qui a partagé notre vie humaine, ce corps qui a souffert, qui est mort et ressuscité, dans le corps humain du Christ réside la plénitude la divinité.

C’est ce corps ressuscité qui se fait nourriture pour chacun de nous. C’est ce corps que nous recevons pour faire corps avec Jésus, pour faire Eglise avec Jésus. L’Esprit Saint fait du Christ individuel uni à son Eglise qui est son corps mystique le lieu où trouver la plénitude de la divinité.

 

Du temps du Christ, tous les peuples autour de la Méditerranée adoraient leurs dieux dans des maisons qui étaient la maison du dieu ou de la déesse. Même les Hébreux avaient construit le Temple de Jérusalem pour y abriter le Seigneur. Nul ne pouvait y entrer, à part le Grand Prêtre, et seulement une fois par an.

Jésus bouleverse cette façon de voir. Il offre à l’humanité un culte universel ; grâce à lui, chaque être humain peut approcher la divinité et pas seulement le Grand Prêtre. Il n’y pas besoin d’un lieu pour cela : c’est le Christ lui-même, c’est l’Eglise elle-même, qui sont les demeures de Dieu ; et chacun de nous l’est aussi par son baptême et sa confirmation.

En rigueur de terme, les églises que nous construisons ne sont pas les demeures de Dieu ; Dieu n’en a pas besoin.  Il a choisi d’avoir besoin de notre cœur. C’est le Christ, c’est l’Eglise, c’est nous qui sommes la demeure de Dieu. Par contre nous, pauvres humains, nous avons besoin d’un toit au-dessus de nos têtes. Les bâtiments de nos églises ne sont pas les demeures de Dieu, mais les demeures du peuple de Dieu ; pour aider notre prière, pour nous rassembler, pour faire corps, pour faire Eglise, il nous faut un bâtiment. Heureux sommes-nous, ici, d’en avoir un !

Je suis toujours un peu ennuyé d’entendre un adulte dire à un petit enfant : « Entrons dans la maison de Jésus. » Ce n’est pas ainsi qu’on éduque un enfant à la foi chrétienne. J’aimerais mieux entendre quelque chose comme : « Allons dire bonjour à Jésus. » Car la maison de Jésus, c’est le cœur de cet enfant, c’est le cœur de l’adulte qui l’accompagne. En regardant nos églises, en aimant nos églises, en aimant Notre Dame de Paris, ne retombons pas dans le paganisme qui faisait d’un temple bâti de main d’homme la demeure de Dieu.

Et ceci est capital puisque c’est lors de la Résurrection du corps de Jésus que les disciples crurent dans les paroles de l’Ecriture et en ce que Jésus avait dit. Ils se rappelèrent probablement ce que Salomon avait dit lui-même lorsqu’il construisit le Temple de Jérusalem : « Est-ce que vraiment Dieu pourrait habiter sur la terre ? Les cieux eux-mêmes ne peuvent te contenir ! Combien moins cette Maison que j’ai bâtie ! » (1 R 8, 27) Alors, si le bâtisseur du Temple de Jérusalem a dit cela, combien plus nous, chrétiens, qui connaissons le Fils de Dieu fait homme !

 

L’unique temple de Dieu, c’est le corps du Christ, c’est-à-dire son corps total, l’Eglise dont Jésus est la Tête.

Aimons nos églises, nos petites églises de campagne comme nos cathédrales ; elles nous offrent la possibilité de faire corps autour du Christ qui est le véritable Temple du Dieu vivant. C’est vers ce temple-là, ce temple vivant, que nous fait avancer le Carême.

Homélie du 7 février 5e dimanche du temps ordinaire

Jb 7, 1-4+6-7     Ps 146     1 Co 9, 16-19+22-23     Mc 1,29-39

Par le Père Jean Paul Cazes

A lire et relire la première lecture et l’évangile de ce jour, comment ne pas nous y reconnaître ? Les questions de santé nous ont toujours touché, à tel point que la formule spontanée des vœux que nous venons à peine d’échanger est « Bonne année, bonne santé ».

Les questions de santé sont en ce moment omniprésentes, à tel point que les informations à la radio ou à la télé ne parlent presque que de cela, comme si le reste du monde avait disparu. A part les élections américaines, nous ne savons plus guère ce qui se passe en Syrie, en Afghanistan ou en Birmanie. On nous parle de la fabrication des vaccins en Chine, mais on ne nous dit presque plus rien sur la situation à Hong Kong. On sait que Spoutnik V est un vaccin sûr, mais on ne sait plus trop où en sont les droits de l’homme en Russie.

Les problèmes de santé nous tracassent, plus peut-être aujourd’hui qu’à un autre moment. A cause des détresses qui sont les nôtres, nous nous tournons vers Jésus. C’est un réflexe normal.

La question que je me pose, quand même, est de savoir si notre piété sera la même une fois que nous serons sortis de la pandémie. Pour le dire plus crûment, et de façon un peu provocatrice : est-ce que nous utilisons bien Jésus ? Est-ce que nous l’utilisons pour ce pour quoi il est fait ? Pour prendre des images : nous n’utilisons pas une aiguille à broder pour coudre du cuir ; nous n’utilisons pas un marteau pour souder ; nous ne jouons pas au rugby avec une balle de tennis.

 

Certes, Jésus affirme avec force qu’il se fait notre serviteur ; il dit lui-même être «venu non pour être servi mais pour servir. » (Mt 20,28) Et il lave les pieds de ses disciples.

D’autre part, Jésus nous incite à demander. Demander des grâces au Seigneur, c’est reconnaître que nous ne pouvons rien sans Lui. C’est reconnaître qu’il est comme un Père à notre égard et qu’il prend soin de nous parce qu’il nous aime. « Demandez, on vous donnera …frappez, et on vous ouvrira. » (Mt 7,7) La prière de demande est une des formes de la prière que Jésus nous recommande. Par exemple, la seconde moitié du Notre Père est faite de prières de demande : Donne-nous aujourd’hui … Pardonne-nous … ne nous laisse pas entrer en tentation … délivre-nous du mal. Ce serait mal connaître le cœur du Père que de ne pas lui adresser toutes nos demandes.

 

Faisons le point : Jésus, qui s’est fait notre Serviteur, nous encourage à demander. Or, en ce moment, les questions de santé sont omniprésentes. Il est donc normal de les lui présenter, il est donc normal de lui dire nos détresses de santé, et toutes les détresses qui en découlent.

 

Cependant, je me demande si utilisons bien Jésus, comme il souhaite être utilisé. Encore une fois, je m’exprime de manière un peu provocante.

Pour illustrer ma question, examinons les intentions de prière qui sont demandées à chaque messe.  Il y a beaucoup de demandes – et c’est normal. Par contre, il y a peu de remerciements et d’actions de grâce. En bonne logique, il conviendrait qu’il y ait au moins autant de remerciements que de demandes.

Encore une fois, il est juste de présenter au Seigneur nos questions, nos problèmes, nos détresses. En particulier dans le domaine de la santé. Mais Jésus est-il venu pour être notre docteur-miracle ? Jésus est-il notre super-vaccin ?

De son temps, il a guéri des malades : l’évangile de ce jour en est témoin. Mais il n’a pas guéri tous les malades de son époque. Il a ressuscité Lazare, mais il n’a pas ressuscité tous ceux qui étaient morts à son époque. Il a pacifié ceux qui étaient habités par des esprits impurs ; mais pas tous.

Ce qui me fait dire : avons-nous bien compris et admis ce qu’il est vraiment venu faire au milieu de nous, ou bien sommes-nous uniquement en train d’utiliser sa puissance à notre service ? Ne sommes-nous pas comme ces juifs qui, après la multiplication des pains, voulaient que Jésus devienne leur roi ? (Jn 6, 14-15) C’est si pratique d’avoir un  roi qui donne à manger. C’est si pratique d’avoir un Seigneur qui guérit tout le monde.

Lorsque Simon le cherche et le trouve en train de prier, Jésus lui répond : « Allonsailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Evangile : car c’est pour cela que je suis sorti. » Certes, de grand matin, il est sorti de la maison pour aller prier. Mais ce n’est pas de cette sortie-là qu’il veut parler. Il est sorti de son Père, il est venu jusqu’à nous. Et pourquoi ? Pour proclamer l’Evangile. Voilà sa mission. Il n’est pas venu pour être le docteur universel et guérir toutes les maladies physiques. Les quelques guérisons physiques et psychiques qu’il a accomplies de son temps, les quelques guérisons physiques et psychiques qu’il accompli du nôtre, sont les signes d’une autre guérison infiniment plus profonde et plus universelle qu’il est venu offrir à tous : la guérison de tout être et de l’être tout entier, la possibilité enfin réalisée d’être unis à notre Père et rassemblés dans un même peuple de frères et de sœurs. C’est ce qu’on appelle le salut.

Jésus s’est fait notre Serviteur par amour pour nous permettre d’accéder, grâce à lui, à notre Père. Son outil : la prédication de l’Evangile. St Paul l’a parfaitement compris, lui qui écrit aux chrétiens de Corinthe dans notre seconde lecture: « Frères, annoncer l’Evangile … c’est une nécessité qui s’impose à moi. »

 

Il est normal de demander au Seigneur Jésus de nous aider dans nos détresses, et spécialement en ce qui concerne notre santé et celle de nos proches. Mais Jésus est venu nous offrir, par sa mort et sa résurrection, une toute autre guérison dont les guérisons physiques en sont le signe. Savons-nous demander la guérison du corps sans oublier celle de notre être entier ? Savons-nous autant remercier que demander ?

 

En résumé, savons-nous regarder Jésus et le prier pour ce qu’il est venu faire chez nous, c’est-à-dire : apporter l’Evangile du salut ?

Homélie du 31 janvier 2021 4ème dimanche Année B

Par le Père Jean Paul Cazes

Dt 18, 15-20     Ps 94     1 Co 7,32-35     Mc 1,21-28

​Le passage de l’évangile que nous lisons ce matin est situé au début de l’évangile selon st Marc : il s’agit des versets 21 à 28 du premier chapitre. Depuis le début du chapitre, en 20 versets, Marc a évoqué la prédication de Jean-Baptiste, puis le baptême de Jésus, sa tentation au désert, le début de sa prédication et l’appel de Simon, d’André, de Jacques et de Jean. 

​Et là, tout de suite, dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus enseigne et il guérit. Tout de suite, Marc nous dit que nous sommes en présence d’une manifestation divine , d’une sorte d’épiphanie. En effet, Jésus dit et Jésus agit. Rappelez-vous le premier chapitre du livre de la Genèse : « Dieu dit … et cela fut. » « Dieu dit : Que la lumière soit … Et la lumière fut… Dieu dit : Qu’il y ait un firmament … Il en fut ainsi… »

C’est la plus ancienne description de Dieu : un Dieu qui parle et dont la parole est efficace. Un Dieu dont la parole et l’action ne sont pas séparées. Un Dieu qui dit vrai, un Dieu à la parole de qui on peut faire confiance. 

D’où la stupéfaction de ceux qui sont présents ce jour-là dans la synagogue. Bien sûr, ils ne professent pas leur foi en la divinité de Jésus ; curieusement, celui qui reconnaît la divinité de Jésus, c’est l’esprit impur qui habite un pauvre homme malade . Les autres n’en sont pas encore là ; cependant, ils sont étonnés par l’enseignement de Jésus. Cet homme parle avec autorité, c’est-à-dire qu’il enseigne sans se référer aux scribes anciens, comme le font tous les scribes qui enseignent dans les synagogues. Habituellement, quand un scribe enseigne, il se réfère à ses prédécesseurs ; à la limite, il ne fait que répéter ce que les anciens ont dit ; il met leur enseignement au goût du jour, il n’innove pas. Jésus ne procède pas ainsi, et c’est cela qui crée la stupéfaction chez ses auditeurs. Sans le formuler de cette manière, ils se demandent qui est cet homme. C’est la question fondamentale de tous les évangiles : la question de   l’identité de Jésus. 

Marc écrit : « Jésus se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. » Souvent, dans les évangiles, on voit Jésus enseigner. Mais jamais, ou presque, on ne dit à ces moments-là quel est le contenu de son enseignement. C’est le cas aujourd’hui. Il enseigne, et il va guérir. Il enseigne d’une manière tout à fait inédite qui crée la stupéfaction chez les auditeurs, mais on ne sait pas ce qu’il enseigne.

Ou plutôt, si ! On voit bien ce qu’il enseigne en parlant et en guérissant, en parlant et en agissant comme Dieu au premier chapitre de la Genèse. Il enseigne : LUI ! Il enseigne QUI il est. Il enseigne que la promesse offerte à Moïse est en train de se matérialiser sous les yeux des fidèles de la synagogue. 

Dans la première lecture de ce jour, nous avons entendu ce que le Seigneur promet à Moïse : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi… » 

Rappelez-vous ce que nous avons entendu, pendant l’Avent : « Les prêtres et les lévites posèrent à Jean-Baptiste cette question : « Qui es-tu ? Es-tu le Christ ? Es-tu Elie ? Es-tu le Prophète ? » (voir Jn 1, 19-21). On se demande souvent de quel Prophète parlent les prêtres. Très probablement de celui qui est annoncé dans notre première lecture, c’est-à-dire d’un Prophète qui parle et agit dans l’esprit de Moïse. Comme Moïse, Jésus est législateur, mais il fait plus que donner une loi : il est lui-même la Loi d’amour. Comme Moïse, il est libérateur, mais il ne libère pas seulement les Hébreux, il libère tous les hommes. Comme Moïse fait entrer en Terre Promise, Jésus fait entrer les hommes dans son Royaume. Jésus est un Prophète, mais bien plus qu’un Prophète : il est Dieu incarné. Son enseignement est autre chose qu’un code moral. Si nous cherchonsun code moral, nous le trouvons dans le Décalogue de Moïse. Ce que Jésus apporte, ce n’est pas un Décalogue mis au goût du jour, ce n’est pas une Loi améliorée, c’est la Loi d’amour du double commandement, cette Loi qu’il a lui-même totalement suivie en donnant sa vie pour tous les hommes de tous les temps, de toutes les races et de toutes les cultures. 

Le chrétien ne se définit pas par une loi morale, même si la morale est évidemment importante. Le chrétien se définit par son attachement à la personne de Jésus-Christ, par sa foi et sa confiance en la personne de Jésus-Christ, par son amour en la personne de Jésus-Christ. C’est l’amour du Christ pour nous, et notre amour pour lui qui nous donne la force d’aimer nos frères. 

Et c’est ainsi que sa renommée se répandra de plus en plus, non plus dans la région de Galilée, mais dans celle de  Courbevoie. 

Homélie du 3e dimanche du temps ordinaire – 24 janvier 2021

Par le Père Jean Paul Cazes

Jon 3, 1-5+10     Ps 24     1 Co 7,29-31     Mc 1,14-20

Ce troisième dimanche du temps ordinaire est devenu le dimanche de la Parole de Dieu par la décision du Pape François.

 

« Dieu dit … et cela fut. »

Vous connaissez ce refrain : on le trouve dix fois de suite dans le merveilleux poème de la Création du monde, au premier chapitre du livre de la Genèse.

« Dieu dit : Que la lumière soit … Et la lumière fut… Dieu dit : Qu’il y ait un firmament … Il en fut ainsi… »

C’est la plus ancienne description de Dieu : un Dieu qui parle et dont la parole est efficace. Un Dieu dont la parole et l’action ne sont pas séparées. Un Dieu qui dit vrai, un Dieu à la parole de qui on peut faire confiance.

Il a fallu dix siècles d’histoire, dix siècles de prière et de méditation, dix siècles de sainteté et d’infidélités, dix siècles de péché et de pardon pour que le peuple de Dieu, en la personne de St Jean, disciple de Jésus, puisse écrire ces mots fabuleux : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. » (Jn 1,1)

Il a fallu dix siècles pour arriver à concevoir que la Parole de Dieu n’était pas quelque chose mais quelqu’un. Cette Parole de Dieu, ou ce Verbe de Dieu, c’est Jésus, fils de Marie, mort et ressuscité pour tous les hommes. La Parole de Dieu a pris chair ; et dès lors elle a pu traduire en mots humains la pensée éternelle de son Père. La Parole de Dieu qui a créé le monde a accepté de devenir créature pour se mettre à notre portée.

On lit dans le livre du Deutéronome (Dt 8,3) : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu ». Ce qui était une merveilleuse image, Dieu lui-même l’a prise au mot : c’est de la bouche de Jésus que sort toute parole nourrissante pour nous.  Pour nous, Jésus, vraie Parole de Dieu faite chair, est devenu aussi notre vrai Pain. Pain et Parole sont intimement liées dans la messe que nous célébrons. On ne peut pas célébrer l’Eucharistie et communier au Pain vivant si on ne célèbre pas d’abord la Parole de Dieu. C’est ainsi que la phrase du Deutéronome que je viens de vous citer est en quelque sorte prémonitoire ; elle annonce, avec quelques siècles d’avance, la forme du culte qui nous rassemble aujourd’hui pour nous nourrir. La messe contient, de façon inséparable, le temps de la Parole et le temps de l’Eucharistie. « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. » Pour la vérité de notre foi, nous ne pouvons pas nous contenter de recevoir l’Eucharistie si nous ne lisons jamais au moins les Evangiles.

 

Lorsqu’à la fin de la lecture de l’Evangile, le prêtre dit : « Acclamons la Parole de Dieu », ce n’est pas un livre que nous acclamons, c’est le Christ dont les paroles viennent d’être proclamées. Le livre est vénérable, la Bible est vénérable, mais elle renvoie à Celui qui est la Parole véritable, le Christ Jésus. Quand nos frères musulmans parlent de nous, ils disent que nous sommes la religion du Livre. Ils n’ont pas saisi ce qui est le fondement de notre foi. Ce n’est pas un Livre, si saint soit-il :  c’est Dieu fait homme et rempli d’Esprit Saint. Je vous ai déjà cité mon ancien professeur d’Ecriture sainte, le Père Trinquet, un savant, très méticuleux sur la connaissance du texte biblique. Ce savant nous a dit un jour : « Mes amis, notre religion ne repose pas sur de vieux bouts de papyrus. Elle repose sur l’Esprit Saint. » Nous ne croyons pas en un texte, mais en Dieu le Père, en Dieu le Fils mort et ressuscité, en Dieu l’Esprit Saint. Par contre, le texte, lu et relu, étudié, discuté, « mâchonné », est le témoignage le plus précieux de la pédagogie de Dieu qui, à travers l’histoire très concrète d’un petit peuple, nous amène jusqu’à rencontrer la Parole de Dieu faite chair. Voilà pourquoi lire la Bible, toute la Bible, et pas seulement le Nouveau Testament, est si important pour nourrir notre foi. Toute la Bible, y compris à travers ses difficultés, est le chemin que Dieu a pris pour nous mener à rencontrer, à écouter, à communier et à suivre sa propre Parole devenue homme pour que, en échange,  nous soyons divinisés.

 

Comme je vous l’ai dit, et comme vous le savez certainement, ce troisième dimanche du temps ordinaire est le dimanche de la Parole de Dieu. Une des raisons de cette qualification est que ce dimanche est fêté pendant la Semaine de prière universelle pour l’unité des chrétiens. Si beaucoup de sujets nous séparent encore des protestants, des orthodoxes et des anglicans, des sujets fondamentaux nous unissent déjà : le même baptême, le même Notre Père, la même Bible, le même amour et la même foi en la personne de Jésus, né de Marie, notre Seigneur, mort et ressuscité pour tous les hommes. Longtemps, nous, catholiques, nous avons pensé que la Bible était « protestante ». La Bible n’est ni protestante, ni orthodoxe, ni catholique : elle appartient à tous ceux qui reconnaissent en Jésus-Christ la Parole de Dieu faite chair. Anglicans, catholiques, orthodoxes, protestants, malgré nos différences encore sensibles, nous sommes rassemblés par la même Parole de Dieu, cette Parole vivante qui a dit juste avant de mourir : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient un en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,21)

 

Telle est la Parole de Dieu : une Parole de vérité et de réconciliation en vue de la foi du monde. Et cette Parole est efficace : voilà pourquoi je crois que l’unité entre baptisés est en marche pour que le monde croie en Jésus-Christ. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homélie du 2e dimanche du temps ordinaire 17 janvier 2021

1 S 3, b-10+19     Ps 39     1 Co 6,13c-15a+17-20     Jn 1,35-42

Par le Père Jean Paul Caze

Une fois n’est pas coutume : je vais laisser de côté la première lecture et l’évangile pour m’intéresser à la  première lettre de St Paul aux chrétiens de Corinthe.

 

Les mots « âme, esprit, corps » n’ont pas été inventés par Descartes. Mais Descartes les utilise à sa manière. Pour lui, l’être humain est composé de trois éléments bien distincts, presque séparés et antagonistes.

La Bible n’utilise pas ces trois mots de la même manière. Lorsqu’elle parle du corps, comme Paul le fait aujourd’hui, elle désigne l’être humain tout entier, et pas seulement une de ses composantes. A tel point que le mot grec « soma » (d’où nous en avons tiré le verbe somatiser, l’adjectif somatique) le mot grec « soma » peut être traduit en français non seulement par le mot corps, mais par le mot vie, ou par le mot homme. Le corps, pour la Bible, n’est pas un des trois composants de l’homme, mais l’homme tout entier regardé sous son aspect physique.

Pour essayer d’être clair, prenons l’exemple d’une fleur. Nous pouvons la considérer sous plusieurs aspects : l’aspect esthétique, l’aspect botanique, l’aspect économique. Ces trois aspects sont liés : cette fleur a été cultivée (aspect botanique), voilà pourquoi elle est belle (aspect esthétique), et voilà pourquoi elle coûte cher (aspect économique). Mais cette fleur est unique ; elle revêt en même temps ces trois aspects, mais il est possible de la regarder sous l’un d’eux sans ignorer les autres.

Il en est de même dans la Bible lorsqu’elle parle de l’être humain.

Dans la Bible, le corps humain n’est pas une composante séparée, et encore moins opposée, de l’âme et de l’esprit. Le mot corps est une façon de parler de tout l’être humain à partir de son aspect physique. A cause de Descartes, nous avons réduit le corps à être seulement une composante de l’être humain. Et, pire, lorsque nous parlons aujourd’hui du corps, nous avons tendance à le réduire non seulement à la sexualité, mais à la sexualité économique ; il n’y a qu’à regarder les affiches publicitaires pour s’en convaincre.  Je ne sais plus qui remarquait qu’à l’approche de l’été, une devanture de pharmacie risque de devenirplus voyeuriste qu’une devanture de sex-shop. Je pense qu’il est faux de dire : « J’ai un corps » ; le corps n’est pas une chose qu’on possède et qu’on peut traiter n’importe comment, y compris le réduire en marchandise. Par contre, il est vrai de dire : « Je suis mon corps ».

La Bible dit la grandeur du corps parce qu’elle dit la grandeur de l’être humain aux yeux de notre Dieu.

Le passage de la lettre de Paul aux chrétiens de Corinthe nous le suggère de trois manières.  

 

D’abord, le corps, notre corps, est promis à la résurrection. Ne me demandez pas comment cela se fera, je n’en sais pas plus que vous, et Jésus ne le dit pas. Mais soyons logiques : si nous croyons que Dieu notre Père est Créateur, si nous croyons qu’il a créé l’univers entier, si nous croyons qu’il est le créateur de l’être humain, pourquoi serait-il plus difficile de croire qu’il a la faculté de nous ressusciter ? Il n’a pas été plus difficile à Jésus de dire au paralytique : « Tes péchés sont pardonnés », que de lui dire : « Lève-toi et marche. »(Mc, 2,9) De la même façon, il n’est pas plus incroyable de penser que Dieu nous appelle à la résurrection comme il nous a appelés à l’existence. Notre corps – c’est à dire notre être tout entier – est promis à la résurrection, celle que Jésus a inauguré le matin de Pâques.

 

Car nous sommes unis au Christ. C’est le second point de la réflexion de Paul. Il s’adresse aux chrétiens de Corinthe dont la vie n’est pas moralement irréprochable. Il aurait pu leur adresser un discours très moralisateur. Or, il ne leur parle ni de permis ni de défendu. Il leur dit : par votre baptême, vous êtes liés au Christ.   Vos corps – c’est-à-dire vous tout entiers – sont liés au Christ mort et ressuscité. Voilà pourquoi vos corps – c’est-à-dire vous tout entiers – sont promis à la résurrection.

 

Vient alors le troisième point de réflexion de Paul : notre corps – y compris dans son aspect le plus matériel, le plus charnel – notre corps est le temple de l’Esprit Saint. Plus encore que le tabernacle de bois doré devant lequel beaucoup d’entre nous viennent s’incliner puisqu’il contient le Saint Sacrement, notre corps est le vrai tabernacle de la présence divine. C’est notre corps qui a reçu l’eau du baptême. En rigueur de terme, nous devrions nous incliner les uns devant les autres après la communion. Le vrai tabernacle, c’est nous, chacun de nous.

 

Quelle est la raison fondamentale des trois points de réflexion de Paul ? Si notre corps – c’est-à-dire nous tout entiers – est promis à la résurrection, si notre corps – c’est-à-dire nous tout entiers – est membre du Christ par le baptême, si notre corps – y compris dans son aspect le plus charnel – est le véritable tabernacle de la présence divine, c’est pour une seule raison que Paul énonce de cette façon : « Vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car vous avez été rachetés à grand prix. » De même que les époux ne s’appartiennent plus à eux-mêmes puisqu’ils se sont donnés l’un à l’autre, y compris dans leurs corps, ainsi les baptisés que nous sommes ne s’appartiennent plus à eux-mêmes – y compris dans leur corps – mais sont membres du Christ. Car le Christ a payé le prix fort, si je puis dire, pour nous libérer de tout esclavage et nous lier à lui par amour. Le montant qu’il a versé, c’est sa Vie tout entière, sa Passion, sa mort et sa Résurrection. Comme le dit Paul : le Christ nous a achetés à grand prix.

D’où la phrase finale qui est une sorte de cri de triomphe : « Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps. »

 

Notre religion est une religion d‘incarnation, pas une religion de purs esprits sans consistance. Nous croyons en un Dieu qui s’est fait chair dans le sein de la Vierge Marie et qui, par sa chair crucifiée et ressuscitée, nous attache solidement et définitivement, tout entiers, à notre Père et Créateur. Comme le dit un théologien contemporain (A. Guesché), le corps est un chemin de Dieu vers l’homme, et un chemin de l’homme vers Dieu. Puisque nous sommes plongés par le baptême dans le Christ, Dieu fait chair, prenons ce chemin pour rendre gloire à notre Dieu, par Jésus-Christ notre Seigneur, dans la lumière de l’Esprit.

 

 

Homélie du 10 janvier 2021 Baptême du Seigneur

par le Père Jean Paul Cazes

Isaïe 55,1-11     Cant. Is 12, 4bcd+5-6     1 Jn 5, 1-9     Mc 1, 7-11

 

Par cette fête du Baptême de jésus, nous sommes encore dans le temps de Noël. La liturgie nous incite à voir plus large que ce que nous pensons ordinairement. Pour nous, Noël est passé ; pas pour la liturgie, et c’est elle qui a raison. Noël n’est pas seulement le 25 décembre; c’est une manière d’être, c’est une vie. Pour essayer de caractériser Noël et le temps de Noël, on peut dire qu’il s’agit d’un échange, et même d’un admirable échange. La liturgie le dit en latin : un « admirabile commerium. » En Jésus, Dieu se fait homme pour que nous soyons élevés à la dignité de fils et de filles de Dieu. En Jésus, Dieu se fait mortel pour que nous puissions accéder au Royaume de Dieu. En Jésus, Dieu se plonge dans notre état de pécheurs, sans pécher lui-même, pour nous offrir sa sainteté.

 

Par la fête d’aujourd’hui, Jésus se plonge dans le baptême incomplet donné par Jean-Baptiste pour nous offrir son Baptême, c’est-à-dire sa mort et sa résurrection. Par le baptême que nous avons reçu, nous n’avons pas été plongés dans l’eau du Jourdain, mais dans la mort et la résurrection de Jésus. La fête d’aujourd’hui n’est pas la fête de notre baptême mais la fête du baptême donné par Jean et reçu par Jésus. La fête de notre baptême, c’est Pâques.

 

Mais aujourd’hui, nous continuons à nous émerveiller de ce que fait Jésus pour nous : dans sa naissance, dans sa sainte famille, dans son épiphanie, dans son baptême, il ne cesse de venir habiter dans nos pauvres réalités humaines pour nous élever dans sa réalité divine. Le temps de Noël qui se termine aujourd’hui est vraiment le temps de l’admirabile commercium.

 

Le temps de Noël, qui s’est ouvert par une naissance, se termine sur une autre naissance, une naissance qui ouvre tout l’évangile : la naissance spirituelle du Fils de Dieu.

Je ne vous apprends rien si je vous dis que l’évangile selon st Marc, celui que nous allons suivre au long de notre année liturgique, l’évangile selon st Marc ne mentionne pas la naissance charnelle de Jésus. Luc et Matthieu en parlent. St Jean évoque, si je puis dire, la naissance éternelle du Verbe de Dieu : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. » : vous connaissez cet admirable Prologue de St Jean ! Mais dans Marc, rien de tout cela.  

Marc commence son évangile par le témoignage, en quelques rapides versets, de Jean-Baptiste qui offre un baptême d’eau et de conversion. Et tout à coup, de manière inopinée, sans transition, le texte nous place en présence du Sauveur : « En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. »

Il est évident que st Marc était conscient de ce qu’il écrivait en ce qui concerne le baptême reçu par Jésus : l’eau du Jourdain, les cieux qui s’ouvrent, l’Esprit qui descend sur Jésus, la voix du Père. Par contre, je ne sais pas si Marc était conscient du fait que les mots qu’il utilise évoquent vraiment une naissance : Jésus est plongé dans les eaux, puis il sort des eaux et les cieux s’ouvrent (je pense que ce sont des réalités qui parlent aux mamans) ; puis l’Esprit qui descend non seulement comme une colombe mais comme un vêtement ; enfin la voix paternelle qui reconnaît – au sens fort du terme – l’homme Jésus comme son propre Fils.

Je précise tout de suite : Jésus n’est pas devenu Fils de Dieu le jour de son Baptême ; Jésus est Fils de Dieu dès sa conception dans le sein de Marie. Mais puisque Marc ne raconte pas la naissance humaine de Jésus, il l’évoque avec des mots très forts au moment du baptême. Ce baptême est réellement une naissance par l’eau et dans l’Esprit comme Jean l’a annoncé : « Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

 

Que la naissance de Jésus soit racontée par Matthieu et Luc, qu’elle soit évoquée par Jean et Marc, la réalité est la même : depuis sa naissance charnelle et spirituelle, le Christ vient au milieu de nous, en nous. Il partage notre existence pour nous faire partager la sienne. Il est vraiment fils de Marie comme nous pour que nous devenions fils et filles de Dieu comme lui.

Le temps de Noël, dans toute son extension, depuis la Nativité jusqu’au Baptême de Jésus, est le temps de l’admirable échange entre le Christ et nous.

Noël est bien plus qu’une date sur le calendrier : c’est un style de vie.

 

Notre ligne spirituelle pourrait donc être celle-ci : comment vivre humblement mais réellement dans l’esprit de Noël durant les jours qui viennent ? Autrement dit : pour nous, chrétiens, qu’est-ce qui reste de Noël dans notre vie, à part le souvenir d’un moment heureux pour certains, ou difficile pour d’autres ?

Que l’Esprit Saint nous aide à mettre en pratique l’esprit du temps de Noël !

 

 

Homélie du dimanche de la Sainte Famille

27 décembre 2020

par le Père Jean Paul Cazes

Gn 15, 1-6 + 21, 1-3     Ps 104 (105)     Hbx 11, 8+11-12+17-19     Lc 2,22-40

Avant-hier, prêcher était un exercice délicat : comment ne pas être naïf et cependant laisser l’espérance ouverte ? Comment ne pas être naïf en laissant croire que parce que nous fêtons Noël, tout est beau et merveilleux ? Et en même temps – comme on dit en haut lieu – comment cultiver l’espérance, justement parce que Jésus est né ? 

Aujourd’hui, c’est une autre difficulté qui nous attend : parler de la famille à l’occasion de la fête de la sainte famille de Jésus. 

Il est probable que la famille est, plus que jamais, une valeur sûre. Pourtant, elle est sujette à beaucoup de bouleversements. Ces bouleversements, vous les connaissez aussi bien que moi. Je les connais dans ma propre famille, et il est certain que beaucoup d’entre vous, ce matin, les vivent. 

Il y a quelques générations, la description de la famille se concentrait au noyau père/mère/enfants. Mais déjà c’était une évolution puisque, auparavant, les grands-parents faisaient partie de la famille ; enfants et petits-enfants vivaient avec eux. Les « anciens » finissaient leur vie en famille ; la mort faisait partie de la vie, ce n’était pas un sujet tabou. 

Puis le noyau familial s’est rétréci à ce que nous avons connu il y a encore peu. Et l’évolution a continué sous les effets conjugués de nombreux facteurs économiques et sociaux. La famille existe toujours et peut-être même plus qu’avant, mais sa description est aujourd’hui aléatoire. Et de nombreuses questions se posent douloureusement à notre foi : les divorces, les familles dites « recomposées », mais aussi, les personnes qui vivent une union homosexuelle, les questions relatives à l’enfant, que ce soit l’adoption, la GPA, les mères porteuses … toutes ces questions qui sont très délicates, douloureuses, et qui sont vécues parfois dans un climat de revendication qui n’aide pas à y voir clair. 

Quel que soit l’angle sous lequel le prédicateur aborde le sujet de la famille, il devient aux yeux de certains soit un abominable conservateur, soit un dangereux laxiste. Et, dans tous les cas, la nouveauté évangélique n’est ni perçue, ni reçue. 

Or, que ce soit dans les bouleversements actuels ou dans l’évangile, la famille est aimée. C’est un point commun important entre la mentalité de notre temps et l’évangile. Alors, au cas où nous serions tentés de nous traiter mutuellement de réactionnaires ou de progressistes, il nous est possible de partir de ce point commun : l’amour de la famille.

La première lecture de ce jour est tirée du livre de la Genèse et la seconde, de la lettre aux Hébreux. Ces deux textes ont environ 600 ans de distance. Mais ils disent, chacun à leur façon, des réalités fondamentales. 

Ils disent que la famille – qui est une réalité ô combien charnelle, sociologique, amoureuse, culturelle, économique – est d’abord une réalité de foi. « (Le Seigneur) déclara : Telle sera ta descendance ! Abram eut foi dans le Seigneur… » Voilà ce que dit la Genèse. Et on lit dans la lettre aux Hébreux : « Grâce à la foi, Sara … fut rendue capable d’être à l’origine d’une descendance … »

Si nous, chrétiens, nous ne savons pas regarder la famille sous cet angle, qui le fera ? Pour nous, la famille est d’abord une réalité de foi, quelle que soit sa forme. En Occident, sa forme a évolué. En Afrique, elle ne revêt pas la même réalité. Du temps d’Abraham, elle était autre que pour nous maintenant. Alors, au lieu de nous déchirer, cherchons les uns et les autres, dans la réflexion et la prière, ce que notre Dieu désire pour nos familles. 

La seconde leçon de nos deux lectures est la fécondité. Là encore, je prends le risque de blesser les couples qui ne peuvent pas avoir d’enfants et je les prie de me pardonner mes indélicatesses. Mais si l’enfant est le signe tangible de la fécondité, elle ne se réduit pas à lui. Il nous est demandé, à tous, d’être féconds. Je connais des foyers sans enfant. Ils sont blessés de ne pouvoir transmettre la vie; mais leur amour mutuel est si authentique qu’ils rayonnent autour d’eux. 

Dans notre vie quotidienne, dans notre travail, nos relations, sommes-nous féconds ? Donnons-nous aux autres la possibilité de naître ? Vous savez peut-être que j’ai passé un an dans un des foyers de l’Arche de Jean Vanier, cette œuvre extraordinaire qui accueille des personnes handicapées mentales. Là, j’ai vu des personnes renaître grâce à l’amitié et au respect qu’on a pour elles. Cette œuvre est merveilleusement féconde. Elle est une vraie famille pour tous ces blessés de la vie. 

La fête de la Sainte Famille ne nous donne pas forcément la description ultime de ce que devrait être une famille. Elle nous donne, par contre, un esprit qui devrait pouvoir marquer toutes nos relations. Nos familles, quelles qu’elles soient, vivent-elles un esprit de famille ? Sont-elles une réalité animée par la foi ? Sont-elles une réalité féconde ? Voilà deux questions que même notre assemblée paroissiale serait bien inspirée de se poser pour attirer nos concitoyens vers Jésus, ce Messie dont nous avons fêté la naissance. 

Homélie de la nuit de Noël

24 décembre 2020      NOËL

par le Père Jean Paul Cazes

Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. 

Ce soir, le chant des anges est notre chant.

C’est ce que proclame la banderole circulaire qui entoure la Trinité qui se trouve en face de vous, sur le cul de four du chœur.

Quelle chose étonnante que de chanter la gloire d’un nouveau-né ! Non seulement il n’a rien fait, mais ses parents n’appartiennent pas à la haute société ; son village natal n’est qu’un point minuscule sur la carte ; son pays est une des provinces les plus reculées et les plus pauvres de l’immense empire de Rome.

Rien donc qui parle de la gloire au sens où nous l’entendons de manière habituelle. Pas de haute naissance, pas de gloire militaire, pas de décorations, pas de renommée artistique ou financière.

Et pourtant, nous avons raison de chanter : « Gloire … ! »

Parce que ce qui rend gloire à notre Dieu, c’est l’homme vivant.

Dieu est glorifié quand l’être humain, quel qu’il soit, de quelque pays qu’il soit, et – j’ose dire – de quelque religion ou athéisme qu’il soit, est mené à la vie.

Je pense, bien sûr, spontanément, à notre vie corporelle et à sa fragilité individuelle et collective. Je pense à tous ces efforts que nous avons consentisdepuis des mois, et que nous allons consentir encore pendant longtemps, pour que la maladie se répande le moins possible et soit finalement maîtrisée. Je pense à tous les efforts consentis par le personnel de santé, à toutes ces recherches scientifiques pour trouver un vaccin réellement efficace.

Mais je pense tout autant à tout ce qui est fait par tant de personnes, pour humaniser la crise que nous traversons. Tous ces humbles gestes du quotidien pour garder des liens avec des personnes isolées. Toutes ces opérations de grande ampleur menées par des organisations caritatives ou humanitaires pour soulager les détresses.

Par contre, je regrette que toute la vie culturelle ait été classée dans ce qui n’est pas essentiel ; car, pour paraphraser l’évangile, que sert à l’homme de garder sa santé s’il vient à perdre son âme ?

Notre Dieu, le Dieu révélé par Jésus-Christ, est glorifié par tous les efforts qui humanisent la vie. Comme un père est glorifié par la réussite de ses enfants.

Chaque fois que nous laissons notre porte et notre cœur ouverts, sans nous refermer sur nos craintes pourtant légitimes, notre Dieu est glorifié.

Chaque fois qu’un être humain est libéré de son esclavage en Lybie ou ailleurs, libéré de ses addictions et de ses enfermements, notre Dieu est glorifié.

Chaque fois qu’un être humain est sur le chemin d’une guérison physique ou mentale, notre Dieu est glorifié.

Chaque fois qu’un être humain accède à plus de savoir, plus de dignité, de capacité, notre Dieu est glorifié.

Chaque fois qu’une main fraternelle se tend pour relever quelqu’un, notre Dieu est glorifié.

Chaque fois qu’à un enfant, fille comme garçon, est reconnu le droit d’être aimé, soigné, éduqué, instruit, notre Dieu est glorifié.

Chaque fois qu’une personne handicapée est reconnue dans sa dignité d’être humain, notre Dieu est glorifié.

Chaque fois que l’humanité est orientée, à travers les échecs et les réussites de cette vie, vers la vie en plénitude du royaume des cieux, notre Dieu est glorifié.

Car notre Dieu n’est pas jaloux de nous ; sa gloire est là où nous cherchons à humaniser notre vie personnelle et collective. Humaniser notre vie, c’est à dire l’orienter vers son véritable accomplissement qui est au-delà de cette terre, dans la plénitude du Royaume.

Une des choses extraordinaires de Noël, c’est que Dieu vient chez nous pour nous apprendre à être homme. Dieu, par son Fils, est plus homme que chacun de nous. Souvent, nous avons tendance à opposer humanité et divinité ; certes, elles sont bien distinctes. Et pourtant, grâce à Jésus, elles sont réconciliées. Par Jésus, Dieu notre Père nous apprend à être homme, il nous apprend à humaniser notre vie, nos relations.

Et chaque fois que nous humanisons notre vie, nous nous approchons de Lui.

Voilà pourquoi nous avons raison de chanter Gloire à Dieu ;

et paix à tous les hommes de tous les temps car Dieu les aime.