Homelie du dimanche 9 mai

9 mai 2021   6ème dimanche de Pâques   Année B

Ac 10, 25-26+34-35+44-48     Ps 97     1 Jn 4,7-10     Jn 15, 9-17

Par le Père Jean Paul Cazes

Quand Jésus nous dit : « Bienheureux les pauvres… » je pense qu’il veut d’abord parler de son Père, de lui-même et de l’Esprit Saint avant de parler de nous. Dieu est le pauvre par excellence. Il n’a rien à nous donner. Il ne nous donne pas de cadeaux comme nous le faisons entre nous. Dieu n’a rien à nous donner ; il se donne.

Lorsque Jésus dit « Soyez dans la joie car votre récompense sera grande dans les cieux », il ne nous laisse pas miroiter des gratifications, ou la Légion d’honneur, ou je ne sais quoi d’autre. La récompense qu’il nous promet, ce n’est pas une chose ; c’est lui-même. Dieu n’a rien à nous donner sinon lui-même. Dieu n’a rien ; il est. Dieu ne donne rien, il se donne. Les grâces qu’il nous accorde sont comme des reflets de la grâce suprême ; et la grâce suprême, le don suprême qu’il nous accorde, c’est son Fils et son Esprit. Il nous les donne gracieusement, gratuitement, sans mérite de notre part, qui que nous soyons : « Les croyants qui accompagnaient Pierre, et qui étaient juifs d’origine, furent stupéfaits de voir que, même sur les nations, le don de l’Esprit Saint avait été répandu » affirme notre première lecture.

Cette manière de faire s’appelle l’amour. A nous qui ne méritons rien, Dieu se donne par amour. Il est amour, et il nous donne son amour pour que nous puissions vraiment le connaître. Puisque son amour est en nous, nous pouvons vraiment connaître Dieu « car il est amour ».

Par curiosité, j’ai compté combien de fois apparaît ce mot. Il apparaît quatre fois dans les trois versets de la lettre de St Jean, et quatre fois dans les huit versets de l’évangile. Quatre fois aussi sous différentes formes verbales dans st Jean, et sept fois dans l’évangile. Si nous ne l’avons pas entendu, c’est qu’il faut régler notre « sonotone spirituel » !

Comme dans notre foi, l’amour est le maître mot de nos lectures de ce jour, en partenariat avec d’autres mots importants comme « connaître », « vie », « commandements », « demeurez ». Car l’amour dont il est question ici est bien plus vaste et plus profond que l’affectivité.

Ne serait-ce que par son origine. L’amour dont Jésus et st Jean nous parlent ne trouve pas son origine dans notre psychologie mais en Dieu lui-même. « L’amour vient de Dieu … car Dieu est amour. » Jésus nous a dit que comme lui et avec lui nous pouvons dire « Père » pour nous adresser à Dieu ; nous pouvons utiliser un autre mot : « Amour ». C’est aussi un nom propre de notre Dieu.

 

St Jean nous révèle ici deux caractéristiques de l’amour selon Dieu. C’est un amour qui fait vivre ; c’est un amour qui se donne.

Un amour qui fait vivre : oui, c’est par amour que Dieu a créé le monde, qu’il ne cesse de le créer, et qu’il crée chacun de nous. Mais Dieu ne se contente pas de nous donner la vie de ce monde : il nous donne sa vie, il nous la donne par le baptême et par tous les sacrements, en particulier par l’Eucharistie. Il nous donne et nous redonne la vie par son pardon. Car non seulement il nous donne sa vie, mais il en prend soin il l’entretient en nous comme le dit si bien la prière de la messe du 6 mai dernier : « Dieu qui nous as sanctifiés et qui nous as donné le bonheur quand nous étions pécheurs et malheureux, prends soin de tes dons, prends soin de ton œuvre. » Ainsi, chaque fois que nous entretenons la vie, chaque fois que nous favorisons la vie, la vie physique et la création, la vie intellectuelle et sociale, la vie artistique, la vie spirituelle, nous sommes dans la logique de l’amour de Dieu. Et chaque fois que nous tournons le dos à la vie, en nous et chez les autres, nous nous écartons de Dieu qui est amour et vie. Comme l’écrit le Pape : « La teneur spirituelle d’une vie humaine est caractérisée par l’amour qui est somme toute « le critère pour la définition définitive concernant la valeur ou la non-valeur d’une vie humaine. » (Pape François citant Benoît XVI, Fratelli tutti n° 92)

Un amour qui se donne : c’est la seconde caractéristique de l’amour selon Dieu que st Jean nous révèle dans la seconde lecture. On peut ranger l’amour en deux grandes catégories : l’amour qui prend et l’amour qui donne. Nous connaissons bien l’amour qui prend : je prends tel objet parce que je l’aime ; je prends telle nourriture parce qu’elle me fait plaisir. Cette sorte d’amour est nécessaire à notre vie ; mais elle devient suspecte lorsqu’elle s’attache aux personnes. Voilà pourquoi, dans les formules admises pour le sacrement de mariage, je n’aime pas celle qui dit : « Monsieur X. voulez-vous prendre Mademoiselle Y. comme épouse … ? » On prend le train, on prend ses clefs, on prend son temps … mais on ne prend pas une personne ; on l’accueille. Car l’autre grande catégorie de l’amour, celle qui nous rend semblable à Dieu, est l’amour qui donne, l’amour qui se donne. « Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés … » Et l’amour de Dieu est non seulement un amour qui se donne, mais un amour qui devance notre réponse. Lorsque je reçois la confession d’enfants qui s’accusent souvent de désobéir à leurs parents et qui s’engagent désormais à mieux leur obéir, je leur suggère de devancer la demande de papa ou de maman : par exemple, de mettre la table avant que maman l’ait demandé. Une obéissance qui anticipe la demande et ne se contente pas de répondre ! Voilà une humble mais réelle forme d’amour humain qui correspond à l’amour de Dieu et qui répond au désir du Christ : « Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. »    

 

Dans le livret « Prions en Eglise » à la date de ce jour, il y a quelques bonnes questions page 75 ; je vous les cite en conclusion de cette homélie :

« De quelle manière puis-je dire que Dieu se manifeste dans ma vie par amour pour moi ?

Est-ce que j’accepte d’être aimé ?

Quels signes la communauté des croyants à laquelle j’appartiens donne-t-elle de l’amour de Dieu ?

Qu’est-ce qui m’empêche d’aimer les autres ?

Qu’est-ce qui me pousse à aimer les autres ? »