Homelie du 18 février 2024   1er dimanche de Carême  Année B

 

par le Père Jean Paul Cazes


Genèse 9,8-15   Psaume 24   1Pierre 3,18-22   Marc 1,12-15

Baptême-Confirmation-première communion de Nké-Tabitha BIDZOGO

 

Il est possible que beaucoup d’entre vous ne connaissent pas le prénom « Tabitha ». On le trouve dans le livre des Actes des Apôtres, au chapitre 9, versets 36 à 43. Tabitha est une femme qui appartient à la communauté des premiers disciples ; elle vit à Joppé, l’actuelle Jaffa. Elle était, dit le texte, « riche des bonnes œuvres et des aumônes qu’elle faisait » (Ac 9,36), et donc certainement très aimée et respectée. A la demande de la communauté, Pierre va ressusciter cette femme qui venait de mourir ; comme Jésus pour la fille de Jaïre, Pierre ordonne : « Tabitha, lève-toi. » La conclusion de ce miracle : « Tout Joppé fut au courant, et beaucoup crurent au Seigneur. »

Si je vous résume ce passage des Actes des Apôtres, c’est que l’une d’entre nous a choisi ce nom comme nom de baptême.

Nké est une adulte, d’origine camerounaise. Après un long cheminement, et à travers de graves ennuis de santé, elle est entrée au catéchuménat il y a deux ans environ. Et voici qu’aujourd’hui ce chemin arrive à son terme : dans quelques instants, elle va recevoir les trois sacrements de l’initiation chrétienne : le baptême, la confirmation et l’eucharistie. Je viens d’ailleurs de dire une bêtise : si le catéchuménat de Nké s’achève, la vie chrétienne de Tabitha prend son essor. Son baptême n’est pas une fin mais une éclosion.

En ce premier dimanche de Carême, Tabitha nous rappelle l’importance primordiale de notre vie de baptisés-confirmés. Avant d’être un temps de privations et d’efforts, le Carême est un temps de renouvellement de notre propre baptême, un temps qui nous est donné pour demander la grâce d’être vraiment fils et filles de Dieu, et frères et sœurs les uns des autres.

Alors, avec Tabitha, et autour d’elle, vivons joyeusement ce Carême à la rencontre de Celui qui peut et qui veut nous ressusciter à chaque instant de notre vie.

En grec, le nom de Tabitha se traduit par « Gazelle » !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homelie du 14 janvier 2024     2ème dimanche   temps ordinaire   Année B

 

1 S 3,3b à 10+19   Psaume 39   1 Co 6,13c à 15a+ 17-20     Jn 1,35-42

 

Moi, je sais quel jour j’ai été ordonné – le 29 juin 1968, jour de la St Pierre-St Paul -, où j’ai été ordonné – à Notre Dame de Paris –, par qui – Monseigneur Marty – et à peu près à quelle heure – vers 11h : je dis « à peu près » car je ne regardais pas ma montre à ce moment-là.

J’imagine que vous aussi vous savez avec précision le jour où vous vous êtes rencontrés, ou celui ou vous vous êtes embrassés pour la première fois, ou bien celui où vous vous êtes mariés. Ou bien la date de votre premier emploi. Ou bien, ou bien, ou bien …

Il y a des dates marquantes, qui sont des repères, des dates que l’on fête comme des anniversaires, des dates qui orientent nos vies.

Ce fut le cas pour André et l’autre disciple qui est fort probablement Jean l’évangéliste. La rencontre de Jésus fut si marquante qu’en composant son évangile vers l’an 90, Jean se souvenait encore de l’heure exacte : « C’était la dixième heure. » c’est-à-dire environ quatre heures de l’après-midi.

L’évangile est ancré dans nos réalités humaines les plus terrestres et les plus concrètes. Le philosophe Michel Onfray, dans son dernier livre dont il a parlé l’autre jour à la télévision, s’intéresse à Jésus et au christianisme comme une histoire symbolique. Il nie l’existence concrète de Jésus mais accueille tout le symbole qu’elle représente en termes de justice, d’amour des autres, de paix … Si j’ai bien compris, le christianisme, pour Onfray, est une sorte de philosophie très respectable, qui ne s’enracine cependant dans aucune incarnation.

Pourtant, les détails comme celui qui nous est rapporté aujourd’hui nous parlent d’une réalité palpable, concrète, charnelle, au sens le plus positif du terme. Au sens où le Fils de Dieu s’est fait chair dans le sein d’une femme. Voilà pourquoi Paul, lorsqu’il écrit aux chrétiens de Corinthe, met le doigt sur la dignité du corps. Paul s’adresse à des chrétiens mal dégrossis, des hommes qui travaillent au port de Corinthe et dont la vie est probablement marquée par la débauche. Le corps, – leur corps – n’est pas fait pour la débauche ; il est le sanctuaire de l’Esprit Saint depuis que le Fils de Dieu s’est fait chair. Le corps humain, notre corps, est promis à la résurrection puisque, par le baptême, nous sommes vitalement liés au Christ mort et ressuscité. Dieu n’a pas honte de notre corps, il n’a pas honte de ce qu’il a créé. Par notre corps, nous sommes tous appelés à un chemin de chasteté, qui est un chemin de sainteté. Par pitié, ne confondons pas chasteté et célibat : célibataires, mariés, prêtres, religieux et religieuses, nous sommes tous appelés à la sainteté par la chasteté. Vous, les couples, dans votre vie affective, vous êtes appelés à la chasteté en vous donnant l’un à l’autre. Nous prêtres, religieux, religieuses, personnes consacrées, nous sommes appelés à la chasteté par le célibat. Mais, quel que soit notre chemin, notre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint, bien plus important et bien plus saint que n’importe quel tabernacle. D’où la conclusion de Paul : « Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps. »    

Le christianisme n’est pas une philosophie, mais la rencontre concrète, dans notre vie humaine, de Jésus, vrai Dieu et vrai homme. A André et à Jean qui cherchent à savoir qui il est, Jésus demande une chose très simple : « Venez … » Beaucoup pensent que pour avoir la foi, il faut d’abord se former et faire de longues études. Qu’il faille se former, je suis évidemment d’accord, mais il faut d’abord « venir », suivre Jésus, accepter de vivre avec lui pour pouvoir ensuite lui poser les questions qui nous brulent les lèvres : d’abord venir pour ensuite voir. La foi chrétienne ne vient pas après qu’on ait abordé toutes les questions, car alors elle ne viendrait jamais, tant les questions sont innombrables. La foi, c’est comme une brulure d’amour : on y va en confiance envers la personne qu’on aime. Et c’est sur le fondement de cette confiance qu’on va pouvoir voir. C’est parce qu’on sera venu avec lui, auprès de lui, qu’on verra.  

Ce passage, qui est au début de l’évangile selon saint Jean, est le parallèle inversé d’un autre passage qui est vers la fin du même évangile : l’épisode de Thomas. Pour croire, Thomas a voulu avoir des preuves. Jésus ne le lui reproche pas, ce n’est pas malsain de vouloir avoir des preuves ou des signes. Il n’empêche que Jésus dit : « Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20,29). La foi chrétienne ne vient pas comme la conclusion d’un raisonnement, mais comme un acte de confiance qui permet ensuite de réfléchir. Ma foi ne repose pas sur mon intelligence, c’est-à-dire sur moi-même, mais sur la confiance que j’accorde à Jésus.

 

« Venez et vous verrez » : pourquoi ne pas adopter cette phrase de Jésus comme devise personnelle et communautaire pour notre année chrétienne, à partir d’aujourd’hui, 12 janvier 2024, à sept heures du soir ?

 

 

Homelie du 7 janvier 2024     Dimanche de l’Epiphanie   Année B

Par le pere Jean Paul Cazes

Isaïe 60,1 à 6   Psaume 71 (72)   épître de saint Paul aux Ephésiens 3, 2-3a+5-6 Matthieu 2, 1 à 12

Depuis le temps que je vous le dis, vous avez certainement retenu qu’on ne connaît pas le nombre des mages, qu’on ne sait pas s’ils sont rois, qu’on ignore leur nom et qu’on ne sait pas si l’un d’eux était jaune, le second blanc et le troisième noir. Tout cela n’est pas dit dans l’évangile que je viens de lire, cet évangile qui est le seul passage des quatre évangiles où l’on parle des mages. Tout cela n’est que folklore. Et je ne mélange pas le folklore et la réalité.

Je crois, puisque Matthieu le dit, que des mages sont venus d’Orient pour adorer Jésus. Je sais même, grâce à eux, que Jésus avait peut-être deux ans lorsqu’ils sont arrivés auprès de lui. Vous savez que c’est sur l’indication des mages que le roi Hérode a fait massacrer les enfants de Bethléem ; or, l’évangile précise : « tous les enfants jusqu’à deux ans. » (Mt 2,16). Ce qui veut dire que les mages ne sont pas arrivés à la crèche tout de suite après les bergers.

Mais, encore une fois, j’essaie de faire la différence entre le folklore et ce que dit l’évangile auquel je fais confiance. Le folklore, par lui-même, ne m’ennuie pas ; ce qui m’ennuie, c’est que beaucoup estiment que savoir le nombre, le rang social, le nom et l’origine ethnique des mages fait partie de la foi. Je vous promets que non. Mais alors, dans cet épisode, où est la foi ?

Elle est dans ce que les premiers chrétiens ont su voir et qui est toujours vrai pour nous aujourd’hui. Saint Paul, dans sa lettre aux chrétiens d’Ephèse, l’exprime en quelques mots remarquables. Il écrit : « …toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile. » D’une autre manière onpourrait dire : le Dieu que les Juifs attendaient depuis des siècles vient de se manifester en Jésus. Et ce Dieu, né chez les Juifs, est offert à tous les peuples.

Les tout premiers chrétiens étaient juifs, comme la Vierge, comme les apôtres et les disciples ; mais très vite, grâce à l’action de Paul, beaucoup – et de plus en plus nombreux – sont venus de peuples non-juifs. Voilà pourquoi ces chrétiens se sont reconnus dans les mages qui venaient d’Orient, ce qui veut dire qu’ils n’étaient pas juifs. Dans la personne des mages, des non-juifs venaient adorer le Dieu des Juifs. D’où l’importance énorme de cette fête pour les premières générations de chrétiens : dans les mages, ils fêtaient l’accession des païens dans l’héritage transmis par les juifs.

C’est cela qui est important ; peu importe le nombre, le nom, le rang social et l’origine précise des mages. Ce qui compte, c’est ce que leur existence, à laquelle je crois, signifie que les païens sont associés aux richesses que Dieu a confiées aux juifs pour qu’elles soient enfin remises à tous les hommes.

C’est ce que Paul appelle un mystère. Dans le langage biblique, le mot mystère signifie : réalité de foi. C’est dans ce sens-là que le prêtre proclame tout de suite après la consécration : « Il est grand le mystère de la foi. » Aujourd’hui, le mystère de l’Epiphanie la réalité de foi de l’Epiphanie – est que tous les hommes sont associés au salut offert dans la personne de Jésus-Christ. Contrairement au mot mystère en français, le mystère de foi n’est pas caché mais dévoilé, manifesté : c’est le sens même du mot Epiphanie. Epiphanie signifie « manifestation », « révélation ». Le mystère de foi est révélé : « …par révélation, écrit Paul, (Dieu) m’a fait connaître le mystère…Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage » que le peuple juif. 

Voilà pourquoi l’Eglise tout entière ne peut être que missionnaire. Certes, il y a des missions particulières dans des contrées encore éloignées. Mais si l’un d’entre nous disait : je ne suis pas missionnaire, il n’aurait pas compris le sens du mystère de l’Epiphanie. Toutes les nations, tous les peuples, toutes les cultures, tous les âges sont appelés à entrer dans l’héritage de la foi. On n’est pas missionnaire de la même façon envers un chinois perdu au fin fond de sa province, ou son voisin de palier. Mais toutes les formes de mission sont nécessaires, et aucun baptisé ne peut dire : ce n’est pas de mon ressort.

Tant d’hommes, de femmes et d’enfants ignorent encore le Christ, y compris dans notre entourage, y compris dans nos familles. J’entends si souvent la douleur des grands parents devant l’athéisme pratique de leurs enfants, et l’absence de baptême pour leurs petits enfants ! Il y a encore tant à faire pour que le Christ soit connu, aimé et suivi !

 

Que les mages, qui ont marché si longtemps avant de découvrir Jésus, nous donnent leur espérance et leur patience : grâce à l’Esprit saint, le découragement n’est pas à l’ordre du jour.

Le mystère de foi de l’Epiphanie est toujours à l’œuvre !

Homelie de NOËL 2023

par le pere Jean Paul Cazes

Attention, Noël, DANGER !

Vous connaissez ces panneaux de circulation triangulaires qui signalent une sortie d’école. Eh bien, il en faudrait de semblables pour signaler Noël. Car Noël est bien loin d’être une fête ruisselante de bons sentiments et d’enfant Jésus guimauve tout rose et tout blond comme un Viking ; d’ailleurs, il devait plutôt être brun de peau et noir de cheveux, en bon sémite qu’il était !

Noël est si dangereux que beaucoup de nos compatriotes, sous prétexte de laïcité mal comprise, fêtent Noël sans Jésus. Noël est une fête de changement, de transformation, de conversion. Noël, fête de la naissance de Jésus, nous appelle à renaître chaque année. Quelqu’un a dit à peu près ceci : « Si Jésus naissait mille fois, cela ne servirait à rien s’il ne naît pas en nous. »

Nous sommes rassemblés pour fêter sa naissance, c’est une bonne chose. Mais, si nous avions la possibilité d’interroger Jésus, je ne sais pas s’il serait si heureux que cela. Car il n’est pas venu en ce monde pour qu’on le fête, mais il est venu pour nous faire naître. Si nous sortons de cette messe ou de ces jours de fête aussi vieux qu’avant, ce Noël n’aura servi à rien. Si notre vie chrétienne ne prend pas un coup de jeune, un coup de renouveau, à quoi bon fêter Noël ? Si nous voulons une fête pour la fête, le 1er janvier est là qui sert à ça !

Mais alors, comment naître avec Jésus en ce Noël ? Par exemple, en mettant réellement en œuvre deux mots clef d’aujourd’hui : Paix et Joie.

La Paix – pas la tranquillité – la Paix entre les hommes de bonne volonté, c’est ce qui rend gloire à notre Dieu. A part prier – ce qui est essentiel il nous est pratiquement impossible de réduire les différents conflits en cours. Mais nous pouvons faire beaucoup contre la violence quotidienne qui gangrène de plus en plus notre pays. Vous savez certainement qu’une nouvelle fois, le maire d’une petite ville s’est fait agresser avant-hier. La violence est partout, elle est en nous. Pouvons-nous nous contenter de ce constat, nous qui venons adorer le Prince de la Paix ? Bienheureux les artisans de Paix, bienheureux celles et ceux qui accepteront, grâce à l’Enfant de Noël, de jeter un coup d’œil sur leurs propres mouvements de violence pour demander à l’Esprit Saint le don de la maîtrise de soi. Pensons-y tout à l’heure au moment d’échanger un geste de paix avec nos voisins de ce soir,que nous ne connaissons peut-être pas, mais qui sont nos frères et sœurs dans la foi.

La Joie – pas la gaité, même si la gaité est sympathique – la Joie est une autre caractéristique de l’esprit de Noël. Elle est comme la Paix : pour l’avoir en nous, il faut paradoxalement la répandre. On ne peut la ressentir que si on la donne, ce qui demande un effort de sortie de soi. Il est possible que certains d’entre nous soient venus, ce soir, avec le cœur gros à cause de la santé, ou du travail, ou de la famille. Jésus n’est pas la solution miracle de tous ces problèmes. A priori, ce n’est pas lui qui guérira notre santé, qui nous trouvera un bon travail ou réconciliera la famille. Mais c’est lui qui nous garde l’espérance, c’est lui qui nous donne la force de combattre, c’est lui qui ouvre l’avenir, car, comme toutes les naissances, celle du Christ, Dieu fait homme, fait fleurir l’espérance.

 

Oui, Noël est un danger, un bienheureux danger qui nous pousse à ne pas nous refermer sur nous-mêmes, alors que nous aurions tendance à penser que nous sommes les plus malheureux des hommes.

Noël, fête de la naissance non seulement de Jésus mais de toute personne de bonne volonté.

 

L’espérance est dans la crèche de Jésus : il nous est seulement demandé d’aller la cueillir auprès de Lui.  

Homélie du 10 décembre 2023   2ème dimanche de l’Avent   année B

Isaïe 40,1-5+9-11   Psaume 84   2Pierre3,8-14   Marc 1,1-8

Depuis dimanche dernier, nous sommes entrés en Avent par la recommandation du Christ lui-même : « Veillez et priez ». Aujourd’hui nous sont donnés les premiers versets de st Marc : « Commencement de l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu ». Ou, autrement dit : « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus, Christ, Fils de Dieu. »

Nous sommes abreuvés de nouvelles. Et surtout de mauvaises nouvelles. Je ne vais pas en dresser la liste, vous la connaissez aussi bien que moi. En plus de ces mauvaises nouvelles, il y a les fake-news, les fausses informations qui créent des mouvements de panique ; souvenez-vous des débuts du covid : on ne trouvait plus ni moutarde ni farine à cause de rumeurs.

Comme on manque souvent d’éléments de discernement, on risque soit de privilégier un média qui devient alors parole d’évangile, soit de refuser toutes les sources d’information, et son se coupe du monde. On m’a cité le cas de quelques personnes qui ferment leur radio au moment du journal.

Tout cela pour dire que dans cet environnement nous risquons de ne pas recevoir à sa juste valeur la nouvelle qui nous est annoncée aujourd’hui. Bien sûr, nous croyons cette nouvelle ; nous croyons qu’elle est vraie, qu’elle nous concerne, qu’elle concerne le monde. Nous croyons en Jésus, fils de Marie, Fils de Dieu. Nous croyons qu’il est Christ, ce qui veut dire Messie. Nous croyons qu’il est mort et ressuscité. Nous croyons que nous communions à sa vie lorsque nous recevons le pain consacré lors de la messe. Nous croyons tout le credo même si nous butons parfois sur telle ou telle expression comme « les enfers », ou la « résurrection de la chair ». Oui, nous croyons tout cela mais comme si nous étions fatigués d’y croire. Où est l’enthousiasme des premiers chrétiens qui leur permit de gagner à la foi chrétienne le bassin méditerranéen ? Où est en nous la fraîcheur qui habite nos frères et sœurs les catéchumènes ?

Notre évangile met en scène Jean-Baptiste qui « proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. »  Une des manières de préparer Noël est de demander et de recevoir le pardon du Seigneur. Le sacrement du pardon n’est pas très populaire à notre époque, contrairement à d’autres époques. Il y a de nombreuses raisons à cela qu’il serait trop long de développer ici ; mais en voici au moins une : on ne veut plus se confesser car on ne sait plus comment faire. Pourtant, le « Je confesse à Dieu » est très explicite. Il nous permet de dire que nous péchons en pensée lorsque nous pensons du mal d’autrui, en parole lorsque nous disons du mal contre autrui, par action, et même par omission quand nous aurions pu faire du bien à quelqu’un et que nous ne l’avons pas fait. Pensée, parole, action, omission, voici une bonne grille de réflexion pour évaluer notre vie et demander pardon au Seigneur.

Oui, le sacrement du pardon est une des formes de conversion que nous offre le Seigneur. Mais il y a une autre conversion, plus profonde et plus essentielle qui nous est suggérée aujourd’hui : accepter que la venue du Fils de Dieu en notre chair soit une nouvelle absolue, et que cette nouvelle est bonne pour chacun de nous et pour l’humanité. La vie spirituelle, c’est-à-dire la vie selon l’Esprit de Jésus-Christ, comporte bien sûr une nécessité d’amélioration morale ; mais il n’est pas nécessaire d’être croyants pour vouloir s’améliorer ; il est probable que nous connaissions des personnes plus justes et plus droites que nous alors qu’elles ne sont pas chrétiennes. La vie spirituelle, c’est-à-dire la vie animée par l’Esprit de Jésus-Christ est une vie toute tournée vers le Christ. Alors, la conversion que nous avons à vivre aujourd’hui est d’accueillir Noël comme si nous ne le connaissions pas. Accueillir Noël avec un regard d’enfant qui découvre ce qu’il n’a jamais vu. Accueillir Noël comme une nouvelle radicalement neuve. Accueillir Noël comme une réalité capable de rajeunir notre cœur trop vieilli par la lourdeur de la vie. Accueillir Noël comme une nouvelle bonne pour nous et pour tous les hommes.

Cette conversion, ce retournement de tout notre être vers Jésus aura comme effet une amélioration morale. Et parce que nous nous serons convertis à Jésus, nous saurons demander et accueillir le pardon de nos péchés.

Que l’Esprit Saint réalise en nous, durant les jours qui qui viennent, ce que disait la première prière du début de cette messe : « Dieu de puissance et de miséricorde …forme-nous à la sagesse d’en-haut qui nous fait entrer en communion avec ton Fils. »

Homélie du 3 décembre 2023    1er dimanche de l’Avent   Année B

Isaïe 63, 16b-17+19b – 64, 2b-7   Psaume 79   1 Co 1,3-9   Mc 13,33-37

Par le père Jean Paul Cazes

Quels moyens prendre pour casser en nous, pour détruire, pour brûler,  pour jeter à la poubelle, pour se débarrasser une fois pour toutes de cette image d’un Dieu qui nous regarderait d’en haut, qui entendrait nos prières mais semble sourd, l’image d’un Dieu à qui il faudrait offrir des prières et des messes et des pèlerinages pour, qu’en échange, il daigne s’apercevoir de notre misérable existence ?

Parce que, quand nous disons « Dieu », c’est souvent de cela dont il s’agit. Oui, nous disons « Notre Père » au moins une fois par jour, mais nous risquons tours de penser « Jupiter ». Nous sommes très semblables à ces peuples d’Amérique du sud que les espagnols ont baptisés à tour de bras, qui disent le Notre Père et le je vous salue Marie, mais qui, au fond de leur âme et de leur culture, restent fidèles à leurs anciens dieux.

Nous croyons en un Dieu « là-haut », alors qu’il ne cesse de s’approcher de chacun de nous. Dans un mois, nous fêterons la venue en notre chair du Verbe de Dieu, Parole de Dieu qui s’incarne dans le sein très pur de Marie. Pour nous, c’est un moment de l’année, et après, la vie reprend avec ses exigences. Pour Dieu lui-même, c’est une attitude fondamentale. Pour nous, c’est le 25 décembre ; pour Dieu, c’est toute l’année.

Car le Dieu que nous révèle Jésus-Christ, ce Dieu qui n’est pas une idée, ni un concept, mais une personne aimante, ce Dieu-là est un Dieu qui vient perpétuellement à notre rencontre. Nous l’imaginons là-haut, alors qu’il ne cesse de venir à notre rencontre. A sa manière si poétique, le prophète Isaïe le dit : « Ah, si tu déchirais les cieux, si tu descendais …Voici que tu es descendu… » L’évangéliste Marc, dont nous commençons aujourd’hui la lecture, s’est probablement souvenu d’Isaïe dans son récit de la mort de Jésus quand il relate le fait suivant : « … Jésus expira. Et le voile du sanctuaire se déchira en deux du haut en bas. » (Mc 15,37-38). Grâce à Jésus qui donne sa vie, Dieu et les hommes ne sont plus séparés par quelque rideau que ce soit ; Dieu peut venir à nous à tout moment, y compris à l’improviste. C’est là qu’il serait bon d’entendre nos amis catéchumènes nous dire comment le Seigneur a fait irruption dans leur vie alors qu’ils ne s’y attendaient pas.

Nous reprochons à Dieu de ne pas nous entendre, de ne pas nous comprendre, de ne pas nous répondre. Mais n’est-ce pas plutôt nous qui ne savons pas accueillir sa venue ? Isaïe dit encore : « Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. » Ce qui veut dire, si j’ai bien compris, que, pour venir, Dieu cherche quelqu’un qui lui corresponde, quelqu’un qui, comme lui, aime la justice – c’est-à-dire la sainteté – et accepte de mettre en œuvre le commandement de l’amour. Est-ce Dieu qui se tient loin de nous, ou nous qui ne lui accordons pas d’importance ? L’aveugle peut-il accuser le soleil de ne plus briller ? Le sourd peut-il accuser la mélodie d’être inaudible ?

Le Dieu que nous révèle Jésus dans son incarnation est un Dieu qui ne cesse de venir à nous. Jésus nous a donné des moyens de reconnaître sa venue ; dimanche dernier, il nous a dit sa présence en ceux qui ont faim et soif, en ceux qui sont étrangers, nus, malades, en prison. Notre crèche ne vaudra rien si elle n’est pas remplie de ceux-là, ceux qui ressemblent à Jésus.

Dans sa mangeoire, Jésus nous apprend que Dieu est notre Père, notre rédempteur depuis toujours. Le Christ nous donne les moyens de casser définitivement cette image fausse, celle d’un Dieu tout-puissant dont la puissance ne serait que colère alors qu’elle n’est que miséricorde. Alors, puisque Dieu vient chez nous en la personne de son Fils, veillons et prions en reprenant les mots du psaume de ce jour :

 

Berger d’Israël, écoute …

Réveille ta vaillance

Et viens nous sauver…

Visite cette vigne (qui est ton peuple), protège-la…

Jamais plus nous n’irons loin de toi ;

Fais-nous vivre et invoquer ton nom !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homélie du 26 novembre 2023  Christ, Roi de l’univers   Année A

Ezékiel 34,11-12+15-17   Psaume 22   1 Corinthiens 15,20-26+28 Matthieu 25,31-4

Par le père Jean Paul Cazes

Par tout son enseignement – surtout son enseignement en paraboles – par toute sa vie, sa mort et sa résurrection, Jésus est venu nous annoncer le Royaume. Dans les évangiles, on trouve différentes expressions : royauté royaume, règne. Mais c’est toujours la royauté de Dieu, le royaume des cieux, le règne de Dieu. Jésus lui-même se tient à distance de ces expressions ; il n’est jamais question, dans sa bouche, de sa royauté, de son royaume ni de son règne. Vous savez combien il est prudent face au titre de roi ; il ne l’acceptera de la bouche de Pilate que lorsqu’il sera clair qu’il n’est pas roi à la manière des rois de la terre. La seule couronne qu’il portera, durant sa vie terrestre, est la couronne d’épines. Le royaume qu’il annonce est un royaume de service : lui, le Maître et Seigneur, il lave les pieds de ses disciples et leur demande d’imiter son geste. C’est dans la lumière de la résurrection qu’il accepte le titre de roi comme le dit le premier verset de notre évangile : « Quand le Fils de l’homme viendra sans a gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. »   

La vie humaine de Jésus est une incarnation de l’existence du Fils unique du Père. Or, le Fils unique est issu du Père et se tourne vers le Père comme le dit le premier verset de l’évangile de Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu ». De la même manière, la vie de Jésus vient de son Père et retourne au Père. Tout, dans la vie humaine de Jésus est centré sur le Père. Le royaume annoncé dans les paraboles est le royaume du Père ; à tel point que Paul écrit aux chrétiens de Corinthe : « Alors, tout sera achevé quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père … »  

            Ce royaume de Dieu que Jésus est venu annoncer, il nous l’offre comme une promesse, comme un don actuel et comme une collaboration. Comme une promesse, car ce royaume ne sera pleinement achevé que lors du retour du Christ. Comme un don actuel car, comme dit Jésus, « le royaume est parmi vous » ; on peut aussi traduire : « le royaume est en vous », en chacun de nous par le baptême et la confirmation. Le royaume de Dieu demande et offre une collaboration de notre part ; rappelez-vous la parabole de dimanche dernier, parabole des talents dans laquelle le maître félicite les deux premiers serviteurs d’avoir fait fructifier ses biens.

            Mais nous ne sommes pas que des collaborateurs du royaume : nous sommes appelés, grâce à Jésus, à la même dignité que lui ; nous sommes appelés à devenir rois avec lui. Rappelez-vous le chant : « Peuple de prêtres, peuple de rois, assemblée des saints, peuple de Dieu … » ; les paroles de ce chant s’inspirent de ce que Pierre écrit dans sa première épître.  Un royaume humain est composé d’un roi et de sujets. Dans le royaume de Dieu, annoncé par Jésus, il n’y a pas de sujets. Il n’y a que des rois. Voilà pourquoi nous fêtons le couronnement de Marie comme signe de notre propre couronnement. Le désir du Père, pour ses enfants que nous sommes, est infiniment plus qu’une simple amélioration morale : il souhaite nous faire partager sa dignité !

            Mais comment ? C’est simple : en faisant partie de sa cour. La cour de notre roi : les affamés de toutes sortes de faim, les assoiffés de toutes sortes de soif, les étrangers d’où qu’ils viennent y compris les étrangers à notre foi, les nus et les démunis de tous liens humains, les malades et les handicapés, les prisonniers dans leurs rancunes et leurs addictions. Et la liste n’est pas close. Voilà les ducs, les comtes et les barons de notre roi. 

            Mais attention : essayons, autant que possible, de saisir l’intention de Jésus. Il ne nous donne pas un cours de morale sociale ; il nous donne des points de repère pratiques pour pouvoir reconnaître, dans un petit enfant, né dans une misérable grotte au milieu d’un pays sans gloire, le roi de l’univers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homélie du 19 novembre 2023    33ème dimanche ordinaire   Année A

Par le pere Jean Paul Cazes 

Pro 31 10-13+19-20+30-31     Ps 127     1 Th 5,1-6     Mt 25,14-30

 

Dans st Matthieu, les chapitres 24 et 25 forment le dernier grand discours de Jésus avant les événements  de la Passion. La liturgie dominicale nous donne en trois fois le chapitre 25 : notre passage d’aujourd’hui se trouve comme enchâssé entre la parabole des dix vierges sensées et écervelées, et l’épisode appelé celui du jugement dernier lu pour la fête du Christ Roi de l’univers.

La parabole des talents est probablement l’une des plus connues des paraboles de Jésus, avec celle du fils prodigue. On la connaît trop bien peut-être : il se peut que lorsque vous m’avez entendu lire : « A l’un il remit la somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul talent … » votre cinéma intérieur a commencé à fonctionner : « Ah oui, je connais cette histoire de ces deux types qui doublent leur salaire, et de celui qui a fait attention à ne rien perdre et qui est puni car on lui retire ce qu’il a su conserver : c’est une injustice. D’ailleurs, je n’ai jamais compris la dernière phrase : A celui qui a, on donnera encore …mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a. » Et pendant que votre imagination tournait, la lecture se poursuivait, et vous ne l’avez pas entendue !

Nos amies catéchumènes qui ont participé à la messe hier soir ont de la chance : elles ne connaissent pas cette parabole ! Leur cinéma intérieur n’a pas fonctionné ; elles ont pu accueillir d’une manière toute fraîche l’enseignement de Jésus. Elles sont comme une page blanche sur laquelle le St Esprit peut écrire à sa guise.

Et que nous dit le St Esprit ? Dans la parabole des dix jeunes filles, il nous dit : « Veillez donc … ». Dans la lettre de St Paul aux chrétiens de Thessalonique, il nous dit : « Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants … » J’ai envie de traduire le mot de « veille » par celui de « sagesse ». Comme vous le savez, l’esprit de sagesse est un des sept dons de l’Esprit : nous l’avons reçu lors de notre Confirmation. Mais quel rapport avec notre évangile ?  

Quand on parle de sagesse, ou bien on pense aux enfants qui doivent être sages comme des images ; mais ce n’est pas de cette sagesse-là dont il est question. Ou bien on parle philosophie ; or, le christianisme est fondamentalement autre chose qu’une philosophie ; il est l’expérience d’une rencontre personnelle avec une personne vivante : celle du Seigneur Jésus-Christ. Alors, de quelle sagesse s’agit-il ? Certainement pas d’un système philosophique comme celui d’Aristote ou de Descartes. Il s’agit d’un esprit de vigilance ; le Pape François, en bon jésuite qu’il est, parlerait d’un esprit de discernement.

Et de quoi est donc fait cet esprit de sagesse ou de discernement ? Au moins de trois éléments. D’abord de confiance. L’homme de notre parabole « appela ses serviteurs et leur confia ses biens. » « Seigneur tu m’as confié cinq talents …Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je t’en confierai beaucoup. » Cinq fois de suite, le mot de confiance revient sous différentes formes. Le lien qui unit le maître et ses deux premiers serviteurs est un lien de confiance ; la faute du troisième n’est pas d’enfouir son talent mais de craindre son maître : « J’ai eu peur. » Quel est notre lien envers notre Père ?

Le second élément de l’esprit de sagesse ou de discernement, est l’audace : « Tu m’as confié cinq talents : voilà, j’en ai gagné cinq autres. » De même pour le second serviteur. Le maître les félicite tous deux d’avoir risqué de perdre ce qui lui appartient en vue de gagner davantage. Nous venons à la messe pour recevoir une richesse fabuleuse ; qu’en faisons-nous ? Si nous sortons de cette église en pensant : « Ça y est, j’ai reçu mon Jésus, je suis tranquille pour une semaine, je le garde pour moi. Je peux penser à autre chose. », ne serions-nous pas dans une situation semblable à celle du troisième serviteur ?

Le troisième élément de cette sagesse est peut-être le plus étonnant : c’est celui qui est évoqué dans la première lecture. Dans ce passage, il ne s’agit pas de décrire sociologiquement le sort de la femme palestinienne au temps de Jésus. La femme parfaite dont il est question, c’est la sagesse elle-même, la sagesse incarnée dans une femme. Or, que fait cette femme-sagesse ? En quoi est-elle sage ? En un système philosophique ? Non : mais dans la calme gestion de la vie ordinaire. La sagesse que notre Dieu nous demande de développer n’est pas dans les nuages, mais dans la manière de mener notre vie quotidienne, à travers ce qu’on appelait autrefois le devoir d’état. Certains d’entre vous savent que je tiens un rôle dans un spectacle dont je vous parlerai bientôt. Dans ce spectacle, un des personnages dit à un autre : « Matthias est un homme qui a suivi le Christ depuis le début …Nous sommes tous des Matthias appelés à venir marcher avec Jésus. Et les Evangiles … sont là pour nous y aider…Et puis, si nous regardons bien, nous avons aussi notre quotidien…C’est dans le quotidien que nous trouvons (le Christ). »  

Confiance dans le Seigneur, audace fondée sur cette confiance, gestion de notre vie quotidienne à la suite du Christ, voilà quelques traits de l’esprit de sagesse et de discernement que l’Ecriture nous suggère et que l’Esprit Saint nous donne pour suivre le Christ sans avoir peur. C’est ainsi que nous veillerons pour être attentifs aux si nombreux passages du Christ dans nos vies.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homelie du 5 novembre 2023    31ème dimanche   Année A

Ml 1,14b – 2,2b+8-10     Psaume 130   1 Co 2,7b+9-13     Mt 23,1-12

Par le Père Jean Paul Cazes

Ce passage d’évangile est dur contre les scribes et les pharisiens, comme le passage du prophète Malachie est dur contre les prêtres juifs. Durs, mais lucides. Prêtres, scribes et pharisiens ne font pas le lien entre leur enseignement et leur style de vie. Ils disent, mais ne font pas.

Les prêtres de Jésus-Christ sont menacés par la même attitude. Certes, le message qu’ils ont à délivrer les dépasse infiniment ; ce n’est pas au nom de leur sainteté personnelle qu’ils parlent, mais parce qu’ils ont reçu une mission. Dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau, lorsque quelqu’un est appelé par le Seigneur, c’est pour remplir une mission ; s’il agit, s’il enseigne, c’est au nom de cette mission qu’il agit et enseigne, et non pas au nom de sa propre sainteté. Si le Seigneur ne devait choisir que des saints, il ne pourrait choisir personne. Il choisit toujours de pauvres pécheurs qui, comme n’importe quel baptisé, est appelé à la sainteté.

Mais la difficulté pour celui – ou celle – qui est choisi et qui agit et parle au nom du Seigneur, est de finir par croire que le seul fait de rappeler à tous l’enseignement de Jésus le place automatiquement au niveau de son enseignement. Vous connaissez peut-être la fable de l’âne qui porte des reliques ; je ne suis pas sûr qu’elle soit de La Fontaine, mais peu importe. Cette fable met en scène un âne qui, portant des reliques, en vient à penser que les gestes de vénération des fidèles s’adressent à lui. Et un jour où il ne porte pas ces reliques et qu’il commet une bêtise, il déchante rapidement quand son maître lui administre une belle volée de coups de bâton.

L’enseignement donné par un prêtre est saint dans la mesure où cet enseignement est fondé sur celui du Christ ; ainsi, St Paul peut écrire aux chrétiens de Corinthe : « Quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants. » Mais cette parole oblige le messager à se conformer à elle. Si le messager se contente de transmettre la parole de Dieu sans y conformer sa vie, s’il n’essaie pas de vivre lui-même ce qu’il enseigne, il passera loin de la sainteté, cette sainteté que nous venons de fêter il y a trois jours. Alors, prêtre de Jésus-Christ, il entendra le Christ lui dire : « Tu dis et ne fais pas. Tu attaches de pesants fardeaux, difficiles à porter, et tu en charges les épaules des gens ; mais toi-même ne veut pas les remuer du doigt. »

Pour moi, prêtre de Jésus-Christ, comme pour vous, la sainteté viendra à ma rencontre si j’essaie de conformer ma vie à mon enseignement ; si j’essaie de faire ce que j’enseigne ; en somme, si je me conforme au Christ qui dit ce qu’il fait.

Chaque page de l’Evangile nous révèle qui est Jésus et comment nous devons vivre pour le suivre et être ses disciples. Qu’apprenons-nous de lui aujourd’hui ?  

Plusieurs choses qu’il faudrait bien plus qu’une courte homélie pour en approfondir les richesses. Relisons, même rapidement, notre page d’évangile.

D’abord, nous apprenons à nouveau que Jésus est notre serviteur : « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. » Il n’est pas venu pour être servi mais pour servir. Il est vraiment Maître et Seigneur, non pour se pavaner, non pour être remarqué par les gens et obtenir les places d’honneur dans les dîners mais pour mettre son pouvoir à notre service pour nous mener au salut. Sommes-nous les disciples de ce Maître-là ?

Nous apprenons aussi qu’il sera abaissé puis relevé : c’est une annonce de la Croix et de la résurrection. Le Messie auquel nous croyons est un Messie souffrant qui trouve sa gloire au sommet de la Croix. Sommes-nous les disciples de ce Maître-là ?

Nous apprenons qu’il est vraiment notre Maître. En quoi est-il notre Maître ? D’abord par la sainteté de son enseignement, bien sûr. Un enseignement nourri par la Parole de Dieu héritée de l’Ancien Testament médité, réfléchi, prié. Mais aussi un enseignement mis en pratique : Jésus fait ce qu’il dit. En lui, il n’y a pas de distance, ni d’opposition entre ce qu’il enseigne et ce qu’il vit. Il rejoint ainsi la première description de Dieu qui nous est donnée dès le premier chapitre de la Genèse : « il dit … et cela fut ». La Parole de Dieu est efficace. Dieu n’est pas un menteur ; Jésus non plus puisqu’il est vraiment Dieu venu dans notre chair. Sommes-nous les disciples de ce Maître-là ?

Prêtres de Jésus-Christ, et vous tous, fidèles de Jésus-Christ, sommes-nous vraiment ses disciples ? Il ne s’agit pas seulement de politesse évangélique où tout le monde s’appellerait « Frère » et « Sœur » tout en vivant en étranger les uns vis-à-vis des autres. Oui, nous sommes tous frères et sœurs, Jésus nous le dit : « Vous êtes tous frères », puisque nous avons le même Père; mais vivons-nous en frères ? Et pas seulement le temps d’un geste de paix à la messe, mais au cours de la semaine ? Essayons-nous vraiment – comme nous pouvons – de mettre en pratique les mots que nous disons ?

Que nous soyons prêtres ou laïcs, sommes-nous vraiment les disciples de Celui dont la Parole se traduit par des actes ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homelie du 24 septembre 2023   25ème dimanche ordinaire    Année A

Par le Père Jean Paul Cazes

Isaïe 55,6-9     Psaume 144     Philippiens 1,20c-24+27a     Matthieu 20,1-16

Est-il nécessaire de redire que la parabole de ce jour n’est pas un traité d’économie sociale ? Une équipe de patrons chrétiens, que j’accompagnais, l’avait comprise de cette façon ; il a été nécessaire que je mette les points sur les « i ». Non, Jésus n’a jamais demandé, ni suggéré, de donner le même salaire à ceux qui travaillent une heure et à ceux qui travaillent toute la journée. La parabole ne s’adresse pas au MEDEF, elle s’adresse à chacun de nous pour nous faire toucher du doigt l’amour inconditionnel de notre Père.

Pour suggérer cet amour, Jésus choisit de nous provoquer en titillant notre porte-monnaie et notre sens inné de la justice. En langage moderne, on pourrait dire qu’il utilise notre pouvoir d’achat pour nous faire sentir ce qu’est le royaume de Dieu et pour nous faire mieux découvrir combien nous sommes aimés par le Père.

Et d’abord une remarque : qu’est-ce que le royaume de Dieu, ou, comme le dit Matthieu, le Royaume des cieux ? Jésus n’en donne aucune définition. Il dit avec prudence : « Le Royaume des cieux est comparable à … ». Plus tard, il dira de la même façon : « Il en va du Royaume des cieux comme … » Aucune définition scientifique ne saurait rendre compte du Royaume des cieux. Comme aucune définition ne peut rendre compte de l’amour. Il existe des réalités qui ne sont pas de l’ordre de la science exacte, ce qui ne les empêche pas d’être de vraies réalités, aussi importantes pour notre vie que les réalités scientifiques. Le Royaume des cieux est l’une de ces réalités qui ne peuvent être définies, mais seulement suggérées : « Le Royaume des cieux est comparable à … »

A quoi donc, selon Jésus, le Royaume des cieux est-il comparable ? A rien, mais à quelqu’un. Le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine ; dans quinze jours nous entendrons : « Le Royaume des cieux est comparable à un roi … »   Le Royaume des cieux n’est pas quelque chose, mais quelqu’un. Le Royaume des cieux n’est pas un lieu, mais c’est quelqu’un. Le Royaume des cieux se confond avec le Seigneur lui-même. Celui qui entre dans le Royaume des cieux entre en Dieu, ni plus ni moins. Avec prudence, on pourrait même réécrire les paraboles de Jésus en disant : « Mon Père est comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le matin afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. »  En passant, je vous rappelle que la vigne est, dans la Bible, une des images du peuple d’Israël. Par extension, la vigne désigne également le nouveau peuple d’Israël, c’est-à-dire l’Eglise dont nous sommes les sarments.

Parmi tout ce qu’on pourrait dire de l’attitude du maître de la vigne – son sens de la justice, sa persévérance, son amour pour sa vigne, son attention aux plus pauvres je ne retiens qu’un seul point : le nombre de ses sorties. Quand nous pensons au Royaume des cieux, nous imaginons une réalité loin de nous ; quand nous pensons à Dieu, nous l’imaginons au-dessus de nous, et loin de nos préoccupations. Or, ce n’est pas cela que nous révèle Jésus. Avez-vous compté combien de fois, dans notre parabole, le maître de la vigne sort pour embaucher de nouveaux ouvriers ? Il sortit dès le matin …Sorti vers neuf heures …Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures…Vers cinq heures il sortit encore …Cinq fois : il sort cinq fois. Le Père que Jésus nous révèle son Père qu’il nous donne comme Père n’est pas quelqu’un qui reste dans son ciel à nous attendre. C’est quelqu’un qui passe son temps, si je puis dire, à venir vers nous. Dans la parabole du fils prodigue, Jésus nous raconte la même chose : le père sort à la rencontre de son jeune fils qui revient au foyer ; et il sort à la rencontre du fils aîné qui refuse d’entrer. Je comprends mal les chrétiens qui disent : « Je ne m’adresse pas au Père parce qu’il est trop loin, trop haut. » Est-ce qu’ils ne se trompent pas de Dieu ? Ne confondent-ils donc pas notre Père avec Jupiter ? Notre Dieu sort de lui-même pour venir à notre rencontre ; c’est toujours lui qui fait le premier pas. Dans notre prière de ce soir, il serait intéressant pour chacun de faire le compte des moments où notre Père est venu à notre rencontre. Souvent, nous lui demandons de venir ; alors, il vient, c’est certain, mais nous l’imaginons venant dans toute sa gloire alors qu’il vient comme un petit enfant, ou comme un jeune crucifié, ou comme une pauvre hostie, ou comme un événement inattendu, ou comme une parole de réconfort… Il ne vient jamais comme nous l’imaginons, alors nous en tirons la conclusion qu’il ne vient pas. Nous sommes comme l’aveugle qui dit : « Il n’y a pas de lumière. »

Le Dieu que nous révèle Jésus par son enseignement et par sa vie est un Dieu de rencontre. Hier, à Marseille, dans son homélie, le Pape insistait sur la joie dont Marie tressaille à l’annonce de l’ange ; et il nous invitait à tressaillir de joie comme Marie à la rencontre de notre Seigneur. Dieu vient toujours, que ce soit dès le matin, ou à neuf heures, ou à midi, à trois heures ou même à cinq heures. Il ne se décourage jamais devant nos portes fermées. Il suffit seulement de lui entrouvrir.