Homelie du dimanche 9 mai

9 mai 2021   6ème dimanche de Pâques   Année B

Ac 10, 25-26+34-35+44-48     Ps 97     1 Jn 4,7-10     Jn 15, 9-17

Par le Père Jean Paul Cazes

Quand Jésus nous dit : « Bienheureux les pauvres… » je pense qu’il veut d’abord parler de son Père, de lui-même et de l’Esprit Saint avant de parler de nous. Dieu est le pauvre par excellence. Il n’a rien à nous donner. Il ne nous donne pas de cadeaux comme nous le faisons entre nous. Dieu n’a rien à nous donner ; il se donne.

Lorsque Jésus dit « Soyez dans la joie car votre récompense sera grande dans les cieux », il ne nous laisse pas miroiter des gratifications, ou la Légion d’honneur, ou je ne sais quoi d’autre. La récompense qu’il nous promet, ce n’est pas une chose ; c’est lui-même. Dieu n’a rien à nous donner sinon lui-même. Dieu n’a rien ; il est. Dieu ne donne rien, il se donne. Les grâces qu’il nous accorde sont comme des reflets de la grâce suprême ; et la grâce suprême, le don suprême qu’il nous accorde, c’est son Fils et son Esprit. Il nous les donne gracieusement, gratuitement, sans mérite de notre part, qui que nous soyons : « Les croyants qui accompagnaient Pierre, et qui étaient juifs d’origine, furent stupéfaits de voir que, même sur les nations, le don de l’Esprit Saint avait été répandu » affirme notre première lecture.

Cette manière de faire s’appelle l’amour. A nous qui ne méritons rien, Dieu se donne par amour. Il est amour, et il nous donne son amour pour que nous puissions vraiment le connaître. Puisque son amour est en nous, nous pouvons vraiment connaître Dieu « car il est amour ».

Par curiosité, j’ai compté combien de fois apparaît ce mot. Il apparaît quatre fois dans les trois versets de la lettre de St Jean, et quatre fois dans les huit versets de l’évangile. Quatre fois aussi sous différentes formes verbales dans st Jean, et sept fois dans l’évangile. Si nous ne l’avons pas entendu, c’est qu’il faut régler notre « sonotone spirituel » !

Comme dans notre foi, l’amour est le maître mot de nos lectures de ce jour, en partenariat avec d’autres mots importants comme « connaître », « vie », « commandements », « demeurez ». Car l’amour dont il est question ici est bien plus vaste et plus profond que l’affectivité.

Ne serait-ce que par son origine. L’amour dont Jésus et st Jean nous parlent ne trouve pas son origine dans notre psychologie mais en Dieu lui-même. « L’amour vient de Dieu … car Dieu est amour. » Jésus nous a dit que comme lui et avec lui nous pouvons dire « Père » pour nous adresser à Dieu ; nous pouvons utiliser un autre mot : « Amour ». C’est aussi un nom propre de notre Dieu.

 

St Jean nous révèle ici deux caractéristiques de l’amour selon Dieu. C’est un amour qui fait vivre ; c’est un amour qui se donne.

Un amour qui fait vivre : oui, c’est par amour que Dieu a créé le monde, qu’il ne cesse de le créer, et qu’il crée chacun de nous. Mais Dieu ne se contente pas de nous donner la vie de ce monde : il nous donne sa vie, il nous la donne par le baptême et par tous les sacrements, en particulier par l’Eucharistie. Il nous donne et nous redonne la vie par son pardon. Car non seulement il nous donne sa vie, mais il en prend soin il l’entretient en nous comme le dit si bien la prière de la messe du 6 mai dernier : « Dieu qui nous as sanctifiés et qui nous as donné le bonheur quand nous étions pécheurs et malheureux, prends soin de tes dons, prends soin de ton œuvre. » Ainsi, chaque fois que nous entretenons la vie, chaque fois que nous favorisons la vie, la vie physique et la création, la vie intellectuelle et sociale, la vie artistique, la vie spirituelle, nous sommes dans la logique de l’amour de Dieu. Et chaque fois que nous tournons le dos à la vie, en nous et chez les autres, nous nous écartons de Dieu qui est amour et vie. Comme l’écrit le Pape : « La teneur spirituelle d’une vie humaine est caractérisée par l’amour qui est somme toute « le critère pour la définition définitive concernant la valeur ou la non-valeur d’une vie humaine. » (Pape François citant Benoît XVI, Fratelli tutti n° 92)

Un amour qui se donne : c’est la seconde caractéristique de l’amour selon Dieu que st Jean nous révèle dans la seconde lecture. On peut ranger l’amour en deux grandes catégories : l’amour qui prend et l’amour qui donne. Nous connaissons bien l’amour qui prend : je prends tel objet parce que je l’aime ; je prends telle nourriture parce qu’elle me fait plaisir. Cette sorte d’amour est nécessaire à notre vie ; mais elle devient suspecte lorsqu’elle s’attache aux personnes. Voilà pourquoi, dans les formules admises pour le sacrement de mariage, je n’aime pas celle qui dit : « Monsieur X. voulez-vous prendre Mademoiselle Y. comme épouse … ? » On prend le train, on prend ses clefs, on prend son temps … mais on ne prend pas une personne ; on l’accueille. Car l’autre grande catégorie de l’amour, celle qui nous rend semblable à Dieu, est l’amour qui donne, l’amour qui se donne. « Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés … » Et l’amour de Dieu est non seulement un amour qui se donne, mais un amour qui devance notre réponse. Lorsque je reçois la confession d’enfants qui s’accusent souvent de désobéir à leurs parents et qui s’engagent désormais à mieux leur obéir, je leur suggère de devancer la demande de papa ou de maman : par exemple, de mettre la table avant que maman l’ait demandé. Une obéissance qui anticipe la demande et ne se contente pas de répondre ! Voilà une humble mais réelle forme d’amour humain qui correspond à l’amour de Dieu et qui répond au désir du Christ : « Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. »    

 

Dans le livret « Prions en Eglise » à la date de ce jour, il y a quelques bonnes questions page 75 ; je vous les cite en conclusion de cette homélie :

« De quelle manière puis-je dire que Dieu se manifeste dans ma vie par amour pour moi ?

Est-ce que j’accepte d’être aimé ?

Quels signes la communauté des croyants à laquelle j’appartiens donne-t-elle de l’amour de Dieu ?

Qu’est-ce qui m’empêche d’aimer les autres ?

Qu’est-ce qui me pousse à aimer les autres ? »

 

DES TRUCS POUR AIDER A PRIER PERSONNELLEMENT

Des « trucs » : les miens ; les autres prêtres en ont certainement d’autres. Et vous aussi. Ceux que je vais dire sont mes trucs « à moi ».

  • Il ne faut pas les prendre tous, mais l’un ou l’autre maintenant. Et dans quelque temps, un autre, puis un autre …
  • Ils sont là pour aider non pas à dire des prières – vous savez en dire aussi bien que moi – mais pour favoriser un état de prière. Car il ne suffit pas de dire des prières pour prier.

Les gestes

« Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. »

A quelle vitesse avons-nous dit ce signe de croix ?

Pourquoi le dire vite ?

Pas de théâtralisation, mais le dire comme une prière et non pas comme une simple introduction à la prière.

Nos gestes sont-ils beaux ?

Comment communier ? Difficile en ce moment avec le masque. Mais on peut peut-être améliorer le geste et non pas manger dans sa main, ce qu’on ne fait probablement pas chez soi.

Le corps

Etre bien assis, ou bien debout, ou bien à genoux.

L’attitude du corps est une prière : se présenter correctement devant le Seigneur. Alors évidemment on fait ce qu’on peut avec le corps qu’on a !

A genoux : mettre un coussin sous ses genoux pour penser à la prière et pas à ses genoux (St Thomas d’Aquin)

Assis : mettre son corps en silence (dans la mesure du possible quand on a mal quelque part).

Le silence

  • Après le signe de croix, prendre un court passage d’évangile (celui du jour ou du dimanche précédent …) : laisser la parole au Seigneur avant de parler. Le Notre Père est fait de deux parties : 1ère partie pour le Seigneur (le nom, le règne, la volonté) ; 2ème partie : pour nous.
  • Mettre du silence par notre corps (on vient de le voir) ; mettre du calme et du silence dans notre élocution.

Les distractions

Au moins deux sortes de distractions :

  • Celles qui nous viennent de nous.

= ou bien je les entretiens

= ou bien je les offre : Seigneur je viens de penser qu’il faut que j’achète du pain pour le dîner, je t’offre cette pensée POUR PENSER A TOI !

Je me sers de cette distraction pour me tourner vers le Seigneur.

  • Celles qui me viennent du Seigneur : une personne pour qui prier, une action de grâce, une demande de pardon …

Le temps et les moments

  • Utiliser les temps perdus : dans le métro ou le bus
  • Utiliser les événements de la journée : avant ou après un coup de fil, en préparation d’une rencontre ou d’un travail (un simple : « Seigneur, je te confie ce temps. »)
  • Le minutage : décider d’un temps précis / le tenir jusqu’au bout, même dans la sécheresse.
  • Le matin : signe de croix tout de suite en se levant
  • Le soir :

Mauvaise succession : repas / toilette / lecture / prière (on s’endort dessus)

Meilleure succession : repas / toilette / prière / lecture / signe de croix

  • Les grands temps de prière : peut-être une fois par semaine / une retraite par an
  • Attention aux vacances !

NB :

Le dimanche

  • Un ou deux jours avant : lire les textes bibliques. Si on a le temps, les annoter.
  • Préparer une (ou deux) intention qu’on dira, mentalement, au moment de la Prière universelle
  • Aider les enfants à faire la même chose.
  • Proposer à un voisin handicapé, un ami solitaire … de l’emmener à la messe. Proposer à son enfant de faire de même pour un de ses amis.
  • Prévoir de porter la communion, après la messe, à quelqu’un qui ne peut se déplacer.

 

 

Père Jean-Paul

Homelie du 4e dimanche de Paques

25 avril 2021   4ème dimanche de Pâques   Année B

Actes 4,8-12     Ps 117(118)     1 Jn 3,1-2     Jn 10,11-18

Par le Père Jean Paul Cazes


Grâce à l’évangile d’aujourd’hui, celui du Bon Pasteur, l’Eglise entière prie pour les vocations. Toutes les vocations, bien sûr, mais, plus particulièrement pour les vocations sacerdotales.

            Une fois n’est pas coutume, j’ai envie de donner un titre à mon homélie.

Voici ce titre : « Du bon usage des prêtres. »

 

            Nous allons offrir cette messe pour demander au Seigneur de nouvelles vocations sacerdotales. Toutes les paroisses du monde entier vont prier à la même intention au même moment. Et cela, nous le faisons depuis des années et des années. Mais ça n’a pas l’air de changer grand-chose ! Cette année, dans notre diocèse, il y aura deux ordinations, dont celle de Thibaud, et c’est vraiment une belle joie. J’ai entendu dire qu’à Paris, il y aura douze ordinations. J’ai envie de dire ce que les Apôtres ont dit au sujet des cinq pains et des deux poissons pour 5000 hommes : « Qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » Effectivement, si la joie est grande d’accueillir ces nouveaux prêtres, leur nombre ne compense pas celui des départs à la retraite et des décès. Pourquoi notre prière semble-telle si peu efficace ? Pourquoi notre Père, qui voit les besoins de l’Eglise de son Fils, semble-t-il sourd et muet ? Nous prions et demandons beaucoup ; mais est-ce la bonne demande ?

            Au chapitre 9 de l’évangile selon st Matthieu, Jésus dit à ses disciples : « La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. » (Mt 9,37-38) Jésus lui-même nous demande de prier le Père, ce qui veut dire que, dès les premiers moments de la vie de l’Eglise, les ouvriers étaient trop peu nombreux : à ce point de vue, la situation est donc semblable aujourd’hui. De plus, si on lit bien ce verset, on peut en tirer une bonne conséquence : la moisson sera toujours plus importante que le nombre des ouvriers. La moisson sera heureusement toujours plus abondante que le nombre des ouvriers. Imaginez la situation inverse : ce serait catastrophique. Trop d’ouvriers pour une moisson squelettique ! Alors, heureusement, la moisson est plus abondante que le nombre d’ouvriers et le sera toujours. C’était le cas hier, c’est le cas aujourd’hui et ce sera le cas demain. Et cette situation est d’abord un motif d’action de grâce avant d’être un motif de lamentation. Oui, merci Seigneur de nous donner une moisson abondante : il y a tant de choses à faire, tant d’évangélisation à entreprendre, ne serait-ce que dans nos quartiers, dans nos propres familles…

 

            C’est là où le titre de mon homélie trouve sa justification : « Du bon usage des prêtres. » Sur 50 ans de ministère actif, je fus curé durant 25 ans, responsable de communautés à Neuilly, à Rueil, à Vaucresson et Marnes. J’ai essayé de remplir honnêtement ma charge. Mais ma vocation n’était pas d’être curé. Ma vocation était – et est toujours – d’être prêtre. En tant que curé, il m’a fallu faire beaucoup de choses qui ne relevaient pas de ma compétence sacerdotale. Heureusement, j’ai toujours trouvé, auprès de moi, des collaboratrices et des collaborateurs efficaces. Pendant mes 25 ans de curé, la seule année où j’ai vraiment vécu ma vie sacerdotale sans qu’elle soit alourdie d’éléments secondaires, fut mon année à l’Arche, au milieu de personnes souffrant de handicap. Pendant un an – un an de bonheur – j’ai été prêtre sans être curé. L’Arche m’a utilisé – si je puis dire – comme prêtre et pas comme curé.

            Je transpose et je généralise cette expérience : j’ai le sentiment que les communautés paroissiales dans leur ensemble, du moins en France, n’ont jamais appris à bien utiliser leurs prêtres. Elles gardent les prêtres pour elles et pour la célébration des sacrements, la messe en particulier.

            Elles gardent les prêtres pour elles. Or Jésus nous dit aujourd’hui : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas dans cet enclos : celles-là aussi il faut que je les conduise. »Je me souviens du Père Raymond Vankersbielck qui a longtemps vécu ici-même. C’était une force de la nature. Il passait une partie de ses nuits au milieu des jeunes de la rue. C’était du temps qu’il ne donnait pas à la paroisse, et pourtant, du temps vraiment utile pour la mission. Les paroisses accepteraient-elles aujourd’hui de grand cœur que leurs prêtres passent une bonne partie de leur temps sur les périphéries, comme dit le Pape François ?

            Les paroisses gardent leurs prêtres pour la célébration des sacrements, mais pas beaucoup pour la formation. Or – pardon de le dire sans nuance – une messe sans formation de la foi n’aide pas à vivre en chrétien-missionnaire dans le monde. Jésus a formé ses disciples durant trois ans avant de les envoyer porter la Bonne Nouvelle dans le monde.

            Pendant mes 25 ans de responsabilité curiale, j’ai fait beaucoup d’administratif et pas beaucoup de direction spirituelle. Or il me semble que les prêtres sont plus ordonnés pour guider spirituellement que pour remplir des papiers ou surveiller les ouvriers qui repeignent le presbytère. Beaucoup de chrétiens ont recours aux psychologues, et c’est une bonne chose ; mais les consultations spirituelles, pour parler ainsi, sont ignorées, délaissées, ce qui est dommage.

 

            En souriant – car il faut savoir sourire des choses graves – j’estime que cette journée de prière devrait servir non pour demander de nouveaux prêtres, mais pour que le St Esprit apprenne aux communautés chrétiennes à mieux se servir des prêtres qu’elles ont déjà.

Homélie du 3e dimanche de Pâques

18 avril 2021  3ème dimanche de Pâques   Année B

Ac 3, 13-15+17-19     Ps 4     1 Jn 2,1-5a     Lc 24,35-48

Par le Père Jean Paul Cazes

Le temps pascal est bien plus important que le Carême.

Le Carême est un temps de préparation. Le temps pascal nous offre 50 jours pour reprendre, méditer, relire, approfondir tout ce que le mystère pascal nous apporte. Le temps pascal est comme l’épanouissement du Carême : il faut donc y faire très attention.

Comme dimanche dernier, l’évangile d’aujourd’hui est un récit de présence du Seigneur.   J’aime mieux parler de « présence du Seigneur » que d’apparition, car ce mot laisse une impression désagréable de prestidigitation. Oui, le Seigneur Jésus se rend présent auprès des Apôtres et de leurs compagnons, comme il se rend présent par son Eucharistie. D’ailleurs, au sujet de l’Eucharistie, on parle de « présence réelle », et on a vraiment raison !

 

Dans notre évangile, je souhaite insister sur un verset qui est une des richesses du temps pascal. Un verset et deux enseignements.

 

D’abord le verset qui dit  (je cite) : « Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire et restaient saisis d’étonnement. »  Voilà une chose curieuse. Marie-Madeleine et les autres saintes femmes sont déjà venues, le matin, annoncer aux Apôtres la résurrection de Jésus ; les Apôtres eux-mêmes savent que Jésus est ressuscité puisqu’il est apparu à Pierre ; les deux disciples d’Emmaüs qui sont au milieu deux ce soir leur ont raconté ce qui s’est passé sur la route et comment ils ont reconnu Jésus à la fraction du pain. Jésus manifeste sa présence au milieu d’eux, et malgré tout cela, « ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. »  

Si vous voulez bien, ce soir ou demain, relire d’un seul coup les finales des quatre évangiles, c’est à dire ce qui est écrit depuis le matin de la résurrection jusqu’à la fin des évangiles – ce n’est pas long, je vous assure – vous verrez comment la joie des Apôtres est mêlée à leurs difficultés de croire. Dimanche dernier, la liturgie nous donnait l’épisode de Thomas ; et Thomas n’est pas le seul à ressentir des difficultés et des doutes !

 

De cela, je tire deux enseignements.

Le premier est celui de la véracité des évangiles. Aucun des quatre ne cache les difficultés de croire. Si nous étions dans une secte, nos textes auraient prudemment effacé toute difficulté. Tout est rose dans une secte ; il faut attirer l’indécis, lui présenter la doctrine du gourou et de la secte sous les aspects les plus faciles, les plus riants. Ce n’est pas le cas des évangiles. Je pense d’ailleurs que si le christianisme était une secte, on n’aurait jamais entendu parler de la crucifixion de Jésus, pas plus que des doutes de ses disciples.

 

Le second enseignement que je tire du verset : « ils n’osaient pas encore y croire »,c’est la prise en compte, par l’évangile lui-même, de nos propres difficultés de croire. Nos difficultés de croire sont accueillies par les évangiles.

Qu’il est difficile de croire que Jésus est vraiment ressuscité !

Oui, nous y croyons, bien sûr, sinon nous ne serions pas ici. Nous y croyons, mais … !  mais nous sommes des giscardiens de la foi.

Nous y croyons, mais nous nous posons des tas de questions quant à la résurrection de la chair qui fait pourtant partie du Credo.

Nous y croyons, mais, souvent, nous n’osons pas en témoigner quand nous parlons de la foi lorsque nous dînons avec des amis non-croyants.

Nous y croyons, mais pas suffisamment pour nous engager davantage dans la vie de l’Eglise.

Nous y croyons mais nous nous posons tant et tant de questions sur la vie future.

Nous y croyons, mais nous connaissons des amis chrétiens, généreux, plus croyants que nous, qui ne croient pas en la Résurrection.

Du fond de nous-mêmes, nous refusons la mort, nous savons que nous sommes faits pour la vie, mais nous n’osons pas croire en la réalité de la résurrection du Christ et en la promesse de la nôtre.

Jésus ne nous force pas. Jésus ne nous oblige pas. Jésus ne nous démontre pas d’une manière scientifique qu’il est vivant. Jésus souhaite que notre adhésion de foi soit un acte de liberté, un acte d’amour, et non pas une soumission devant une preuve irréfutable.

Tant mieux si, parmi nous, certains ne sentent aucun doute devant la résurrection : qu’ils sachent en rendre grâce pour aider les autres. Qu’ils fassent comme Jésus : qu’ils ne forcent pas, qu’ils n’obligent pas et, surtout, qu’ils ne méprisent pas ceux qui n’osent pas encore y croire.

Et que ceux qui n’osent pas encore y croire ne se sentent pas rejetés par le Christ. Qu’ils viennent à lui, humblement, et lui présentant leurs difficultés.

Jésus ne nous cache pas les difficultés de la foi. Pour nous aider à avancer, il ouvre l’intelligence des Apôtres, de leurs compagnons – et de nous-mêmes – à la compréhension des Ecritures. Encore faut-il que nous les ouvrions !

Nos difficultés à croire ne disparaîtront pas d’un coup de baguette magique, ni grâce à une bonne prière adressée à la Vierge. Marie ne peut vouloir que ce que veut son Fils. Jésus nous dit d’ouvrir les Ecritures, de les lire, de les mâchonner, de les commenter, de nous y heurter, de les lire avec d’autres. Marie ne peut que nous y encourager.

 

Nous essayons de faire des efforts durant le Carême.

Et si ouvrir la Bible était notre effort pour bénéficier du temps pascal ?

 

Liens entre PRIERE et MISSION

avril 2021   St Pierre-St Paul de Courbevoie

par le Père Jean Paul

Eglise et mission

Quelques sens du mot mission

En Christ, prière et mission

La mission a besoin de la prière

La prière chrétienne est missionnaire parce que chrétienne

Dimanche prochain, mon sujet sera toujours la prière, mais sous un aspect très pratique : le temps, les distractions, la place du corps, etc.

Aujourd’hui, dans la suite de ce qui été dit les dimanches précédents , je souhaite évoquer le lien entre la prière et la mission. Ce sera le dernier entretien de ce type.

Je précise tout de suite que si j’aborde le lien entre prière et mission maintenant, ce n’est pas parce que la mission viendrait une fois qu’on aurait pu mettre en œuvre tout ce qui vous a déjà été dit. La mission vient maintenant parce qu’on ne peut tout dire en même temps. Mais le sujet d’aujourd’hui aurait pu être abordé tout autant lors du premier entretien, ou du second ; il aurait pu être abordé tout le temps car la mission n’est pas un sujet à part, mais un élément de foi qui colore tous autres éléments de la vie de l’Eglise. Et qui colore la prière, en particulier. Nous essaierons donc de voir que la mission ne peut se passer de la prière, et que la prière, en elle-même, a une couleur missionnaire.

Eglise et mission

Peut-être, d’ailleurs, faut-il que nous nous entendions, même rapidement, sur ce qu’est l’Eglise et sur sa fonction. On peut dire que l’Eglise est le peuple des baptisés, le corps du Christ, le temple de l’Esprit saint. Gardons, par commodité, la première expression : l’Eglise, le peuple des baptisés.  Mais, de cette affirmation exacte, on en tire souvent la pensée que notre Père rassemble les baptisés pour les tirer du monde et les sauver ainsi. Ce n’est pas ce que dit Jésus dans la dernière grande prière qu’il adresse au Père : « Je ne te demande pas de les ôter ( = mes disciples) du monde, mais de les garder du Mauvais…Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde. » (Jean 17, 16+18) L’Eglise n’est pas le peuple de ceux qui sont sortis du monde comme on sort de l’eau quelqu’un qui se noie. L’Eglise est le peuple de ceux qui sont liés au Christ, marqués par l’Esprit, pour aller dire au monde le salut offert à tous les hommes. Là est le rôle de l’Eglise peuple de Dieu, corps du Christ, temple de l’Esprit : annoncer le salut offert universellement par le mystère pascal. Les baptisés ne sont pas regroupés pour se protéger mutuellement du monde mais s’aider mutuellement à annoncer le Christ. C’est ce que nous entendons aujourd’hui même dans l’évangile : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (Jean 20, 21) En st Mathieu on lit dans les derniers versets du dernier chapitre : « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples … » (Mt 28,19) De même en st Marc : « Allez par le monde entier, proclamez l’Evangile à toutes les créatures. » (Mc 16,15) Et en st Luc : « …on prêchera (en mon nom) la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. C’est vous qui en êtes témoins. » (Lc24,47-48)

L’Eglise n’est pas le club de ceux qui ont peur du monde et qui cherchent à s’en protéger. Elle est le peuple des témoins du mystère pascal offert à tous les hommes, de toutes les races et de toutes les nations. L’Eglise est faite pour annoncer l’Evangile du salut. Comme dirait le Pape, elle n’est pas une ONG supplémentaire, même si, dans son travail d’évangélisation, elle prend soin de la santé, de l’éducation, de la justice, de la paix… Car son annonce de l’Evangile n’est pas une annonce désincarnée.

L’Eglise est envoyée au monde pour lui annoncer l’Evangile. Elle est faite pour cela, c’est son travail. Mais c’est son travail, parce que – fondamentalement – c’est le travail du Christ et de l’Esprit. Annoncer l’Evangile n’est le travail et la mission de l’Eglise que parce que c’est le travail et la mission du Christ et de l’Esprit. Ce travail, cette mission, l’Eglise les reçoit du Christ par la force de l’Esprit.

 

Quelques sens du mot « mission »

Essayons de préciser quelques-uns des sens du mot mission.

Il y a, bien sûr, ce qu’on peut appeler les missions lointaines. Au siècle dernier, elles ont connu un grand essor en Afrique et en Asie. Et elles ne sont pas terminées : tant de contrées, tant de peuples ignorent encore le Christ !

Il y a aussi les missions de proximité. Par exemple : les catéchistes au service des enfants et des jeunes, les mamans qui apprennent le signe de croix à leurs petits Et tous ces gestes qui ne disent pas forcément le Christ à haute voix, mais qui disent quelque chose de son amour et de son attention pour les hommes à travers les relations de travail, les liens amicaux et familiaux

Toutes ces formes de la mission, et d’autres encore, reposent sur la certitude que le Christ est venu pour tous les hommes de tous les temps et de toutes les cultures. Si nous pensons que le Christ est un leader religieux parmi les autres, plus grand peut-être, mais au milieu des autres, alors la mission n’est pas nécessaire. Mais si nous pensons que le Christ est venu offrir quelque chose d’indispensable à l’humanité, la mission alors coule de source. Il ne s’agit pas de prosélytisme : il s’agit de proposer à tous les hommes – au moins à ceux que nous côtoyons- ce que nous croyons leur être indispensable, autant pour eux que pour nous.

 

En Christ, prière et mission

Mais si nous pensons la mission indispensable, ce n’est pas parce que nous sommes les plus généreux des hommes : c’est parce que nous la recevons de Dieu. Et nous la recevons dans la prière. Même très rapidement, regardons Jésus.

Mc 1, 35-38 : « Au matin, à la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert ; là il priait. Simon se mit à sa recherche, ainsi que ses compagnons, et ils le trouvèrent. Ils lui disent : « Tout le monde te cherche. » Et il leur dit : « Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, pour que j’y proclame aussi l’Evangile : car c’est pour cela que je suis sorti. »

On voit bien ici le lien entre la prière et la mission. Ces deux éléments s’enchaînent logiquement : dans la prière, Jésus, le Fils unique, se relie vitalement à son Père qui l’envoie pour annoncer l’Evangile. Jésus est sorti non pas tant de la maison de Capharnaüm que du Père : il est l’Envoyé du Père pour annoncer aux hommes l’Evangile du salut.

Grâce à ces quelques versets, on perçoit le lien entre prière et mission.

Souvent, on pense que la vie missionnaire est une réalité, et la vie de prière une autre réalité. On connaît des missionnaires, on connaît des moines, et on a tendance à séparer les deux styles de vie. Il convient évidemment de distinguer la vie missionnaire et la vie d’un couvent ; mais distinguer n’est pas opposer. Chaque partie de la vie de l’Eglise a besoin des autres ; l’Eglise est un corps dont tous les membres, pour différents qu’ils soient, se complètent et s’entraident.  Derrière l’opposition que nous voyons spontanément entre vie missionnaire et vie au couvent, nous sentons poindre la vieille opposition entre action et méditation. Or, on ne peut les opposer l’une l’autre sans les détruire, comme on ne peut opposer Marthe et Marie. Chacun de nous est un subtil assemblage de Marthe et de Marie, un précieux mélange d’action et de méditation.

De même pour prière et mission. D’ailleurs, vous connaissez certainement la sainte patronne universelle des Missions ? C’est Ste Thérèse de Lisieux qui n’a jamais quitté son Carmel !

 

La mission a besoin de la prière

Il me semble – je me trompe peut-être – qu’on accepte assez volontiers l’idée que la mission a besoin de la prière.

La mission, qu’elle soit lointaine ou proche, a besoin de la prière pour trouver son origine : si j’annonce l’Evangile, ce n’est pas parce que je connais bien la doctrine catholique, que je sais bien parler et que j’ai fait des études. Si j’annonce l’Evangile, c’est parce que j’en reçois mission de la part du Seigneur. C’est ce qu’écrivait Paul aux chrétiens de Corinthe : « … Je ne le fais pas de moi-même, c’est une mission qui m’est confiée. » (1 Co 9,17)

Le missionnaire premier, fondamental, c’est le Christ ; c’est lui qui est l’Envoyé du Père ; c’est lui qui, à son tour nous envoie : « Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde. » (Jn 17,18). Si le Christ renouvelle ses forces dans la prière, combien plus, nous aussi, devons-nous renouveler nos forces pour répondre au fait que Jésus nous envoie à sa suite pour annoncer l’Evangile.

La mission a besoin de la prière : elle a besoin d’être accompagnée à travers ses échecs, ses hésitations, ses succès.

La mission a besoin de la prière pour intercéder en faveur de celles et de ceux pour qui est menée la mission, tout autant qu’en faveur des missionnaires eux-mêmes.

La mission a besoin de la prière pour que les missionnaires, qui se sont donnés corps et âme à leur mission, soient capables de s’en détacher le moment venu, laissant à Dieu le champ libre ; la mission n’appartient pas aux missionnaires, ce sont les missionnaires qui appartiennent à Dieu.

Ces liens entre mission et prière que je viens seulement d’évoquer, je pense que nous les concevons assez facilement.

 

La prière chrétienne est missionnaire parce que chrétienne

Mais ce qui nous est peut-être moins aisé est de voir la portée missionnaire de la prière. Je veux dire : la composante missionnaire de la prière. Non pas seulement le fait que la prière aide et accompagne la mission, mais le fait que la prière, en elle-même, est missionnaire ou elle n’est pas.

Quand je parle de prière, c’est de la prière chrétienne que je parle. Prier est le fait de tout homme croyant ; prier n’est pas une caractéristique propre au christianisme. Mais la prière chrétienne, la prière à la suite et à l’imitation de la prière du Christ, possède ses caractéristiques propres. La prière chrétienne est animée par l’Esprit de Jésus qui nous tourne vers son Père. La prière chrétienne trouve sa source dans le mystère pascal du Christ qui est notre Grand Prêtre. Le Christ nous tourne, dans notre action comme dans notre prière, vers le Père et vers le prochain. Le double commandement du Christ est le fondement de notre action missionnaire et de notre prière. Encore une fois, on ne peut séparer Marthe et Marie, comme on ne peut séparer l’amour pour Dieu et l’amour pour les hommes !

L’action missionnaire – que ce soit celle du missionnaire en Chine, ou celle de la maman qui apprend à prier à son enfant – ne peut être mission pour Dieu que si elle est mission reçue de Dieu et orientée vers Dieu à chaque instant de son développement. La mission chrétienne ne peut être vécue sans la prière qui la réfère constamment à sa source, la relie au Christ mort et ressuscité et lui donne les forces de l’Esprit.

Disons, pour faire court, que la mission chrétienne est pétrie de prière.

Peut-on dire de la prière chrétienne qu’elle est missionnaire dans le sens où je viens d’essayer de le préciser ?

 

Regardons un instant la prière que nous connaissons le mieux : le Notre Père. Et considérons particulièrement ces deux premiers mots. J’imagine que, dans votre prière personnelle, il vous arrive de dire « Mon Dieu ». Cela m’arrive aussi, soyez tranquilles. Or, en rigueur de terme, ce n’est pas ainsi que nous devrions parler. Mardi dernier, lors de la messe du jour, la liturgie nous a donné à lire la merveilleuse apparition du Ressuscité à Marie-Madeleine. Comme elle voulait le retenir, ce qui se comprend, Jésus lui dit : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu »(Jn 20, 17) En rigueur de terme, seul le Christ a le droit de dire MON Dieu, MON Père. Il est Fils de Dieu unique par nature alors que nous sommes fils et filles de Dieu multiples par adoption. Il est le Premier né, nous sommes tous les cadets pour ainsi dire. Lui, par sa nature, il peut dire MON car il est le seul homme à posséder la nature divine. Nous, les baptisés, nous les fils et les filles de Dieu non par nature mais par grâce, nous pouvons comme le Christ dire Père au Père, mais nous le disons ensemble. Encore une fois, nous pouvons dire Dieu, nous pouvons dire Père, comme le Christ et avec lui ; mais, encore une fois, en rigueur de terme, nous devrions toujours dire NOTRE Dieu, NOTRE Père. Lorsque nous prions, même au fin fond de notre chambre, notre prière est toujours communautaire. Notre prière nous relie au Christ qui prie, et à tous les baptisés.

Regardons maintenant la messe. Par excellence, elle est l’acte de prière de tous ceux qui croient et adorent le Christ. Et si chacun d’entre nous reçoit le corps sacramentel du Christ, c’est pour que, tous ensemble, nous devenions le corps du Christ qu’est l’Eglise. Comme le dit une prière de la messe et un chant, en communiant, nous devenons ce que nous recevons ;nous devenons le Corps ecclésial du Christ en recevant son Corps sacramentel. Or, la fin de la messe est un envoi en mission : « Allez, dans la paix du Christ ! »Nous allons à la messe non pour y rester mais pour partir et annoncer ce que nous venons de vivre : le mystère pascal.

Au cours de la messe, à la jonction entre la fin de la liturgie de la Parole et le début de la Prière eucharistique, se trouve la Prière universelle que Paul VI et le Concile ont restaurée pour chaque messe dominicale. Il est toujours malaisé de rédiger une Prière universelle dimanche après dimanche. Pourtant, c’est simple ; elle a trois axes : la prière pour le monde, la prière pour l’Eglise, la prière pour la communauté locale. Ces trois axes peuvent être développés en plusieurs intentions. Ce qu’il faut souligner ici c’est ceci : au cœur de la messe, après avoir entendu les lectures bibliques, après avoir réaffirmé sa foi, le peuple de Dieu prie aux intentions du monde juste avant d’offrir le pain et le vin qui deviendront Corps et Sang du Christ, « versé pour (nous) et pour la multitude. » Les paroles de la consécration sont ouvertes au monde : la mission d’évangéliser le monde jaillit du côté transpercé du Christ avec le sang et l’eau. « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. » (Mt 28, 19-20)

 

Pour clore cet exposé trop rapide et trop succinct, je ne peux mieux faire qu’en rappelant quelques-uns des versets de st Jean qui me semblent ici particulièrement à leur place dans ces rapports entre la prière et la mission : « Dieu … a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (Jn 3, 16-17)

 

 

 

Homélie du 2e dimanche de Pâques

dimanche de la miséricorde, 11 avril 2021

Lectures : Ac 4,32-35 ; Ps 117 ; 1 Jn 5,1-6 ; Jn 20,19-31

Dans l’évangile de saint Jean, MarieMadeleine est le premier témoin qui rencontre le Christ ressuscité et elle devient la première annonciatrice de la bonne nouvelle de Pâques en attestant : « J‘ai vu le Seigneur ! » Tel est le privilège accordé à une femme qui se tenait présente au pied de la croix avec Marie, mère de Jésus.

Aujourd’hui, dans le même évangile de Jean, nous nous situons le soir de Pâques. L‘ambiance est très différente : la maison est verrouillée, les disciples sont barricadés, certains d’entre eux sont transis de peur. Telle est la manifestation de leur incrédulité. Pourtant Jésus vient, il ne traverse pas les murs comme un fantôme, il est là présent, d’un seul coup : sa présence au milieu d’eux est nouvelle ; il se manifeste avec un corps glorieux marqué par les plaies du supplice.

Dans le livre de la Genèse, aux origines de l’humanité, Dieu venait dans le jardin d’Éden à la brise du soir, mais c’était pour révéler à l’homme son péché. Ici, le soir de Pâques, Jésus vient dans la maison des apôtres pour réconcilier le monde avec lui-même qui a porté le péché du monde sur la croix et qui lui envoie le souffle de l’Esprit Saint. Dans l’évangile de Jean, cet épisode se présente déjà à nous comme une Pentecôte. À la création, l’homme recevait le souffle de Dieu dans ses narines pour vivre, puis disparaître ; ici à la création nouvelle,l’homme reçoit l’Esprit du Père et du Fils, qui introduit à la vie définitive dans l’amour.

Cet Esprit Saint que sur la croix Jésus avait remis avec son dernier cri à son Père, c’est le souffle de l’Esprit que Jésus s’empresse à son tour d’insuffler sur ses apôtres : « Reçevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » C‘est un Esprit divin, fait pour réconcilier les hommes et leurrendre l’unité qui a été brisée par le péché. Car la mission des disciples est une œuvre de réconciliation universelle. Puisque l’unité a été brisée par le refus d’amour, c’est l’Esprit d’amour qui la restaure. Les disciples sont donc envoyés pour affronter le monde du péché, du refus et de la division. L’Esprit Saint fait comprendre à chaque être qu’il est enfant de Dieu et qu’il peut retrouver l’harmonie de sa vie en appelant Dieu « Abba, Père ».

Nous pouvons alors constater la pertinence de la fête célébrée aujourd’hui. La miséricorde divine prend en effet sa source dans le mystère de Pâques : elle provient d’abord de la lutte de Jésus contre le pouvoir du mal à Gethsémani, dans le jardin du mont des Oliviers ; elle provient ensuite de son pardon donné lors de sa mort sur la croix ; et elle provient enfin de l’explosion de vie qu’il suscite au jour de sa résurrection en envoyant le souffle de l’Esprit Saint. La miséricorde divine signifie que Dieu se penche sur la misère du monde, que cette misère est recueillie dans son cœur blessé au point d’en mourir par amour pour nous et de désirer nous sauver de tout mal.

La conséquence de la miséricorde est alors la paix et la joie, ainsi que le toucher. « La paix soit avec vous », déclare Jésus à trois reprises. Cette expression n’est pas une salutation, elle ne signifie pas la paix comme la donne le monde. Le mot hébreu shalom signifie le calme et l’harmonie de tout notre être, la prospérité et l’achèvement de notre humanité recréée. C’est la paix que Jésus est luimême et qu’il transmet à la place de la haine que le monde a exercéecontre lui au cours de sa Passion. C’est la plénitude du don de Dieu qui offre un immense bonheur spirituel. La rencontre avec Jésus ressuscité peut donc combler les disciples jusqu’au plus profond d’eux-mêmes.

La joie apportée par Jésus n’est pas une joie qui efface les épreuves passées, puisqu’il ne faut jamais oublier une épreuve au risque de devenir amnésique, mais c’est une joie qui est pardon reçu, acceptation, compréhension, intimité parfaite entre Dieu et les hommes, signe de la reconnaissance et de l’adhésion complète des disciples. Jésus peut alors énoncer une nouvelle béatitude : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Cette joie a jailli dans les témoins oculaires du Christ ressuscité et elle rejaillit aussi sur tous ceux qui adhèrent dans la foi à leur message ; cette joie est désormais celle de tous ceux qui sont réconciliés avec le Père.

Une semaine plus tard, la maison des disciples est encore verrouillée, mais c’est l’occasion pour Jésus de rencontrer Thomas, le disciple qui était absent le jour même de la résurrection. Son incrédulité prolonge celle des dix autres disciples pendant toute une semaine. Il demande des preuves tangibles et il permet ainsi une certitude plus grande : il devient le porte-parole de la certitude de la résurrection. Thomas a besoin de voir et de toucher et Jésus veut l’attirer jusque dans ses plaies. L’évêque Basile de Séleucie, au Vème siècle, nous rapporte le monologue intérieur que saint Thomas a pu méditer : « Mes doutes ne disparaîtront qu’à sa vue, dit-il. Qu’il blâme mon manque de foi, mais qu’il me comble de sa vue. Maintenant je suis incroyant, mais lorsque je le verrai, je croirai. Je croirai lorsque je le serrerai dans les bras et le contemplerai. Je veux voir ces mains trouées, qui ont guéri les mains malfaisantes d’Adam. Je veux voir ce flanc, qui a chassé la mort du flanc de l’homme. Je veux être le propre témoin du Seigneur et le témoignage dautrui ne me suffit pas. Vos récits exaspèrent mon impatience. L’heureuse nouvelle que vous apportez ne fait quaviver mon trouble. Je ne guérirai de ce mal, que si je touche le remède de mes mains. »

Toucher de la main, c’est le geste que Thomas n’a pas réussi à accomplir au Calvaire. Il lui faut désormais toucher véritablement le corps de celui qui est allé jusqu’au bout de son donpour lui, il lui faut toucher la souffrance et la mort, il lui faut ressentir les épreuves de la croix. Par ce geste, Jésus ne demande pas à Thomas pourquoi il était absent au Calvaire. Jésus l’oblige plutôt à faire un retour en arrière dans sa mémoire, pour l’introduire dans l’intelligence des événements récents. Le mauvais souvenir de la Passion permet alors à Thomas de comprendre sa lâcheté, sa peur, son reniement, et de discerner combien Jésus a agi par amour pour lui et pour tous les hommes en vue de pardonner leurs péchés.

Toucher les plaies de Jésus, c’est aimer « mon Seigneur et mon Dieu » qui s’est donné à moi dans la surabondance de l’amour. Mettre la main dans le côté de Jésus, c’est sentir les battements de ce cœur qui a tant aimé le monde. Pour un Juif, la croix est une malédiction, mais Jésus la fait reprendre par Thomas comme une grâce. Pour les disciples, la croix est lelieu d’un châtiment et d’une condamnation à mort, mais Jésus la fait reprendre par Thomas comme un pardon. Pour tout homme, la croix est un instrument d’accablement et de destruction, mais Jésus la fait reprendre par Thomas comme un mouvement d’amour et un acte de recréation.

Il ne faut donc pas oublier, mais comprendre autrement les trois annonces de la Passion que Jésus avait indiquées au cours de sa montée à Jérusalem. En sa résurrection, Jésus éclaire ses disciples sur le sens de la Passion. L’apôtre, envoyé en mission par le souffle de l’Esprit, passera comme le Christ par la Passion, mais ce sera pour devenir à son tour signe et source de rémission des péchés. Avec saint Thomas et avec les autres disciples du Seigneur, soyons les témoins du mystère de la croix, soyons les témoins du ressuscité marqué des stigmates du crucifié : c’est vrai ! Jésus en son corps est passé de la mort à la vie pour l’éternité. Amen !

Père Yvan Maréchal

Homélie de la Vigile Pascale

 Les textes que nous avons lu dans cette vigile nous ont fait parcourir l'histoire sainte du peuple de Dieu. Nous avons lu plusieurs récits : récit de la création, du passage de la mer Rouge, de la résurrection dans l'Évangile. J'espère que vous êtes sensible à ce langage de la liturgie, et que vous percevez la valeur de cette démarche de mémoire. Mais certainement, nous sommes moins sensible que nos pères. La culture contemporaine se soucie très peu de la faire mémoire. Elle se soucie non pas du passé, de la tradition mais de l'avenir, du progrès. Plus d'intérêt pour la sagesse de nos pères. Plus de sentiment d'être héritier de nombreuses générations. 
Pourquoi nous chrétiens ne pouvons-nous pas nous satisfaire de cela ? Surtout parce que Dieu s’est révélé à nous dans le passé : il a parlé par des hommes tel que Moïse, par des événements tel que le passage de la mer rouge, et enfin par le Christ qui est Dieu lui-même. Cette révélation c'est close vers le deuxième siècle. Nous croyons que cette révélation a une valeur divine qu'aucun progrès simplement humain ne peut atteindre. Il y a bien un sens chrétien du progrès, mais il est d'abord assimilation de cette héritage, et réalisation du projet divin. La parabole du bon grain et de l’ivraie nous dit que le bien et le mal croissent jusqu'à la moisson qui est image de la fin du monde. Cela signifie que notre monde marche vers un accomplissement, un achèvement. Notre histoire a un but. 
Nous ne sommes pas rescapé sur un radeau au milieu de l'océan, comptant sur nos propres forces et sur le hasard pour notre salut.
Nous sommes fils, nous connaissons notre origine et notre destination. Nous avons lu deux textes prophétiques, d’Isaïe et Ézéchiel, ils témoignent que Dieu connaît l'avenir, qu'il est maître de l'histoire. En faisant mémoire nous pouvons entrer dans ce projet, coopérer à l'œuvre de Dieu. En tenant notre place, en vivant notre vie quotidienne, nous pouvons participer à cette œuvre. C'est tous ensemble que nous réalisons cette œuvre commune, formée de liens entre générations et entre les hommes d'une même époque. Ce que chacun apporte à la réalisation du monde, est partagé est commun. Ainsi tous les élus dans le royaume peuvent se réjouir de ce que chacun apporte. Ces liens de dépendance deviennent liens de charité, pour le plus grand bonheur des élus. Les catéchumènes qui vont être baptisé s'apprêtent à entrer dans ce corps, corps en croissance depuis la création jusqu'à la fin du monde.

Thibaud Guespereau

Homelie du dimanche des Rameaux

Dimanche 28 avril 2021    RAMEAUX   Année B
par le Père Jean-Paul Caze

Si vous me permettez de sourire avec des choses graves, je dirai : qui d’entre nous acceptera vraiment d’être cas-contact avec Jésus au long de cette semaine ?

Ceux qui, dans les rues de Jérusalem, ont chanté : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! », ceux-là n’étaient ni meilleurs ni pires que nous.

Ils étaient probablement heureux d’acclamer le descendant de David ; ils espéraient probablement qu’il serait son successeur et qu’il siègerait sur son trône, rendant ainsi à Israël une gloire perdue depuis longtemps.

Ça, c’était le dimanche, le premier jour de la semaine juive.

Le vendredi suivant, ils crieront « A mort, à mort, crucifie-le ! »

 

Il n’est pas aisé d’être cas-contact avec Jésus, de se laisser imprégner par lui, tel qu’il veut être et non pas tel que nous le rêvons.

Jacques et Jean, deux de ses Apôtres, lui ont demandé de devenir ses ministres, tant ils pensaient que Jésus allait rétablir le royaume de David.

Au pied de la croix, ils étaient absents.

Ils ont suivi Jésus, jusqu’à un certain moment, puis ils ont rompu le contact.

 

Aujourd’hui, nous sommes venus chercher de pauvres brins de buis qui orneront, pendant un an, nos croix, nos statues, nos portes. C’est bien.

Mais, au-delà du folklore, saurons-nous être cas-contacts avec Jésus jusqu’au bout ?

Le buis n’est pas magique. Qu’il soit béni ou non, il n’a aucun pouvoir. Il ne protège de rien, ni de la maladie, ni de l’échec, ni du péché. Le buis n’est là que pour nous orienter vers Jésus. Le buis n’est là que pour ça : nous rappeler qui est Jésus, ce qu’il a fait pour nous, et nous attacher à lui.  

 

Au pied de la croix, on ne trouve que des femmes, à part Jean, le disciple bien-aimé. Selon St Marc, qui est l’évangile que nous suivons cette année, il y avait Marie-Madeleine, Marie, la mère de Jacques le Petit et de José, et Salomé. On s’y perd devant toutes ces Marie, d’autant qu’il faut ajouter la Vierge Marie que, curieusement, Marc ne nomme pas, contrairement à Jean. Toutes ces femmes « qui le suivaient et le servaient quand il était en Galilée, et plusieurs autres qui étaient montées avec lui à Jérusalem. » (Mc 15,41)

Elles seront les dernières au pied de la croix ; elles seront les premières à venir le dimanche, le matin de la Résurrection.

Elles n’ont pas rompu le contact avec Jésus, malgré sa mort.

 

Demandons leur intercession, surtout celle de la Vierge, pour qu’au cours de cette semaine nous soyons cas-contact avec Jésus à travers sa Passion, pour accéder à sa Résurrection.

 

 

Homelie du 21 mars 2021   5ème dimanche de Carême Année B

Jr 31, 31-34     Ps 50     Hb 5, 7-9     Jn 12,20-33

« Nous voudrions voir Jésus. » Souvent, les enfants demandent à voir Jésus dont on leur parle en famille et au catéchisme. Alors, nous, adultes, nous leur expliquons qu’on ne peut le voir avec les yeux, qu’on le voit avec le cœur. Tout cela est vrai ; mais nous risquons de nous satisfaire de notre réponse d’adultes. Or, je pense qu’il est plus que nécessaire de garder un cœur d’enfant avec le désir de voir Jésus de nos yeux. J’espère que c’est votre désir à vous, jeunes qui êtres présents au milieu de nous et qui vous préparez à recevoir le sacrement de Confirmation. Je souhaite que ce soit notre désir à nous tous : voir Jésus !

 

Dans la lecture de l’évangile selon st Jean, nous sommes à six jours de la Pâque. Jésus vient d’entrer triomphalement à Jérusalem à tel point que les Pharisiens se sentent incapables de lui nuire ; ils se disent les uns aux autres : « … vous n’arriverez à rien : voilà que le monde se met à sa suite. » (Jn 12, 19)

C’est alors que commence le passage qui nous est donné aujourd’hui : « Il y avait quelques grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque. » Soit des étrangers, des non-juifs, qui viennent adorer le Dieu des Hébreux, et il y en a beaucoup chaque année pour la Pâque; soit des juifs de culture grecque qu’on retrouvera le jour de la Pentecôte au milieu des Parthes, des Mèdes, des Elamites et de toutes les nations entourant la Méditerranée. Quoi qu’il en soit, à travers ces grecs, c’est, comme le déplorent les Pharisiens, le monde entier se met à la suite de Jésus.

Et ce monde entier qu’ils symbolisent s’adresse d’abord à Philippe, dont le nom est grec ; Philippe en référera à André et tous deux s’adresseront à Jésus pour lui transmettre la demande des grecs : « Nous voudrions voir Jésus. »

Ce désir n’est pas le thème central du passage. Pour essayer, même maladroitement, de présenter ce thème, on peut dire qu’il tourne autour du lien entre le Père et Jésus à l’occasion de la mort de ce dernier. Certains chrétiens se représentent la Passion comme un moment qui concerne uniquement le Christ et pas du tout le Père. Comme si le Père avait dit à son Fils : « Va donner ta vie pour les hommes ; moi, je reste tranquillement dans mon ciel. » Certes, le Père n’est pas le Fils, mais tous deux sont si profondément unis que Jésus peut affirmer : « Le Père et moi nous sommes un. » (Jn 10,30) Quand Jésus meurt sur la Croix, le Père n’est pas en train de s’occuper d’autre chose en attendant que son Fils ressuscite. Comme des parents dignes de ce nom souffrent lorsque leur enfant souffre, le Père est auprès de son Fils au cours de sa Passion. Et voilà pourquoi il dit de Jésus : « Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore. » Voilà quel est le thème central de notre passage.

Mais il me semble bon de demeurer un instant sur la demande des grecs bien que ce ne soit pas le thème central de notre évangile : « Nous voudrions voir Jésus. » Le voir peut-être pour lui parler, pour lui demander une faveur, pour l’interroger sur une question de foi. Il y a beaucoup de raisons possibles. Jésus accueille cette demande mais répond à sa manière. Il accepte que ces personnes le voient, mais il veut qu’on le voit comme il veut être vu. Il ne veut pas être vu comme on voit quelqu’un dans une conversation de salon, comme ça, en passant. Il veut être vu dans sa réalité messianique car « l’heure est venue où le Fils de l’homme – c’est-à-dire lui-même – doit être glorifié. »

Peut-être vous souvenez-vous qu’à Cana, il n’avait pas accepté tout de suite de manifester sa gloire parce que, disait-il, son heure n’était pas encore venue. L’expression « mon heure » revient plusieurs fois chez st Jean. Elle désigne le moment paradoxal de la Croix qui est en même temps le lieu de sa mort et de sa glorification. On peut dire : de sa résurrection. Alors, quand les grecs demandent à le voir, il répond que la meilleure façon de le voir c’est de méditer, de regarder, de contempler sa mort en vue de sa résurrection.

Les grecs demandent à voir Jésus. Leur demande est bonne. Il serait curieux que nous, chrétiens, nous n’éprouvions pas ce désir au fond de nous-mêmes.  Il faut l’entretenir par la prière, les sacrements, la lecture de la Bible, les engagements au service d’autrui. Voir Jésus, le rencontrer, parler avec lui comme un ami parle à un ami. Voilà comment on peut exprimer quel est le but de notre vie spirituelle. Je vais peut-être vous étonner en vous disant que les sacrements, qui sont des réalités fantastiques, ne suffisent pas : ils sont pour cette vie, ils sont nécessaires à notre vie terrestre ; mais ils sont là pour creuser en nous le désir d’un face à face définitif et absolu. Dans le Royaume, il n’y aura plus de sacrements puisque nous serons en présence de celui que les sacrements rendent présent les humbles réalités de pain, de vin, d’huile, d’eau. Dans le Royaume, nous verrons Dieu

Voir Jésus : le voir de nos yeux, lui serrer la main, parler avec lui d’homme à homme, les yeux dans les yeux ! Sur cette terre, nous savons que ce n’est pas le cas, mais portons-nous ce désir en nous ? Car c’est ainsi que, paradoxalement, nous pourrons le faire voir à travers nos gestes, nos paroles, nos prises de position. Je le dis particulièrement pour vous, les jeunes, qui allez être confirmés. Et je le dis tout autant pour nous, les anciens confirmés. Si nous avons le désir profond de voir Jésus, alors, nous le rendrons visible par toute notre vie personnelle et communautaire. Et en le rendant visible, nous le ferons aimer.

 

Homélie du 14 mars 2021   4ème dimanche de Carême   Année B

2 Ch 36, 14-16+19-23     Ps 136     Ep 2,4-10     Jn 3,14-21

Par le Père Jean Paul Cazes

La foi chrétienne est composée de deux aspects indissociables :

            1er aspect : elle vient de Dieu, elle a un contenu qui ne dépend pas de

            nous

            2ème aspect : elle est une réponse d’adhésion de notre part.

On retrouve là les deux aspects de la vie de prière tels que notre curé est en train de l’exposer le dimanche matin.

 

En ce qui nous concerne, la réponse de foi chrétienne est une certitude, pas une évidence.

Si c’était une évidence, tout le monde serait obligé de croire.

Par exemple, dans notre système mathématique, deux plus deux font quatre : il n’y a aucune échappatoire.

Or, la foi demande notre acceptation libre et aimante.

La foi n’est pas une évidence, mais une certitude.

Il y a toujours un saut dans la foi, une sorte de pari comme aurait dit Pascal.

C’est la même sorte de pari qui est celui de deux jeunes qui décident de s’aimer pour la vie.

La décision d’amour n’est jamais une évidence mathématique. Personne n’a jamais démontré scientifiquement le sentiment amoureux. Et pourtant, il n’y a rien de plus fort et de plus certain.

Par contre, on peut, et même on doit, réfléchir son amour afin de l’améliorer, de le corriger et de l’approfondir.

De la même manière – car amour et foi sont frère et sœur – la foi suppose un saut de confiance pour y entrer et demande ensuite à être améliorée, corrigée et approfondie.

On n’aime pas après un raisonnement, mais on trouve des raisons d’aimer.

De la même façon, on croit sans raisonnement, mais on découvre des raisons de croire.

Un de mes professeurs avait coutume de dire : la foi n’est pas rationnelle, mais elle est raisonnable.

Parce que nous croyons, nous devons chercher des raisons de croire. Or, Dieu lui-même, dans sa manière de se présenter à nous, nous donne des raisons de croire en lui.

 

Parfois, les journaux ouvrent leurs colonnes à ce qu’on appelle les « bonnes feuilles » d’un livre qui vient de paraître.

Les textes bibliques nous offrent aujourd’hui quelques « bons versets ». Je précise : tous les versets de l’Ecriture sont parole de Dieu et méritent notre attention, notre respect et l’effort de notre intelligence.

Il n’empêche que certains versets, plus que d’autres peut-être, peuvent nous aider, nous qui avons fait le saut de la foi, à trouver des raisons de croire. Ces raisons ne convaincront pas forcément celui qui ne croit pas, mais elles nous diront, à nous, que nous ne faisons pas fausse route.

 

D’abord, selon la première lecture, rien n’est jamais fermé pour notre Dieu. Dans la situation la plus terrible, notre Dieu ouvre toujours une issue. Depuis 70 ans, les Hébreux étaient captifs à Babylone ; contre toute espérance, le roi Cyrus permet à ceux qui le veulent de rentrer à Jérusalem et de rebâtir le Temple. C’est nous qui nous fermons à nous-mêmes les portes de l’espérance ; pas Dieu !

Passons ensuite à ce que dit Paul aux chrétiens de la ville d’Ephèse. Par deux fois, en 6 versets, il écrit : « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés. » Etre sauvé, c’est être relié à Dieu pour toujours. Dans le salut, comme dans la foi, il y a deux aspects indissociables : le travail de Dieu et notre réponse. Du côté de Dieu, le travail est accompli, grâce au Christ. Du haut de la Croix, le salut est offert totalement et définitivement à tous les hommes. Nous ne sommes pas sauvés par l’accumulation de nos bonnes actions ; c’est Jésus, et lui seul, qui nous relie à son Père. Par contre, par nos bonnes actions, nous montrons au Christ que nous acceptons son salut et que nous ajustons notre vie à son double commandement d’amour.

Enfin, merveille des merveilles, ce verset de St Jean : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »   Quelqu’un me demandait un jour si je croyais que Dieu est Juge. Oui je le crois. Puisque Dieu est amour, comme l’écrit St Jean dans une de ses lettres, alors Dieu est juste. Mais la justice de Dieu ne consiste pas à condamner. Même les jugements humains peuvent se conclure sur un acquittement. Dieu est juge, mais sa justice consiste à nous rendre justes nous-mêmes. Par sa justice, nous sommes ajustés à son amour. Notre unique travail – mais il est fondamental – est d’accepter ce que nous offre Dieu à travers son Fils. De manière poétique mais tellement compréhensible, Dieu nous offre la lumière, celle du pardon, celle de la paix, celle de la justice, celle de l’amour fraternel. Il nous suffit de dire « Oui », comme la Vierge Marie.

 

Voici quelques raisons que nous avons de croire en Dieu notre Père. Dans le temps de Carême qui nous reste, il serait intéressant que chacun de nous essaie de découvrir en lui quelles sont les autres raisons qui le gardent dans la foi.