Homelie du 14 janvier 2024     2ème dimanche   temps ordinaire   Année B

 

1 S 3,3b à 10+19   Psaume 39   1 Co 6,13c à 15a+ 17-20     Jn 1,35-42

 

Moi, je sais quel jour j’ai été ordonné – le 29 juin 1968, jour de la St Pierre-St Paul -, où j’ai été ordonné – à Notre Dame de Paris –, par qui – Monseigneur Marty – et à peu près à quelle heure – vers 11h : je dis « à peu près » car je ne regardais pas ma montre à ce moment-là.

J’imagine que vous aussi vous savez avec précision le jour où vous vous êtes rencontrés, ou celui ou vous vous êtes embrassés pour la première fois, ou bien celui où vous vous êtes mariés. Ou bien la date de votre premier emploi. Ou bien, ou bien, ou bien …

Il y a des dates marquantes, qui sont des repères, des dates que l’on fête comme des anniversaires, des dates qui orientent nos vies.

Ce fut le cas pour André et l’autre disciple qui est fort probablement Jean l’évangéliste. La rencontre de Jésus fut si marquante qu’en composant son évangile vers l’an 90, Jean se souvenait encore de l’heure exacte : « C’était la dixième heure. » c’est-à-dire environ quatre heures de l’après-midi.

L’évangile est ancré dans nos réalités humaines les plus terrestres et les plus concrètes. Le philosophe Michel Onfray, dans son dernier livre dont il a parlé l’autre jour à la télévision, s’intéresse à Jésus et au christianisme comme une histoire symbolique. Il nie l’existence concrète de Jésus mais accueille tout le symbole qu’elle représente en termes de justice, d’amour des autres, de paix … Si j’ai bien compris, le christianisme, pour Onfray, est une sorte de philosophie très respectable, qui ne s’enracine cependant dans aucune incarnation.

Pourtant, les détails comme celui qui nous est rapporté aujourd’hui nous parlent d’une réalité palpable, concrète, charnelle, au sens le plus positif du terme. Au sens où le Fils de Dieu s’est fait chair dans le sein d’une femme. Voilà pourquoi Paul, lorsqu’il écrit aux chrétiens de Corinthe, met le doigt sur la dignité du corps. Paul s’adresse à des chrétiens mal dégrossis, des hommes qui travaillent au port de Corinthe et dont la vie est probablement marquée par la débauche. Le corps, – leur corps – n’est pas fait pour la débauche ; il est le sanctuaire de l’Esprit Saint depuis que le Fils de Dieu s’est fait chair. Le corps humain, notre corps, est promis à la résurrection puisque, par le baptême, nous sommes vitalement liés au Christ mort et ressuscité. Dieu n’a pas honte de notre corps, il n’a pas honte de ce qu’il a créé. Par notre corps, nous sommes tous appelés à un chemin de chasteté, qui est un chemin de sainteté. Par pitié, ne confondons pas chasteté et célibat : célibataires, mariés, prêtres, religieux et religieuses, nous sommes tous appelés à la sainteté par la chasteté. Vous, les couples, dans votre vie affective, vous êtes appelés à la chasteté en vous donnant l’un à l’autre. Nous prêtres, religieux, religieuses, personnes consacrées, nous sommes appelés à la chasteté par le célibat. Mais, quel que soit notre chemin, notre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint, bien plus important et bien plus saint que n’importe quel tabernacle. D’où la conclusion de Paul : « Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps. »    

Le christianisme n’est pas une philosophie, mais la rencontre concrète, dans notre vie humaine, de Jésus, vrai Dieu et vrai homme. A André et à Jean qui cherchent à savoir qui il est, Jésus demande une chose très simple : « Venez … » Beaucoup pensent que pour avoir la foi, il faut d’abord se former et faire de longues études. Qu’il faille se former, je suis évidemment d’accord, mais il faut d’abord « venir », suivre Jésus, accepter de vivre avec lui pour pouvoir ensuite lui poser les questions qui nous brulent les lèvres : d’abord venir pour ensuite voir. La foi chrétienne ne vient pas après qu’on ait abordé toutes les questions, car alors elle ne viendrait jamais, tant les questions sont innombrables. La foi, c’est comme une brulure d’amour : on y va en confiance envers la personne qu’on aime. Et c’est sur le fondement de cette confiance qu’on va pouvoir voir. C’est parce qu’on sera venu avec lui, auprès de lui, qu’on verra.  

Ce passage, qui est au début de l’évangile selon saint Jean, est le parallèle inversé d’un autre passage qui est vers la fin du même évangile : l’épisode de Thomas. Pour croire, Thomas a voulu avoir des preuves. Jésus ne le lui reproche pas, ce n’est pas malsain de vouloir avoir des preuves ou des signes. Il n’empêche que Jésus dit : « Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20,29). La foi chrétienne ne vient pas comme la conclusion d’un raisonnement, mais comme un acte de confiance qui permet ensuite de réfléchir. Ma foi ne repose pas sur mon intelligence, c’est-à-dire sur moi-même, mais sur la confiance que j’accorde à Jésus.

 

« Venez et vous verrez » : pourquoi ne pas adopter cette phrase de Jésus comme devise personnelle et communautaire pour notre année chrétienne, à partir d’aujourd’hui, 12 janvier 2024, à sept heures du soir ?