Homélie du 3e dimanche de Pâques

18 avril 2021  3ème dimanche de Pâques   Année B

Ac 3, 13-15+17-19     Ps 4     1 Jn 2,1-5a     Lc 24,35-48

Par le Père Jean Paul Cazes

Le temps pascal est bien plus important que le Carême.

Le Carême est un temps de préparation. Le temps pascal nous offre 50 jours pour reprendre, méditer, relire, approfondir tout ce que le mystère pascal nous apporte. Le temps pascal est comme l’épanouissement du Carême : il faut donc y faire très attention.

Comme dimanche dernier, l’évangile d’aujourd’hui est un récit de présence du Seigneur.   J’aime mieux parler de « présence du Seigneur » que d’apparition, car ce mot laisse une impression désagréable de prestidigitation. Oui, le Seigneur Jésus se rend présent auprès des Apôtres et de leurs compagnons, comme il se rend présent par son Eucharistie. D’ailleurs, au sujet de l’Eucharistie, on parle de « présence réelle », et on a vraiment raison !

 

Dans notre évangile, je souhaite insister sur un verset qui est une des richesses du temps pascal. Un verset et deux enseignements.

 

D’abord le verset qui dit  (je cite) : « Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire et restaient saisis d’étonnement. »  Voilà une chose curieuse. Marie-Madeleine et les autres saintes femmes sont déjà venues, le matin, annoncer aux Apôtres la résurrection de Jésus ; les Apôtres eux-mêmes savent que Jésus est ressuscité puisqu’il est apparu à Pierre ; les deux disciples d’Emmaüs qui sont au milieu deux ce soir leur ont raconté ce qui s’est passé sur la route et comment ils ont reconnu Jésus à la fraction du pain. Jésus manifeste sa présence au milieu d’eux, et malgré tout cela, « ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. »  

Si vous voulez bien, ce soir ou demain, relire d’un seul coup les finales des quatre évangiles, c’est à dire ce qui est écrit depuis le matin de la résurrection jusqu’à la fin des évangiles – ce n’est pas long, je vous assure – vous verrez comment la joie des Apôtres est mêlée à leurs difficultés de croire. Dimanche dernier, la liturgie nous donnait l’épisode de Thomas ; et Thomas n’est pas le seul à ressentir des difficultés et des doutes !

 

De cela, je tire deux enseignements.

Le premier est celui de la véracité des évangiles. Aucun des quatre ne cache les difficultés de croire. Si nous étions dans une secte, nos textes auraient prudemment effacé toute difficulté. Tout est rose dans une secte ; il faut attirer l’indécis, lui présenter la doctrine du gourou et de la secte sous les aspects les plus faciles, les plus riants. Ce n’est pas le cas des évangiles. Je pense d’ailleurs que si le christianisme était une secte, on n’aurait jamais entendu parler de la crucifixion de Jésus, pas plus que des doutes de ses disciples.

 

Le second enseignement que je tire du verset : « ils n’osaient pas encore y croire »,c’est la prise en compte, par l’évangile lui-même, de nos propres difficultés de croire. Nos difficultés de croire sont accueillies par les évangiles.

Qu’il est difficile de croire que Jésus est vraiment ressuscité !

Oui, nous y croyons, bien sûr, sinon nous ne serions pas ici. Nous y croyons, mais … !  mais nous sommes des giscardiens de la foi.

Nous y croyons, mais nous nous posons des tas de questions quant à la résurrection de la chair qui fait pourtant partie du Credo.

Nous y croyons, mais, souvent, nous n’osons pas en témoigner quand nous parlons de la foi lorsque nous dînons avec des amis non-croyants.

Nous y croyons, mais pas suffisamment pour nous engager davantage dans la vie de l’Eglise.

Nous y croyons mais nous nous posons tant et tant de questions sur la vie future.

Nous y croyons, mais nous connaissons des amis chrétiens, généreux, plus croyants que nous, qui ne croient pas en la Résurrection.

Du fond de nous-mêmes, nous refusons la mort, nous savons que nous sommes faits pour la vie, mais nous n’osons pas croire en la réalité de la résurrection du Christ et en la promesse de la nôtre.

Jésus ne nous force pas. Jésus ne nous oblige pas. Jésus ne nous démontre pas d’une manière scientifique qu’il est vivant. Jésus souhaite que notre adhésion de foi soit un acte de liberté, un acte d’amour, et non pas une soumission devant une preuve irréfutable.

Tant mieux si, parmi nous, certains ne sentent aucun doute devant la résurrection : qu’ils sachent en rendre grâce pour aider les autres. Qu’ils fassent comme Jésus : qu’ils ne forcent pas, qu’ils n’obligent pas et, surtout, qu’ils ne méprisent pas ceux qui n’osent pas encore y croire.

Et que ceux qui n’osent pas encore y croire ne se sentent pas rejetés par le Christ. Qu’ils viennent à lui, humblement, et lui présentant leurs difficultés.

Jésus ne nous cache pas les difficultés de la foi. Pour nous aider à avancer, il ouvre l’intelligence des Apôtres, de leurs compagnons – et de nous-mêmes – à la compréhension des Ecritures. Encore faut-il que nous les ouvrions !

Nos difficultés à croire ne disparaîtront pas d’un coup de baguette magique, ni grâce à une bonne prière adressée à la Vierge. Marie ne peut vouloir que ce que veut son Fils. Jésus nous dit d’ouvrir les Ecritures, de les lire, de les mâchonner, de les commenter, de nous y heurter, de les lire avec d’autres. Marie ne peut que nous y encourager.

 

Nous essayons de faire des efforts durant le Carême.

Et si ouvrir la Bible était notre effort pour bénéficier du temps pascal ?

 

Homélie du 2e dimanche de Pâques

dimanche de la miséricorde, 11 avril 2021

Lectures : Ac 4,32-35 ; Ps 117 ; 1 Jn 5,1-6 ; Jn 20,19-31

Dans l’évangile de saint Jean, MarieMadeleine est le premier témoin qui rencontre le Christ ressuscité et elle devient la première annonciatrice de la bonne nouvelle de Pâques en attestant : « J‘ai vu le Seigneur ! » Tel est le privilège accordé à une femme qui se tenait présente au pied de la croix avec Marie, mère de Jésus.

Aujourd’hui, dans le même évangile de Jean, nous nous situons le soir de Pâques. L‘ambiance est très différente : la maison est verrouillée, les disciples sont barricadés, certains d’entre eux sont transis de peur. Telle est la manifestation de leur incrédulité. Pourtant Jésus vient, il ne traverse pas les murs comme un fantôme, il est là présent, d’un seul coup : sa présence au milieu d’eux est nouvelle ; il se manifeste avec un corps glorieux marqué par les plaies du supplice.

Dans le livre de la Genèse, aux origines de l’humanité, Dieu venait dans le jardin d’Éden à la brise du soir, mais c’était pour révéler à l’homme son péché. Ici, le soir de Pâques, Jésus vient dans la maison des apôtres pour réconcilier le monde avec lui-même qui a porté le péché du monde sur la croix et qui lui envoie le souffle de l’Esprit Saint. Dans l’évangile de Jean, cet épisode se présente déjà à nous comme une Pentecôte. À la création, l’homme recevait le souffle de Dieu dans ses narines pour vivre, puis disparaître ; ici à la création nouvelle,l’homme reçoit l’Esprit du Père et du Fils, qui introduit à la vie définitive dans l’amour.

Cet Esprit Saint que sur la croix Jésus avait remis avec son dernier cri à son Père, c’est le souffle de l’Esprit que Jésus s’empresse à son tour d’insuffler sur ses apôtres : « Reçevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » C‘est un Esprit divin, fait pour réconcilier les hommes et leurrendre l’unité qui a été brisée par le péché. Car la mission des disciples est une œuvre de réconciliation universelle. Puisque l’unité a été brisée par le refus d’amour, c’est l’Esprit d’amour qui la restaure. Les disciples sont donc envoyés pour affronter le monde du péché, du refus et de la division. L’Esprit Saint fait comprendre à chaque être qu’il est enfant de Dieu et qu’il peut retrouver l’harmonie de sa vie en appelant Dieu « Abba, Père ».

Nous pouvons alors constater la pertinence de la fête célébrée aujourd’hui. La miséricorde divine prend en effet sa source dans le mystère de Pâques : elle provient d’abord de la lutte de Jésus contre le pouvoir du mal à Gethsémani, dans le jardin du mont des Oliviers ; elle provient ensuite de son pardon donné lors de sa mort sur la croix ; et elle provient enfin de l’explosion de vie qu’il suscite au jour de sa résurrection en envoyant le souffle de l’Esprit Saint. La miséricorde divine signifie que Dieu se penche sur la misère du monde, que cette misère est recueillie dans son cœur blessé au point d’en mourir par amour pour nous et de désirer nous sauver de tout mal.

La conséquence de la miséricorde est alors la paix et la joie, ainsi que le toucher. « La paix soit avec vous », déclare Jésus à trois reprises. Cette expression n’est pas une salutation, elle ne signifie pas la paix comme la donne le monde. Le mot hébreu shalom signifie le calme et l’harmonie de tout notre être, la prospérité et l’achèvement de notre humanité recréée. C’est la paix que Jésus est luimême et qu’il transmet à la place de la haine que le monde a exercéecontre lui au cours de sa Passion. C’est la plénitude du don de Dieu qui offre un immense bonheur spirituel. La rencontre avec Jésus ressuscité peut donc combler les disciples jusqu’au plus profond d’eux-mêmes.

La joie apportée par Jésus n’est pas une joie qui efface les épreuves passées, puisqu’il ne faut jamais oublier une épreuve au risque de devenir amnésique, mais c’est une joie qui est pardon reçu, acceptation, compréhension, intimité parfaite entre Dieu et les hommes, signe de la reconnaissance et de l’adhésion complète des disciples. Jésus peut alors énoncer une nouvelle béatitude : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Cette joie a jailli dans les témoins oculaires du Christ ressuscité et elle rejaillit aussi sur tous ceux qui adhèrent dans la foi à leur message ; cette joie est désormais celle de tous ceux qui sont réconciliés avec le Père.

Une semaine plus tard, la maison des disciples est encore verrouillée, mais c’est l’occasion pour Jésus de rencontrer Thomas, le disciple qui était absent le jour même de la résurrection. Son incrédulité prolonge celle des dix autres disciples pendant toute une semaine. Il demande des preuves tangibles et il permet ainsi une certitude plus grande : il devient le porte-parole de la certitude de la résurrection. Thomas a besoin de voir et de toucher et Jésus veut l’attirer jusque dans ses plaies. L’évêque Basile de Séleucie, au Vème siècle, nous rapporte le monologue intérieur que saint Thomas a pu méditer : « Mes doutes ne disparaîtront qu’à sa vue, dit-il. Qu’il blâme mon manque de foi, mais qu’il me comble de sa vue. Maintenant je suis incroyant, mais lorsque je le verrai, je croirai. Je croirai lorsque je le serrerai dans les bras et le contemplerai. Je veux voir ces mains trouées, qui ont guéri les mains malfaisantes d’Adam. Je veux voir ce flanc, qui a chassé la mort du flanc de l’homme. Je veux être le propre témoin du Seigneur et le témoignage dautrui ne me suffit pas. Vos récits exaspèrent mon impatience. L’heureuse nouvelle que vous apportez ne fait quaviver mon trouble. Je ne guérirai de ce mal, que si je touche le remède de mes mains. »

Toucher de la main, c’est le geste que Thomas n’a pas réussi à accomplir au Calvaire. Il lui faut désormais toucher véritablement le corps de celui qui est allé jusqu’au bout de son donpour lui, il lui faut toucher la souffrance et la mort, il lui faut ressentir les épreuves de la croix. Par ce geste, Jésus ne demande pas à Thomas pourquoi il était absent au Calvaire. Jésus l’oblige plutôt à faire un retour en arrière dans sa mémoire, pour l’introduire dans l’intelligence des événements récents. Le mauvais souvenir de la Passion permet alors à Thomas de comprendre sa lâcheté, sa peur, son reniement, et de discerner combien Jésus a agi par amour pour lui et pour tous les hommes en vue de pardonner leurs péchés.

Toucher les plaies de Jésus, c’est aimer « mon Seigneur et mon Dieu » qui s’est donné à moi dans la surabondance de l’amour. Mettre la main dans le côté de Jésus, c’est sentir les battements de ce cœur qui a tant aimé le monde. Pour un Juif, la croix est une malédiction, mais Jésus la fait reprendre par Thomas comme une grâce. Pour les disciples, la croix est lelieu d’un châtiment et d’une condamnation à mort, mais Jésus la fait reprendre par Thomas comme un pardon. Pour tout homme, la croix est un instrument d’accablement et de destruction, mais Jésus la fait reprendre par Thomas comme un mouvement d’amour et un acte de recréation.

Il ne faut donc pas oublier, mais comprendre autrement les trois annonces de la Passion que Jésus avait indiquées au cours de sa montée à Jérusalem. En sa résurrection, Jésus éclaire ses disciples sur le sens de la Passion. L’apôtre, envoyé en mission par le souffle de l’Esprit, passera comme le Christ par la Passion, mais ce sera pour devenir à son tour signe et source de rémission des péchés. Avec saint Thomas et avec les autres disciples du Seigneur, soyons les témoins du mystère de la croix, soyons les témoins du ressuscité marqué des stigmates du crucifié : c’est vrai ! Jésus en son corps est passé de la mort à la vie pour l’éternité. Amen !

Père Yvan Maréchal

Homélie de la Vigile Pascale

 Les textes que nous avons lu dans cette vigile nous ont fait parcourir l'histoire sainte du peuple de Dieu. Nous avons lu plusieurs récits : récit de la création, du passage de la mer Rouge, de la résurrection dans l'Évangile. J'espère que vous êtes sensible à ce langage de la liturgie, et que vous percevez la valeur de cette démarche de mémoire. Mais certainement, nous sommes moins sensible que nos pères. La culture contemporaine se soucie très peu de la faire mémoire. Elle se soucie non pas du passé, de la tradition mais de l'avenir, du progrès. Plus d'intérêt pour la sagesse de nos pères. Plus de sentiment d'être héritier de nombreuses générations. 
Pourquoi nous chrétiens ne pouvons-nous pas nous satisfaire de cela ? Surtout parce que Dieu s’est révélé à nous dans le passé : il a parlé par des hommes tel que Moïse, par des événements tel que le passage de la mer rouge, et enfin par le Christ qui est Dieu lui-même. Cette révélation c'est close vers le deuxième siècle. Nous croyons que cette révélation a une valeur divine qu'aucun progrès simplement humain ne peut atteindre. Il y a bien un sens chrétien du progrès, mais il est d'abord assimilation de cette héritage, et réalisation du projet divin. La parabole du bon grain et de l’ivraie nous dit que le bien et le mal croissent jusqu'à la moisson qui est image de la fin du monde. Cela signifie que notre monde marche vers un accomplissement, un achèvement. Notre histoire a un but. 
Nous ne sommes pas rescapé sur un radeau au milieu de l'océan, comptant sur nos propres forces et sur le hasard pour notre salut.
Nous sommes fils, nous connaissons notre origine et notre destination. Nous avons lu deux textes prophétiques, d’Isaïe et Ézéchiel, ils témoignent que Dieu connaît l'avenir, qu'il est maître de l'histoire. En faisant mémoire nous pouvons entrer dans ce projet, coopérer à l'œuvre de Dieu. En tenant notre place, en vivant notre vie quotidienne, nous pouvons participer à cette œuvre. C'est tous ensemble que nous réalisons cette œuvre commune, formée de liens entre générations et entre les hommes d'une même époque. Ce que chacun apporte à la réalisation du monde, est partagé est commun. Ainsi tous les élus dans le royaume peuvent se réjouir de ce que chacun apporte. Ces liens de dépendance deviennent liens de charité, pour le plus grand bonheur des élus. Les catéchumènes qui vont être baptisé s'apprêtent à entrer dans ce corps, corps en croissance depuis la création jusqu'à la fin du monde.

Thibaud Guespereau

Homelie du dimanche des Rameaux

Dimanche 28 avril 2021    RAMEAUX   Année B
par le Père Jean-Paul Caze

Si vous me permettez de sourire avec des choses graves, je dirai : qui d’entre nous acceptera vraiment d’être cas-contact avec Jésus au long de cette semaine ?

Ceux qui, dans les rues de Jérusalem, ont chanté : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! », ceux-là n’étaient ni meilleurs ni pires que nous.

Ils étaient probablement heureux d’acclamer le descendant de David ; ils espéraient probablement qu’il serait son successeur et qu’il siègerait sur son trône, rendant ainsi à Israël une gloire perdue depuis longtemps.

Ça, c’était le dimanche, le premier jour de la semaine juive.

Le vendredi suivant, ils crieront « A mort, à mort, crucifie-le ! »

 

Il n’est pas aisé d’être cas-contact avec Jésus, de se laisser imprégner par lui, tel qu’il veut être et non pas tel que nous le rêvons.

Jacques et Jean, deux de ses Apôtres, lui ont demandé de devenir ses ministres, tant ils pensaient que Jésus allait rétablir le royaume de David.

Au pied de la croix, ils étaient absents.

Ils ont suivi Jésus, jusqu’à un certain moment, puis ils ont rompu le contact.

 

Aujourd’hui, nous sommes venus chercher de pauvres brins de buis qui orneront, pendant un an, nos croix, nos statues, nos portes. C’est bien.

Mais, au-delà du folklore, saurons-nous être cas-contacts avec Jésus jusqu’au bout ?

Le buis n’est pas magique. Qu’il soit béni ou non, il n’a aucun pouvoir. Il ne protège de rien, ni de la maladie, ni de l’échec, ni du péché. Le buis n’est là que pour nous orienter vers Jésus. Le buis n’est là que pour ça : nous rappeler qui est Jésus, ce qu’il a fait pour nous, et nous attacher à lui.  

 

Au pied de la croix, on ne trouve que des femmes, à part Jean, le disciple bien-aimé. Selon St Marc, qui est l’évangile que nous suivons cette année, il y avait Marie-Madeleine, Marie, la mère de Jacques le Petit et de José, et Salomé. On s’y perd devant toutes ces Marie, d’autant qu’il faut ajouter la Vierge Marie que, curieusement, Marc ne nomme pas, contrairement à Jean. Toutes ces femmes « qui le suivaient et le servaient quand il était en Galilée, et plusieurs autres qui étaient montées avec lui à Jérusalem. » (Mc 15,41)

Elles seront les dernières au pied de la croix ; elles seront les premières à venir le dimanche, le matin de la Résurrection.

Elles n’ont pas rompu le contact avec Jésus, malgré sa mort.

 

Demandons leur intercession, surtout celle de la Vierge, pour qu’au cours de cette semaine nous soyons cas-contact avec Jésus à travers sa Passion, pour accéder à sa Résurrection.

 

 

Homelie du 21 mars 2021   5ème dimanche de Carême Année B

Jr 31, 31-34     Ps 50     Hb 5, 7-9     Jn 12,20-33

« Nous voudrions voir Jésus. » Souvent, les enfants demandent à voir Jésus dont on leur parle en famille et au catéchisme. Alors, nous, adultes, nous leur expliquons qu’on ne peut le voir avec les yeux, qu’on le voit avec le cœur. Tout cela est vrai ; mais nous risquons de nous satisfaire de notre réponse d’adultes. Or, je pense qu’il est plus que nécessaire de garder un cœur d’enfant avec le désir de voir Jésus de nos yeux. J’espère que c’est votre désir à vous, jeunes qui êtres présents au milieu de nous et qui vous préparez à recevoir le sacrement de Confirmation. Je souhaite que ce soit notre désir à nous tous : voir Jésus !

 

Dans la lecture de l’évangile selon st Jean, nous sommes à six jours de la Pâque. Jésus vient d’entrer triomphalement à Jérusalem à tel point que les Pharisiens se sentent incapables de lui nuire ; ils se disent les uns aux autres : « … vous n’arriverez à rien : voilà que le monde se met à sa suite. » (Jn 12, 19)

C’est alors que commence le passage qui nous est donné aujourd’hui : « Il y avait quelques grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque. » Soit des étrangers, des non-juifs, qui viennent adorer le Dieu des Hébreux, et il y en a beaucoup chaque année pour la Pâque; soit des juifs de culture grecque qu’on retrouvera le jour de la Pentecôte au milieu des Parthes, des Mèdes, des Elamites et de toutes les nations entourant la Méditerranée. Quoi qu’il en soit, à travers ces grecs, c’est, comme le déplorent les Pharisiens, le monde entier se met à la suite de Jésus.

Et ce monde entier qu’ils symbolisent s’adresse d’abord à Philippe, dont le nom est grec ; Philippe en référera à André et tous deux s’adresseront à Jésus pour lui transmettre la demande des grecs : « Nous voudrions voir Jésus. »

Ce désir n’est pas le thème central du passage. Pour essayer, même maladroitement, de présenter ce thème, on peut dire qu’il tourne autour du lien entre le Père et Jésus à l’occasion de la mort de ce dernier. Certains chrétiens se représentent la Passion comme un moment qui concerne uniquement le Christ et pas du tout le Père. Comme si le Père avait dit à son Fils : « Va donner ta vie pour les hommes ; moi, je reste tranquillement dans mon ciel. » Certes, le Père n’est pas le Fils, mais tous deux sont si profondément unis que Jésus peut affirmer : « Le Père et moi nous sommes un. » (Jn 10,30) Quand Jésus meurt sur la Croix, le Père n’est pas en train de s’occuper d’autre chose en attendant que son Fils ressuscite. Comme des parents dignes de ce nom souffrent lorsque leur enfant souffre, le Père est auprès de son Fils au cours de sa Passion. Et voilà pourquoi il dit de Jésus : « Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore. » Voilà quel est le thème central de notre passage.

Mais il me semble bon de demeurer un instant sur la demande des grecs bien que ce ne soit pas le thème central de notre évangile : « Nous voudrions voir Jésus. » Le voir peut-être pour lui parler, pour lui demander une faveur, pour l’interroger sur une question de foi. Il y a beaucoup de raisons possibles. Jésus accueille cette demande mais répond à sa manière. Il accepte que ces personnes le voient, mais il veut qu’on le voit comme il veut être vu. Il ne veut pas être vu comme on voit quelqu’un dans une conversation de salon, comme ça, en passant. Il veut être vu dans sa réalité messianique car « l’heure est venue où le Fils de l’homme – c’est-à-dire lui-même – doit être glorifié. »

Peut-être vous souvenez-vous qu’à Cana, il n’avait pas accepté tout de suite de manifester sa gloire parce que, disait-il, son heure n’était pas encore venue. L’expression « mon heure » revient plusieurs fois chez st Jean. Elle désigne le moment paradoxal de la Croix qui est en même temps le lieu de sa mort et de sa glorification. On peut dire : de sa résurrection. Alors, quand les grecs demandent à le voir, il répond que la meilleure façon de le voir c’est de méditer, de regarder, de contempler sa mort en vue de sa résurrection.

Les grecs demandent à voir Jésus. Leur demande est bonne. Il serait curieux que nous, chrétiens, nous n’éprouvions pas ce désir au fond de nous-mêmes.  Il faut l’entretenir par la prière, les sacrements, la lecture de la Bible, les engagements au service d’autrui. Voir Jésus, le rencontrer, parler avec lui comme un ami parle à un ami. Voilà comment on peut exprimer quel est le but de notre vie spirituelle. Je vais peut-être vous étonner en vous disant que les sacrements, qui sont des réalités fantastiques, ne suffisent pas : ils sont pour cette vie, ils sont nécessaires à notre vie terrestre ; mais ils sont là pour creuser en nous le désir d’un face à face définitif et absolu. Dans le Royaume, il n’y aura plus de sacrements puisque nous serons en présence de celui que les sacrements rendent présent les humbles réalités de pain, de vin, d’huile, d’eau. Dans le Royaume, nous verrons Dieu

Voir Jésus : le voir de nos yeux, lui serrer la main, parler avec lui d’homme à homme, les yeux dans les yeux ! Sur cette terre, nous savons que ce n’est pas le cas, mais portons-nous ce désir en nous ? Car c’est ainsi que, paradoxalement, nous pourrons le faire voir à travers nos gestes, nos paroles, nos prises de position. Je le dis particulièrement pour vous, les jeunes, qui allez être confirmés. Et je le dis tout autant pour nous, les anciens confirmés. Si nous avons le désir profond de voir Jésus, alors, nous le rendrons visible par toute notre vie personnelle et communautaire. Et en le rendant visible, nous le ferons aimer.

 

Homélie du 14 mars 2021   4ème dimanche de Carême   Année B

2 Ch 36, 14-16+19-23     Ps 136     Ep 2,4-10     Jn 3,14-21

Par le Père Jean Paul Cazes

La foi chrétienne est composée de deux aspects indissociables :

            1er aspect : elle vient de Dieu, elle a un contenu qui ne dépend pas de

            nous

            2ème aspect : elle est une réponse d’adhésion de notre part.

On retrouve là les deux aspects de la vie de prière tels que notre curé est en train de l’exposer le dimanche matin.

 

En ce qui nous concerne, la réponse de foi chrétienne est une certitude, pas une évidence.

Si c’était une évidence, tout le monde serait obligé de croire.

Par exemple, dans notre système mathématique, deux plus deux font quatre : il n’y a aucune échappatoire.

Or, la foi demande notre acceptation libre et aimante.

La foi n’est pas une évidence, mais une certitude.

Il y a toujours un saut dans la foi, une sorte de pari comme aurait dit Pascal.

C’est la même sorte de pari qui est celui de deux jeunes qui décident de s’aimer pour la vie.

La décision d’amour n’est jamais une évidence mathématique. Personne n’a jamais démontré scientifiquement le sentiment amoureux. Et pourtant, il n’y a rien de plus fort et de plus certain.

Par contre, on peut, et même on doit, réfléchir son amour afin de l’améliorer, de le corriger et de l’approfondir.

De la même manière – car amour et foi sont frère et sœur – la foi suppose un saut de confiance pour y entrer et demande ensuite à être améliorée, corrigée et approfondie.

On n’aime pas après un raisonnement, mais on trouve des raisons d’aimer.

De la même façon, on croit sans raisonnement, mais on découvre des raisons de croire.

Un de mes professeurs avait coutume de dire : la foi n’est pas rationnelle, mais elle est raisonnable.

Parce que nous croyons, nous devons chercher des raisons de croire. Or, Dieu lui-même, dans sa manière de se présenter à nous, nous donne des raisons de croire en lui.

 

Parfois, les journaux ouvrent leurs colonnes à ce qu’on appelle les « bonnes feuilles » d’un livre qui vient de paraître.

Les textes bibliques nous offrent aujourd’hui quelques « bons versets ». Je précise : tous les versets de l’Ecriture sont parole de Dieu et méritent notre attention, notre respect et l’effort de notre intelligence.

Il n’empêche que certains versets, plus que d’autres peut-être, peuvent nous aider, nous qui avons fait le saut de la foi, à trouver des raisons de croire. Ces raisons ne convaincront pas forcément celui qui ne croit pas, mais elles nous diront, à nous, que nous ne faisons pas fausse route.

 

D’abord, selon la première lecture, rien n’est jamais fermé pour notre Dieu. Dans la situation la plus terrible, notre Dieu ouvre toujours une issue. Depuis 70 ans, les Hébreux étaient captifs à Babylone ; contre toute espérance, le roi Cyrus permet à ceux qui le veulent de rentrer à Jérusalem et de rebâtir le Temple. C’est nous qui nous fermons à nous-mêmes les portes de l’espérance ; pas Dieu !

Passons ensuite à ce que dit Paul aux chrétiens de la ville d’Ephèse. Par deux fois, en 6 versets, il écrit : « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés. » Etre sauvé, c’est être relié à Dieu pour toujours. Dans le salut, comme dans la foi, il y a deux aspects indissociables : le travail de Dieu et notre réponse. Du côté de Dieu, le travail est accompli, grâce au Christ. Du haut de la Croix, le salut est offert totalement et définitivement à tous les hommes. Nous ne sommes pas sauvés par l’accumulation de nos bonnes actions ; c’est Jésus, et lui seul, qui nous relie à son Père. Par contre, par nos bonnes actions, nous montrons au Christ que nous acceptons son salut et que nous ajustons notre vie à son double commandement d’amour.

Enfin, merveille des merveilles, ce verset de St Jean : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »   Quelqu’un me demandait un jour si je croyais que Dieu est Juge. Oui je le crois. Puisque Dieu est amour, comme l’écrit St Jean dans une de ses lettres, alors Dieu est juste. Mais la justice de Dieu ne consiste pas à condamner. Même les jugements humains peuvent se conclure sur un acquittement. Dieu est juge, mais sa justice consiste à nous rendre justes nous-mêmes. Par sa justice, nous sommes ajustés à son amour. Notre unique travail – mais il est fondamental – est d’accepter ce que nous offre Dieu à travers son Fils. De manière poétique mais tellement compréhensible, Dieu nous offre la lumière, celle du pardon, celle de la paix, celle de la justice, celle de l’amour fraternel. Il nous suffit de dire « Oui », comme la Vierge Marie.

 

Voici quelques raisons que nous avons de croire en Dieu notre Père. Dans le temps de Carême qui nous reste, il serait intéressant que chacun de nous essaie de découvrir en lui quelles sont les autres raisons qui le gardent dans la foi.  

 

Homelie du 7 mars 2021   3ème dimanche de Carême B

Ex 20, 1-3+7-8+12-17     Ps 18b (19)     1 Co 1,22-25     Jn 2, 13-25

par le Père Jean Paul Cazes

J’entends souvent qu’on est gêné par le geste de Jésus qui chasse les marchands du Temple, alors qu’en même temps on regrette que les marchands envahissent Lourdes. D’ailleurs, c’est inexact : à Lourdes, les marchands de chapelets et autres colifichets religieux sont à l’extérieur du sanctuaire, alors qu’à Jérusalem ils étaient dans le Temple lui-même. Mais que ce soit pour Jérusalem ou pour Lourdes, on s’attache à ce qui est secondaire dans le texte sans voir le principal.

Que Jésus se soit mis en colère et qu’il ait chassé fermement les vendeurs est secondaire par rapport à ce qui est affirmé à cette occasion : « Lui parlait du sanctuaire de son corps. Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Ecriture et à la parole que Jésus avait dite. »      

Ce que les disciples retiennent, ce n’est pas le coup de sang de Jésus, mais le fait que le vrai Temple de Dieu, le vrai lieu de la présence de Dieu, c’est Jésus lui-même dans son corps.

 

Beaucoup ont pleuré lors de l’incendie de Notre Dame, et moi parmi tant d’autres car c’est l’église de mon ordination. Je suis heureux de sa reconstruction. Mais un jour, comme toutes choses humaines, elle disparaîtra. St Pierre de Rome disparaîtra. Ste Sophie de Constantinople, qui est une église – n’en déplaise au président turc disparaîtra aussi. Mais la foi chrétienne ne disparaîtra pas pour autant.

Car le véritable lieu de la présence de Dieu n’est pas une construction humaine, si belle soit-elle. Le lieu fondamental de la présence divine est le Christ. St Paul écrit aux chrétiens de Colosses : « (Dans le Christ) habite toute la plénitude de la divinité… » Et il ajoute pour être certain d’être bien compris : « corporellement. » (Col 2,9) Dans le corps humain du Christ, ce corps conçu du St Esprit, né de la Vierge Marie, ce corps qui a partagé notre vie humaine, ce corps qui a souffert, qui est mort et ressuscité, dans le corps humain du Christ réside la plénitude la divinité.

C’est ce corps ressuscité qui se fait nourriture pour chacun de nous. C’est ce corps que nous recevons pour faire corps avec Jésus, pour faire Eglise avec Jésus. L’Esprit Saint fait du Christ individuel uni à son Eglise qui est son corps mystique le lieu où trouver la plénitude de la divinité.

 

Du temps du Christ, tous les peuples autour de la Méditerranée adoraient leurs dieux dans des maisons qui étaient la maison du dieu ou de la déesse. Même les Hébreux avaient construit le Temple de Jérusalem pour y abriter le Seigneur. Nul ne pouvait y entrer, à part le Grand Prêtre, et seulement une fois par an.

Jésus bouleverse cette façon de voir. Il offre à l’humanité un culte universel ; grâce à lui, chaque être humain peut approcher la divinité et pas seulement le Grand Prêtre. Il n’y pas besoin d’un lieu pour cela : c’est le Christ lui-même, c’est l’Eglise elle-même, qui sont les demeures de Dieu ; et chacun de nous l’est aussi par son baptême et sa confirmation.

En rigueur de terme, les églises que nous construisons ne sont pas les demeures de Dieu ; Dieu n’en a pas besoin.  Il a choisi d’avoir besoin de notre cœur. C’est le Christ, c’est l’Eglise, c’est nous qui sommes la demeure de Dieu. Par contre nous, pauvres humains, nous avons besoin d’un toit au-dessus de nos têtes. Les bâtiments de nos églises ne sont pas les demeures de Dieu, mais les demeures du peuple de Dieu ; pour aider notre prière, pour nous rassembler, pour faire corps, pour faire Eglise, il nous faut un bâtiment. Heureux sommes-nous, ici, d’en avoir un !

Je suis toujours un peu ennuyé d’entendre un adulte dire à un petit enfant : « Entrons dans la maison de Jésus. » Ce n’est pas ainsi qu’on éduque un enfant à la foi chrétienne. J’aimerais mieux entendre quelque chose comme : « Allons dire bonjour à Jésus. » Car la maison de Jésus, c’est le cœur de cet enfant, c’est le cœur de l’adulte qui l’accompagne. En regardant nos églises, en aimant nos églises, en aimant Notre Dame de Paris, ne retombons pas dans le paganisme qui faisait d’un temple bâti de main d’homme la demeure de Dieu.

Et ceci est capital puisque c’est lors de la Résurrection du corps de Jésus que les disciples crurent dans les paroles de l’Ecriture et en ce que Jésus avait dit. Ils se rappelèrent probablement ce que Salomon avait dit lui-même lorsqu’il construisit le Temple de Jérusalem : « Est-ce que vraiment Dieu pourrait habiter sur la terre ? Les cieux eux-mêmes ne peuvent te contenir ! Combien moins cette Maison que j’ai bâtie ! » (1 R 8, 27) Alors, si le bâtisseur du Temple de Jérusalem a dit cela, combien plus nous, chrétiens, qui connaissons le Fils de Dieu fait homme !

 

L’unique temple de Dieu, c’est le corps du Christ, c’est-à-dire son corps total, l’Eglise dont Jésus est la Tête.

Aimons nos églises, nos petites églises de campagne comme nos cathédrales ; elles nous offrent la possibilité de faire corps autour du Christ qui est le véritable Temple du Dieu vivant. C’est vers ce temple-là, ce temple vivant, que nous fait avancer le Carême.

Homélie du 7 février 5e dimanche du temps ordinaire

Jb 7, 1-4+6-7     Ps 146     1 Co 9, 16-19+22-23     Mc 1,29-39

Par le Père Jean Paul Cazes

A lire et relire la première lecture et l’évangile de ce jour, comment ne pas nous y reconnaître ? Les questions de santé nous ont toujours touché, à tel point que la formule spontanée des vœux que nous venons à peine d’échanger est « Bonne année, bonne santé ».

Les questions de santé sont en ce moment omniprésentes, à tel point que les informations à la radio ou à la télé ne parlent presque que de cela, comme si le reste du monde avait disparu. A part les élections américaines, nous ne savons plus guère ce qui se passe en Syrie, en Afghanistan ou en Birmanie. On nous parle de la fabrication des vaccins en Chine, mais on ne nous dit presque plus rien sur la situation à Hong Kong. On sait que Spoutnik V est un vaccin sûr, mais on ne sait plus trop où en sont les droits de l’homme en Russie.

Les problèmes de santé nous tracassent, plus peut-être aujourd’hui qu’à un autre moment. A cause des détresses qui sont les nôtres, nous nous tournons vers Jésus. C’est un réflexe normal.

La question que je me pose, quand même, est de savoir si notre piété sera la même une fois que nous serons sortis de la pandémie. Pour le dire plus crûment, et de façon un peu provocatrice : est-ce que nous utilisons bien Jésus ? Est-ce que nous l’utilisons pour ce pour quoi il est fait ? Pour prendre des images : nous n’utilisons pas une aiguille à broder pour coudre du cuir ; nous n’utilisons pas un marteau pour souder ; nous ne jouons pas au rugby avec une balle de tennis.

 

Certes, Jésus affirme avec force qu’il se fait notre serviteur ; il dit lui-même être «venu non pour être servi mais pour servir. » (Mt 20,28) Et il lave les pieds de ses disciples.

D’autre part, Jésus nous incite à demander. Demander des grâces au Seigneur, c’est reconnaître que nous ne pouvons rien sans Lui. C’est reconnaître qu’il est comme un Père à notre égard et qu’il prend soin de nous parce qu’il nous aime. « Demandez, on vous donnera …frappez, et on vous ouvrira. » (Mt 7,7) La prière de demande est une des formes de la prière que Jésus nous recommande. Par exemple, la seconde moitié du Notre Père est faite de prières de demande : Donne-nous aujourd’hui … Pardonne-nous … ne nous laisse pas entrer en tentation … délivre-nous du mal. Ce serait mal connaître le cœur du Père que de ne pas lui adresser toutes nos demandes.

 

Faisons le point : Jésus, qui s’est fait notre Serviteur, nous encourage à demander. Or, en ce moment, les questions de santé sont omniprésentes. Il est donc normal de les lui présenter, il est donc normal de lui dire nos détresses de santé, et toutes les détresses qui en découlent.

 

Cependant, je me demande si utilisons bien Jésus, comme il souhaite être utilisé. Encore une fois, je m’exprime de manière un peu provocante.

Pour illustrer ma question, examinons les intentions de prière qui sont demandées à chaque messe.  Il y a beaucoup de demandes – et c’est normal. Par contre, il y a peu de remerciements et d’actions de grâce. En bonne logique, il conviendrait qu’il y ait au moins autant de remerciements que de demandes.

Encore une fois, il est juste de présenter au Seigneur nos questions, nos problèmes, nos détresses. En particulier dans le domaine de la santé. Mais Jésus est-il venu pour être notre docteur-miracle ? Jésus est-il notre super-vaccin ?

De son temps, il a guéri des malades : l’évangile de ce jour en est témoin. Mais il n’a pas guéri tous les malades de son époque. Il a ressuscité Lazare, mais il n’a pas ressuscité tous ceux qui étaient morts à son époque. Il a pacifié ceux qui étaient habités par des esprits impurs ; mais pas tous.

Ce qui me fait dire : avons-nous bien compris et admis ce qu’il est vraiment venu faire au milieu de nous, ou bien sommes-nous uniquement en train d’utiliser sa puissance à notre service ? Ne sommes-nous pas comme ces juifs qui, après la multiplication des pains, voulaient que Jésus devienne leur roi ? (Jn 6, 14-15) C’est si pratique d’avoir un  roi qui donne à manger. C’est si pratique d’avoir un Seigneur qui guérit tout le monde.

Lorsque Simon le cherche et le trouve en train de prier, Jésus lui répond : « Allonsailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Evangile : car c’est pour cela que je suis sorti. » Certes, de grand matin, il est sorti de la maison pour aller prier. Mais ce n’est pas de cette sortie-là qu’il veut parler. Il est sorti de son Père, il est venu jusqu’à nous. Et pourquoi ? Pour proclamer l’Evangile. Voilà sa mission. Il n’est pas venu pour être le docteur universel et guérir toutes les maladies physiques. Les quelques guérisons physiques et psychiques qu’il a accomplies de son temps, les quelques guérisons physiques et psychiques qu’il accompli du nôtre, sont les signes d’une autre guérison infiniment plus profonde et plus universelle qu’il est venu offrir à tous : la guérison de tout être et de l’être tout entier, la possibilité enfin réalisée d’être unis à notre Père et rassemblés dans un même peuple de frères et de sœurs. C’est ce qu’on appelle le salut.

Jésus s’est fait notre Serviteur par amour pour nous permettre d’accéder, grâce à lui, à notre Père. Son outil : la prédication de l’Evangile. St Paul l’a parfaitement compris, lui qui écrit aux chrétiens de Corinthe dans notre seconde lecture: « Frères, annoncer l’Evangile … c’est une nécessité qui s’impose à moi. »

 

Il est normal de demander au Seigneur Jésus de nous aider dans nos détresses, et spécialement en ce qui concerne notre santé et celle de nos proches. Mais Jésus est venu nous offrir, par sa mort et sa résurrection, une toute autre guérison dont les guérisons physiques en sont le signe. Savons-nous demander la guérison du corps sans oublier celle de notre être entier ? Savons-nous autant remercier que demander ?

 

En résumé, savons-nous regarder Jésus et le prier pour ce qu’il est venu faire chez nous, c’est-à-dire : apporter l’Evangile du salut ?

Homélie du 31 janvier 2021 4ème dimanche Année B

Par le Père Jean Paul Cazes

Dt 18, 15-20     Ps 94     1 Co 7,32-35     Mc 1,21-28

​Le passage de l’évangile que nous lisons ce matin est situé au début de l’évangile selon st Marc : il s’agit des versets 21 à 28 du premier chapitre. Depuis le début du chapitre, en 20 versets, Marc a évoqué la prédication de Jean-Baptiste, puis le baptême de Jésus, sa tentation au désert, le début de sa prédication et l’appel de Simon, d’André, de Jacques et de Jean. 

​Et là, tout de suite, dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus enseigne et il guérit. Tout de suite, Marc nous dit que nous sommes en présence d’une manifestation divine , d’une sorte d’épiphanie. En effet, Jésus dit et Jésus agit. Rappelez-vous le premier chapitre du livre de la Genèse : « Dieu dit … et cela fut. » « Dieu dit : Que la lumière soit … Et la lumière fut… Dieu dit : Qu’il y ait un firmament … Il en fut ainsi… »

C’est la plus ancienne description de Dieu : un Dieu qui parle et dont la parole est efficace. Un Dieu dont la parole et l’action ne sont pas séparées. Un Dieu qui dit vrai, un Dieu à la parole de qui on peut faire confiance. 

D’où la stupéfaction de ceux qui sont présents ce jour-là dans la synagogue. Bien sûr, ils ne professent pas leur foi en la divinité de Jésus ; curieusement, celui qui reconnaît la divinité de Jésus, c’est l’esprit impur qui habite un pauvre homme malade . Les autres n’en sont pas encore là ; cependant, ils sont étonnés par l’enseignement de Jésus. Cet homme parle avec autorité, c’est-à-dire qu’il enseigne sans se référer aux scribes anciens, comme le font tous les scribes qui enseignent dans les synagogues. Habituellement, quand un scribe enseigne, il se réfère à ses prédécesseurs ; à la limite, il ne fait que répéter ce que les anciens ont dit ; il met leur enseignement au goût du jour, il n’innove pas. Jésus ne procède pas ainsi, et c’est cela qui crée la stupéfaction chez ses auditeurs. Sans le formuler de cette manière, ils se demandent qui est cet homme. C’est la question fondamentale de tous les évangiles : la question de   l’identité de Jésus. 

Marc écrit : « Jésus se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. » Souvent, dans les évangiles, on voit Jésus enseigner. Mais jamais, ou presque, on ne dit à ces moments-là quel est le contenu de son enseignement. C’est le cas aujourd’hui. Il enseigne, et il va guérir. Il enseigne d’une manière tout à fait inédite qui crée la stupéfaction chez les auditeurs, mais on ne sait pas ce qu’il enseigne.

Ou plutôt, si ! On voit bien ce qu’il enseigne en parlant et en guérissant, en parlant et en agissant comme Dieu au premier chapitre de la Genèse. Il enseigne : LUI ! Il enseigne QUI il est. Il enseigne que la promesse offerte à Moïse est en train de se matérialiser sous les yeux des fidèles de la synagogue. 

Dans la première lecture de ce jour, nous avons entendu ce que le Seigneur promet à Moïse : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi… » 

Rappelez-vous ce que nous avons entendu, pendant l’Avent : « Les prêtres et les lévites posèrent à Jean-Baptiste cette question : « Qui es-tu ? Es-tu le Christ ? Es-tu Elie ? Es-tu le Prophète ? » (voir Jn 1, 19-21). On se demande souvent de quel Prophète parlent les prêtres. Très probablement de celui qui est annoncé dans notre première lecture, c’est-à-dire d’un Prophète qui parle et agit dans l’esprit de Moïse. Comme Moïse, Jésus est législateur, mais il fait plus que donner une loi : il est lui-même la Loi d’amour. Comme Moïse, il est libérateur, mais il ne libère pas seulement les Hébreux, il libère tous les hommes. Comme Moïse fait entrer en Terre Promise, Jésus fait entrer les hommes dans son Royaume. Jésus est un Prophète, mais bien plus qu’un Prophète : il est Dieu incarné. Son enseignement est autre chose qu’un code moral. Si nous cherchonsun code moral, nous le trouvons dans le Décalogue de Moïse. Ce que Jésus apporte, ce n’est pas un Décalogue mis au goût du jour, ce n’est pas une Loi améliorée, c’est la Loi d’amour du double commandement, cette Loi qu’il a lui-même totalement suivie en donnant sa vie pour tous les hommes de tous les temps, de toutes les races et de toutes les cultures. 

Le chrétien ne se définit pas par une loi morale, même si la morale est évidemment importante. Le chrétien se définit par son attachement à la personne de Jésus-Christ, par sa foi et sa confiance en la personne de Jésus-Christ, par son amour en la personne de Jésus-Christ. C’est l’amour du Christ pour nous, et notre amour pour lui qui nous donne la force d’aimer nos frères. 

Et c’est ainsi que sa renommée se répandra de plus en plus, non plus dans la région de Galilée, mais dans celle de  Courbevoie. 

Homélie du 3e dimanche du temps ordinaire – 24 janvier 2021

Par le Père Jean Paul Cazes

Jon 3, 1-5+10     Ps 24     1 Co 7,29-31     Mc 1,14-20

Ce troisième dimanche du temps ordinaire est devenu le dimanche de la Parole de Dieu par la décision du Pape François.

 

« Dieu dit … et cela fut. »

Vous connaissez ce refrain : on le trouve dix fois de suite dans le merveilleux poème de la Création du monde, au premier chapitre du livre de la Genèse.

« Dieu dit : Que la lumière soit … Et la lumière fut… Dieu dit : Qu’il y ait un firmament … Il en fut ainsi… »

C’est la plus ancienne description de Dieu : un Dieu qui parle et dont la parole est efficace. Un Dieu dont la parole et l’action ne sont pas séparées. Un Dieu qui dit vrai, un Dieu à la parole de qui on peut faire confiance.

Il a fallu dix siècles d’histoire, dix siècles de prière et de méditation, dix siècles de sainteté et d’infidélités, dix siècles de péché et de pardon pour que le peuple de Dieu, en la personne de St Jean, disciple de Jésus, puisse écrire ces mots fabuleux : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. » (Jn 1,1)

Il a fallu dix siècles pour arriver à concevoir que la Parole de Dieu n’était pas quelque chose mais quelqu’un. Cette Parole de Dieu, ou ce Verbe de Dieu, c’est Jésus, fils de Marie, mort et ressuscité pour tous les hommes. La Parole de Dieu a pris chair ; et dès lors elle a pu traduire en mots humains la pensée éternelle de son Père. La Parole de Dieu qui a créé le monde a accepté de devenir créature pour se mettre à notre portée.

On lit dans le livre du Deutéronome (Dt 8,3) : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu ». Ce qui était une merveilleuse image, Dieu lui-même l’a prise au mot : c’est de la bouche de Jésus que sort toute parole nourrissante pour nous.  Pour nous, Jésus, vraie Parole de Dieu faite chair, est devenu aussi notre vrai Pain. Pain et Parole sont intimement liées dans la messe que nous célébrons. On ne peut pas célébrer l’Eucharistie et communier au Pain vivant si on ne célèbre pas d’abord la Parole de Dieu. C’est ainsi que la phrase du Deutéronome que je viens de vous citer est en quelque sorte prémonitoire ; elle annonce, avec quelques siècles d’avance, la forme du culte qui nous rassemble aujourd’hui pour nous nourrir. La messe contient, de façon inséparable, le temps de la Parole et le temps de l’Eucharistie. « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. » Pour la vérité de notre foi, nous ne pouvons pas nous contenter de recevoir l’Eucharistie si nous ne lisons jamais au moins les Evangiles.

 

Lorsqu’à la fin de la lecture de l’Evangile, le prêtre dit : « Acclamons la Parole de Dieu », ce n’est pas un livre que nous acclamons, c’est le Christ dont les paroles viennent d’être proclamées. Le livre est vénérable, la Bible est vénérable, mais elle renvoie à Celui qui est la Parole véritable, le Christ Jésus. Quand nos frères musulmans parlent de nous, ils disent que nous sommes la religion du Livre. Ils n’ont pas saisi ce qui est le fondement de notre foi. Ce n’est pas un Livre, si saint soit-il :  c’est Dieu fait homme et rempli d’Esprit Saint. Je vous ai déjà cité mon ancien professeur d’Ecriture sainte, le Père Trinquet, un savant, très méticuleux sur la connaissance du texte biblique. Ce savant nous a dit un jour : « Mes amis, notre religion ne repose pas sur de vieux bouts de papyrus. Elle repose sur l’Esprit Saint. » Nous ne croyons pas en un texte, mais en Dieu le Père, en Dieu le Fils mort et ressuscité, en Dieu l’Esprit Saint. Par contre, le texte, lu et relu, étudié, discuté, « mâchonné », est le témoignage le plus précieux de la pédagogie de Dieu qui, à travers l’histoire très concrète d’un petit peuple, nous amène jusqu’à rencontrer la Parole de Dieu faite chair. Voilà pourquoi lire la Bible, toute la Bible, et pas seulement le Nouveau Testament, est si important pour nourrir notre foi. Toute la Bible, y compris à travers ses difficultés, est le chemin que Dieu a pris pour nous mener à rencontrer, à écouter, à communier et à suivre sa propre Parole devenue homme pour que, en échange,  nous soyons divinisés.

 

Comme je vous l’ai dit, et comme vous le savez certainement, ce troisième dimanche du temps ordinaire est le dimanche de la Parole de Dieu. Une des raisons de cette qualification est que ce dimanche est fêté pendant la Semaine de prière universelle pour l’unité des chrétiens. Si beaucoup de sujets nous séparent encore des protestants, des orthodoxes et des anglicans, des sujets fondamentaux nous unissent déjà : le même baptême, le même Notre Père, la même Bible, le même amour et la même foi en la personne de Jésus, né de Marie, notre Seigneur, mort et ressuscité pour tous les hommes. Longtemps, nous, catholiques, nous avons pensé que la Bible était « protestante ». La Bible n’est ni protestante, ni orthodoxe, ni catholique : elle appartient à tous ceux qui reconnaissent en Jésus-Christ la Parole de Dieu faite chair. Anglicans, catholiques, orthodoxes, protestants, malgré nos différences encore sensibles, nous sommes rassemblés par la même Parole de Dieu, cette Parole vivante qui a dit juste avant de mourir : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient un en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,21)

 

Telle est la Parole de Dieu : une Parole de vérité et de réconciliation en vue de la foi du monde. Et cette Parole est efficace : voilà pourquoi je crois que l’unité entre baptisés est en marche pour que le monde croie en Jésus-Christ.