Homelie du 19 juin 2022

19 juin 2022   Fête du Corps et du Sang du Christ   Année C

Gn 14,18-20     Ps 109     1 Co 11,23-26     Lc 9,11b-17

Par le pere Jean Paul Cazes

Qu’est-ce que le sacrement de l’Eucharistie ?

Comment en rendre compte ?

Je dirais que c’est aussi simple que de manger.

Le Seigneur Jésus, dont la foi et la spiritualité étaient enracinées dans la foi et l’espérance de son peuple, n’a pas donné d’explication. Il s’est identifié à l’agneau pascal que les juifs, chaque année à Pâques – et encore maintenant – tuent et mangent en famille pour commémorer la fabuleuse libération de l’esclavage d’Egypte.

Jésus s’est offert comme le véritable agneau définitif et absolu, non seulement pour son peuple, mais pour l’humanité entière afin de nous rendre libres de ce qui nous empêchent de devenir pleinement humains.

Et il s’offre à devenir notre nourriture et notre boisson.

Il n’y a pas autre chose à comprendre : l’Eucharistie est à manger, avant d’être adorée.

 

Heureux temps que le nôtre qui connaît la psychologie et la psychanalyse.

Grâce à cela, nous savons que l’enfant qui tête sa mère fait plus que d’avaler du lait : littéralement, il mange sa mère. Il a besoin de bien plus que de lait ; il abesoin de sa mère.

L’enfant ou le jeune qui perd ses parents est pris en charge par un conseil de famille ; il aura quelque chose dans son assiette ; mais il doit trouver, dans sa famille ou ailleurs, de quoi nourrir sa personnalité pour grandir et devenir adulte.

Et lorsque nous invitons des amis à notre table, nous leur offrons autre chose qu’un simple repas.

Deux amoureux qui s’embrassent ne se mangent-ils pas de baisers ? C’est du moins ce que dit la langue française. Dans un couple, on a faim de l’autre. Dans une relation parentale, on a faim de ses enfants. Dans une relation amicale, on a faim de rencontrer son ami.

Tout cela, nous le comprenons bien sans qu’il soit besoin d’explications scientifiques.

Nous comprenons ce que c’est que de se donner à l’autre pour le faire vivre. C’est ce que disent les fiancés le jour de leur mariage. Pas plus tard qu’hier, ce fut le cas de Magali et de Jakub, ici-même. Ils se sont promis bien plus que de vivre l’un à côté de l’autre ; chacun s’est comme dépossédé de soi pour ne plus s’appartenir soi-même mais appartenir à son conjoint. Saint Paul va jusqu’à écrire aux chrétiens de Corinthe quelque chose qui risque de bousculer notre pudibonderie : « Ce n’est pas la femme qui dispose de son corps, c’est son mari. De même ce n’est pas le mari qui dispose de son corps, c’est sa femme. » (1 Co 7,4) La spiritualité chrétienne du mariage devrait savoir parler du corps à la suite de Paul. Car cette spiritualité nous aide à comprendre de l’intérieur le contenu du sacrement de l’Eucharistie.

Le Christ, en effet, s’est dépossédé de lui-même pour s’offrir à ceux qui croient en lui, dans l’espérance que tous les hommes soient nourris par lui.

Il se donne, par la force de sa parole, celle que Paul nous a transmise dans sa lettre aux Corinthiens.

Le Christ fait bien plus que nous donner un enseignement ; il se donne lui-même comme un époux se donne à son épouse.

 

Il y a des réalités humaines qu’on ne peut comprendre que si on les vit. Il y a des réalités humaines qu’on ne peut comprendre que de l’intérieur. A celui qui veut comprendre l’Eucharistie, il faut dire : « Communie, tu comprendras. » et non pas : « Je vais d’abord tout t’expliquer et ensuite tu communieras. » Croyez-vous que les enfants qui communient pour la première fois pourraient expliquer ce qu’est l’Eucharistie ? Et pourtant, dans la fraîcheur de leur foi, ils reçoivent le Christ ; à leurs parents, leur famille, et à nous aussi – communautés chrétiennes- de les encourager dans ce chemin. Car il y a des compréhensions qui sont autre chose que des explications. Il y a des compréhensions qui sont des partages de vie. L’Eucharistie est de cet ordre.

 

Mais, vous me direz peut-être que le sacrement de l’Eucharistie est célébré au cours d’une messe, et que les messes sont parfois ? souvent ? ennuyeuses, rasoires, barbantes. Vous avez raison, je l’admets, tout en disant que nous en sommes tous responsables. Comment rendre les messes attirantes ? Je n’ai pas de solution toutes faites, mais je sais que si nous ne nous y mettons pas tous ensemble, paroissiens comme clergé, il ne se passera rien.

Vous me direz aussi : pour qu’il y ait des messes, il faut qu’il y ait des prêtres. Or, les deux qui ont été ordonnés hier pour notre diocèse, Jean-Louis et Médéric, et pour lesquels il est bon de rendre grâce, sont peu au regard des besoins. Là encore, vous avez raison. Mais, crier nos besoins sans être attirants ne fera pas naître les vocations nécessaires.

Recevoir l’Eucharistie, pain de vie, et sortir de l’église en oubliant qui on vient de recevoir, n’aidera pas nos messes à être plus vivantes, ne permettra pas à de nouvelles vocations de naître, et ne permettra pas à notre foi de rayonner dans le monde. Car, la raison fondamentale de l’Eucharistie, ce n’est pas notre salut personnel, mais la gloire de Dieu et le salut du monde

Homélie du 12 juin 2022   Sainte Trinité   Année C

12 juin 2022   Sainte Trinité   Année C

Pro 8,22-31     Ps 8     Ro 5,1-5     Jn 16, 12-15

Par le Père Jean Paul Cazes

Si nous en avions le temps, je vous rassemblerais tous dans le chœur et, pendant quelques instants, nous regarderions avec attention la fresque qui orne le cul de four de notre église. Cette fresque représente la sainte Trinité ; elle a été peinte aux environs de 1870. Même si je n’aime pas ce style, je trouve que cette œuvre est très intéressante.

Sur votre droite, vous voyez le Père sous la figure d’un vieillard. Dans la Bible, le vieillard est la figure de la sagesse ; on le trouve mentionné dans le livre du prophète Daniel, au chapitre 7. Il est habillé de pourpre, qui était la couleur impériale de l’ancienne Byzance. Il tient dans la main gauche non pas le globe terrestre, mais le cosmos tout entier : on voit le ciel bleu et les étoiles. Il est donc représenté comme créateur. De la main droite, il bénit ; en souriant, j’ose dire que le Père ne sait pas maudire, il ne sait que bénir. Nous avons donc devant les yeux un roi sage, créateur de l’univers, un roi qui bénit. Telle est la figure du Père que nous présente le peintre.

A sa droite, sur votre gauche, vous voyez la figure du Fils. Il a la même taille que le Père puisqu’ils ont tous deux une égale majesté, comme l’affirme la Préface que je dirai dans un instant. Sa robe est rouge, comme le vêtement du Père, signe de sa divinité. Il porte un manteau bleu, signe de son humanité. La divinité du Fils a été comme recouverte par son humanité. Il tient dans sa droite la Bible ouverte sur le verset qui donne une des clefs de compréhension de ce qu’il est et de sa mission : « Je suis la voie, la vérité et la vie. » Dans sa gauche, il tient la croix car sa résurrection n’a pas effacé sa Passion : le soir de sa résurrection, il s’est fait reconnaître aux Apôtres par ses blessures. Lors de l’Ascension, il a rejoint le Père et s’est assis à sa droite comme cela nous est représenté ici. Avec le Père, il est assis, il siège, comme quelqu’un qui préside, qui enseigne, qui juge. Nous avons donc devant les yeux la figure du Christ, vrai Dieu et vrai homme, mort et ressuscité, manifesté dans les Ecritures, sauveur des hommes par sa croix, assis à la droite du Père dont il partage la gloire.

Au dessus de la croix, l’Esprit Saint est représenté selon la coutume comme une colombe aux ailes déployées. Il est entouré d’une auréole de lumière, semblable à celle qui orne la tête du Père et celle du Fils. C’est dire qu’il partage avec eux la même divinité ; comme le Père et comme le Fils, il porte le titre de Seigneur ; le grand Credo de Nicée-Constantinople l’affirme expressément. De cette auréole jaillit une multitude de rayons de lumière qui baignent le Père et le Fils. C’est une façon de dire que tous deux sont unis dans la même divinité et que leurs liens d’amour et d’unité sont l’Esprit Saint en personne.

Le Père, le Fils et l’Esprit sont entourés d’un cercle, signe de perfection, signe aussi d’éternité puisque le cercle n’a ni début ni fin. Dans ce cercle sont écrits les premiers mots du chant des anges lors de la Nativité : Gloria in excelcis Deo et in terra pax hominibus bonae voluntatis. Ainsi sont rassemblés en une seule fresque les réalités centrales de notre foi : l’Incarnation, la Rédemption, l’Ascension, la Trinité que nous fêtons aujourd’hui. Revenons au cercle : s’il entoure les trois Personnes par sa perfection, il ne les enferme pas. Comme on peut le constater, le Père et le Fils sortent de ce cercle ; ils sont en avant de lui comme pour venir à notre rencontre. La divinité ne les sépare pas de nous : ils viennent vers nous comme pour nous inviter à entrer nous-mêmes dans la vie qu’ils partagent. Comme l’affirment les grands théologiens des premiers siècles chrétiens, les hommes sont appelés à être divinisés, non pas à devenir dieux à la place de Dieu, mais à partager pleinement sa vie puisque nous sommes ses fils et ses filles. Nous sommes destinés à rejoindre l’homme parfait qui siège à la droite du Père dans l’unité de l’Esprit. La Vierge Marie, en son Assomption, est la première qui a vécu cette réalité.

 

Notre fresque est-elle la Sainte Trinité ? Non, certainement pas. Elle n’en est qu’une évocation. Je me souviens d’un tableau de René Magritte, un peintre contemporain. Ce tableau représente une belle pipe sous laquelle est écrite la phrase suivante : Ceci n’est pas une pipe. Non, certes, ce n’est pas une pipe, mais l’évocation d’une pipe. De même, sous notre fresque de la Sainte Trinité, on pourrait écrire : Ceci n’est pas la sainte Trinité. On ne peut qu’évoquer la Trinité, on ne peut pas la montrer telle qu’elle est. La seule représentation exacte de la Trinité, c’est Jésus, mort et ressuscité. Car qui voit Jésus voit le Père. (Jn 14,9). Et dimanche dernier, jour de Pentecôte, Jésus nous a dit qu’il nous enverrait un autre Défenseur, l’Esprit Saint (Jn 14,25). Notre fresque n’est pas la sainte Trinité, elle ne fait que l’évoquer ; et ceci est vrai de toutes les œuvres d’art qui traitent d’un sujet religieux ; elles évoquent leur sujet, mais ne le montrent pas. La Sainte Trinité est bien plus et bien autre chose que notre fresque. Mais notre fresque a le grand mérite de nous aider à entrer, par nos yeux, dans le mystère d’un Dieu unique dont les Trois Personnes, différentes et égales, s’aiment d’un amour absolu, et nous aiment de ce même amour.

En conclusion, je vous propose deux sujets de méditation.

Le premier : le couple humain, constitué de deux personnes différentes et égales, qui déclarent s’aimer pour la vie, ne serait-il pas une des meilleures images humaines de la Trinité ?

Le second sujet : la déclaration universelle des droits de l’homme ne serait-elle pas une conséquence inattendue mais logique de la méditation des premiers chrétiens au sujet des Personnes de la Trinité ?

Ceci pour dire que la Trinité est beaucoup plus proche de notre vie et de nos préoccupations qu’on le pense habituellement. Alors, n’hésitez pas à venir souvent contempler notre fresque ou telle autre représentation de la Sainte Trinité.

 

Homélie du 5 juin 2022   PENTECÔTE

Messe du jour : Ac 2,1-11   Ps 103   Ro 8,8-17   Jn 14,15-16+23b-26

Si nous avons dit, du fond du cœur, le signe de croix dès le début de cette messe, c’est par la lumière de l’Esprit Saint.

Si nous écoutons la Bible comme Parole de Dieu et pas seulement comme parole humaine, c’est grâce à l’Esprit Saint.

Si notre assemblée fait vraiment partie du Corps du Christ, et n’est pas uniquement un rassemblement de braves gens, c’est grâce à l’Esprit Saint.

Si le pain et le vin sont vraiment corps sacramentel du Christ mort et ressuscité, c’est grâce à l’Esprit Saint.

Si chacun de nous, pauvres pécheurs, est, fondamentalement, enfant de Dieu, c’est grâce à l’Esprit Saint.

Si nous osons croire que Jésus, vrai homme, né d’une femme, est véritablement le Fils unique de Dieu, c’est grâce à l’Esprit Saint ; car « nul ne peut dire « Jésus est Seigneur », si ce n’est par l’Esprit Saint » : c’est ce qu’écrit Paul aux chrétiens de Corinthe (1 Co 12,3). Si nous croyons que Jésus est Fils de Dieu, si nous croyons qu’il est mort et ressuscité, cela ne vient pas d’un raisonnement scientifique ; cela vient de l’action de l’Esprit Saint en nous.

Dans nos relations quotidiennes, nous apprenons à connaître quelqu’un à travers ce qu’il fait ; c’est la même chose en ce qui concerne l’Esprit : nous le connaissons à travers ce qu’il fait en nous. Je me permets de redire la phrase de St Paul aux corinthiens : « Nul ne peut dire « Jésus est Seigneur », si ce n’est par l’Esprit Saint. »

 

Le Christ est mort et ressuscité pour offrir à tous les hommes l’Esprit qui vient du Père. Et l’Esprit repose sur nous et en nous pour que nous puissions affirmer que le Christ est ressuscité. Il y a comme un jeu de ping-pong entre la Résurrection et la Pentecôte. A la Pentecôte se réalise enfin la grande espérance d’Israël que le prophète Joël avait annoncée depuis longtemps : « Je répandrai de mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles prophétiseront … » (Jl 3,1). Grâce au Ressuscité, l’Esprit Saint est répandu sur toutes les nations : la première lecture nous rappelle cette universalité du don de l’Esprit à travers tous les peuples qui sont nommés : Parthes, Mèdes, Elamites, romains, crétois et arabes … Si donc l’Esprit Saint est répandu sur toute chair grâce au Christ ressuscité, nous ne pouvons pas, nous, chrétiens, regarder les hommes comme si le Christ leur avait refusé l’Esprit Saint. Car l’Esprit a été répandu sur tout homme, même s’il n’est pas chrétien. Tous les catéchumènes qui s’approchent chaque année du baptême viennent à la foi car ils y sont menés par l’Esprit. Nous ne pouvons pas regarder, y compris nos voisins de palier, y compris les étrangers que nous croisons dans la rue et chez qui nous allons faire nos courses, comme si l’Esprit Saint leur avait été refusé par le Christ. Encore une fois, l’Esprit Saint a été répandu sur toute chair ; notre mission est de l’annoncer à tous ; à chacun, ensuite, de l’accueillir ou de le refuser.

 

Je profite de la citation du prophète Joël (« Je répandrai mon esprit sur toute chair … ») pour essayer d‘éclaircir le lien entre la chair et l’Esprit. Dans notre seconde lecture, il y a bien une opposition entre chair et Esprit. Mais une méprise existe autour du mot « chair ». Souvent, nous comprenons ce mot comme s’il voulait dire « corps » et, particulièrement « sexe ». Dans notre seconde lecture, il y a bien une opposition entre chair et Esprit, mais pas entre corps et Esprit puisque Paul écrit, vous l’avez entendu : « … le Christ …donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. » Il y a une distinction entre le corps et l’Esprit, mais il n’y a pas opposition : l’Esprit habite en nous, et ressuscitera nos corps mortels, comme il a ressuscité le corps mortel de Jésus. Dans st Paul, la chair est autre chose que le corps, et c’est là que résident notre difficulté et notre méprise. En schématisant, la chair, dans le langage de Paul, est toute la réalité humaine quand elle est séparée de Dieu, en dehors de Dieu et même contre Dieu. Si nous vivons selon la chair, nous courons à la mort, dit Paul. En parlant de la mort, il ne désigne pas notre mort corporelle, mais la mort spirituelle, c‘est à dire la séparation définitive d’avec Dieu. Si nous vivons toutes nos réalités humaines en dehors de Dieu – c’est ce que Paul appelle « chair »  – alors notre vie future sera elle aussi sans Dieu ; être sans Dieu, c’est être mort. Par contre, notre corps, qui passera par la mort naturelle, est promis à la résurrection ; dès à présent, il nous est demandé de vivre notre condition corporelle comme le Christ a vécu la sienne pour être définitivement unis à lui puisque nous sommes « héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire. »

 

Ce que je viens de dire à propos de l’Esprit Saint est bien peu à côté de la réalité. Certains d’entre vous m’ont dit : nous ne savons pas qui il est, il n’a pas une grande place dans notre vie spirituelle. Le Saint Esprit est le grand humble à l’intérieur de la Sainte Trinité. Il n’est pas là pour lui-même, il est là pour nous mener au Christ. Si donc nous regardons le Christ, si nous prions le Christ, si nous aimons le Christ, si nous vivons l’Evangile, c’est l’œuvre en nous de l’Esprit Saint. « Nul ne peut dire « Jésus est Seigneur » si ce n’est par la lumière et la force de l’Esprit Saint. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homélie du 15 mai 2022    5ème dimanche de Pâques   Année C

Ac 14,21b-27     Ps 144(145)     Apo 21,1-5a     Jn 13,31-33a + 34-35

Par le Père Jean Paul Cazes

Le livre de l’Apocalypse est peu cité dans la liturgie du dimanche. Il est donc peu connu, et mal connu. Le mot Apocalypse lui-même fait peur. Mais il est victime d’un véritable contre-sens. En grec, ce mot veut dire « révélation », « dévoilement ». Rédigé par st Jean pour un temps de persécution, le livre de l’Apocalypse révèle que notre Dieu est maître de l’histoire et que la Rome des empereurs sera détruite. Le livre de l’Apocalypse est un livre de résistance et de foi en la victoire finale du règne de Dieu.

Nos frères chrétiens d’Orient, et d’ailleurs, ont traversé et traversent encore des persécutions. L’Ukraine traverse une épreuve redoutable. L’humanité vient de traverser une pandémie qui n’est pas encore éteinte er qui laisse derrière elle des conséquences sociales, économiques, culturelles et politiques lourdes. Ces difficultés sont-elles plus ou moins difficiles que les persécutions des premiers temps de l’Eglise ? Je n’ai rien pour mesurer. Ce que je sais, c’est que les premiers chrétiens ont traversé leurs difficultés sans perdre de vue que la victoire finale appartient à Dieu. Ils ont su relever la tête et garder l’espérance. Ils ont cru à la résurrection.

Dans l’Eglise en général, et particulièrement en France, nous venons de subir le choc des crimes sexuels. Humainement parlant, nous avons plus ou moins bien traversé le covid ; certains en ont été très meurtris. Notre communauté paroissiale, comme toutes les autres, a vu ses rangs s’éclaircir à cause de certains d’entre nous qui, fragiles, ne sont pas revenus ; cela s’est même constaté au catéchisme et à l’aumônerie. Au milieu de ces difficultés, allons-nous baisser la tête, ou la relever, nous qui croyons en Jésus ressuscité ?

Le Pape vient de nous inviter à lui offrir nos avis sur la vie de l’Eglise ; certains d’entre nous ont su saisir cette offre sans être désabusés à l’avance. A notre niveau, c’est-à-dire au niveau de notre paroisse, que faire ? Nous avons un outil : les salles paroissiales. Le meilleur outil ne vaut rien sans la main de l’ouvrier. Nos locaux paroissiaux, dont rêveraient beaucoup de paroisses, sont trop peu utilisés pour renforcer nos liens et faire de notre communauté une dynamique de proposition de l’Evangile.

Voilà pourquoi votre collaboration va vous être demandée dès maintenant pour récolter vos désirs et savoir comment utiliser notre outil pour développer notre vie communautaire et missionnaire.

Je laisse la parole à l’équipe mandatée pour ce faire par notre curé et par l’Equipe d’Animation pastorale.

 

 

Homélie du 13 mars 2022   2e dimanche de Carême   Année C

Par le pere Jean Paul Cazes

Gn 15, 5-12+17-18     Ps 26(27)     Ph 3,17 – 4,1     Lc 9, 28b-36

 

Commençons par un sourire. Si je vous demandais le nom de la montagne de la Transfiguration, vous diriez tous que c’est le mont Tabor. Pourtant, dans ce que je viens de lire, pas plus de mont Tabor que de mont Blanc. Dans st Matthieu et dans st Marc, il n’est pas nommé non plus. En fait, on ne sait pas avec certitude quelle est la montagne de la Transfiguration. Le mont Tabor ? C’est possible, mais pas certain. Peu importe. Ce que l’on sait, c’est que Jésus monte sur une montagne, et il y en a beaucoup dans son pays. Traditionnellement, symboliquement, la montagne est le lieu privilégié de la rencontre entre Dieu et l’homme : rappelez-vous du Sinaï. Aujourd’hui, en ce temps de Carême, Jésus nous convie à monter avec lui, par la puissance de l’Esprit, à la rencontre de son Père.

 

Si le Verbe de Dieu s’est incarné, s’il a partagé totalement notre condition humaine, à part le péché, c’est pour nous introduire dans sa divinité. Les grands théologiens chrétiens des premiers siècles osent parler de la divinisation de l’homme. Il ne s’agit pas pour l’homme de devenir dieu à la place de Dieu, mais d’être associé, par grâce, à la nature de Dieu. Je précise : l’homme n’est pas invité à perdre sa nature humaine, mais à découvrir que cette nature atteint sa perfection et sa vraie grandeur en étant divinisée. Très souvent, moi comme vous, devant une faute ou une erreur, nous avons l’habitude de dire : « C’est bien humain. »  Nous chrétiens, nous qui croyons en Jésus, homme-Dieu, avons-nous raison de dire que l’erreur, ou la faute, est bien humaine ? Dans la foi, qu’est-ce qui est vraiment humain ? N’est-ce pas plutôt cette divinisation vers laquelle nous emmène Jésus quand il monte sur la montagne avec Pierre, Jean et Jacques ?

 

La nature humaine que nous avons reçue à la naissance, nous savons l’abimer de mille manières par l’égoïsme, l’orgueil, l’indifférence aux autres, le mauvais amour de soi… Or, Dieu notre Père n’a jamais baissé les bras devant cette constatation. Par son Fils, il veut de tout temps non pas nous faire changer de nature, mais la mener jusqu’à sa vraie grandeur, cette grandeur pour laquelle il l’a créée. La Résurrection n’ajoute rien à la nature humaine du Christ, maiselle révèle la vraie beauté qui est en elle depuis toujours. Le Ressuscité qui est assis à la droite du Père, comme le représente la fresque qui orne le cul de four de notre église, n’a rien perdu de son humanité, au contraire : son humanité n’est plus une humanité blessée comme la nôtre, mais portée à sa beauté ultime. La Transfiguration nous dit comme une espérance qui nous est offerte.

 

Jésus monte à la rencontre du Père. Toute sa vie humaine est liée au Père mais, aujourd’hui, il veut le manifester pour affermir la foi des apôtres avant la grande douleur de la Passion. Il veut montrer aux apôtres ce qu’il est et ne cesse d’être : celui qui est promis par la Bible symbolisée par Moïse et Elie, celui qui est enveloppé par l’ombre de l’Esprit, celui qui est le Fils choisi, celui que nous sommes invités à écouter. Dans sa Transfiguration, Jésus nous montre qui il est réellement ; il nous montre sa beauté intérieure ; il est lumière, il resplendit. Dans sa Transfiguration, Jésus ne cesse pas d’être un homme ; par contre, il montre à quelle grandeur le Père appelle la nature humaine. Voilà quelle est notre espérance, voilà ce que le Christ nous montre et nous promet dans sa Transfiguration.

En suivant le Christ, notre chemin de Carême est un chemin de transfiguration progressive.

 

Paul l’a merveilleusement exprimé lorsqu’il écrit aux chrétiens de Philippes : « Nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à limage de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir. » (Ph 3, 20-21)

Homelie du 6 mars 2022   1er dimanche de Carême   Année C

Par le Père Jean-Paul Cazes

Dt 26, 4-10     Ps 90     Ro 10,8-13     Lc 4,1-13

 

Dimanche prochain, comme tous les seconds dimanches de Carême, l’évangile sera celui de la Transfiguration, c’est-à-dire l’affirmation de la divinité de Jésus et la nouvelle annonce de sa passion. Aujourd’hui, nous recevons l’évangile des tentations, c’est-à-dire l’affirmation de la pleine humanité de Jésus. Le danger de cette répartition très traditionnelle, c’est de laisser penser que Jésus est pleinement homme à certains moments de sa vie, et pleinement Dieu à d’autres, ce qui serait une erreur. Il est pleinement Dieu et pleinement homme à chaque instant de sa vie, depuis sa conception jusqu’à sa résurrection. Sa conception dans le sein de Marie ne lui a pas ôté sa divinité ; sa résurrection ne lui a pas ôté son humanité. En lui, il n’y a pas de lutte ni de concurrence entre sa divinité et son humanité. En lui, les deux natures sont réunies dans l’unité de sa personne, sans mélange, sans division ni séparation. Telle est notre foi en ce qui concerne le Christ Jésus.

Si l’évangile de ce jour insiste sur l’humanité de Jésus, ce n’est pas pour renvoyer sa divinité à dimanche prochain. Vrai Dieu, Jésus est vraiment homme, et il a été réellement tenté. Ses tentations ne sont pas des tentations pour rire, sije puis dire. Il n’a pas fait semblant d’être tenté, comme il n’a pas fait semblant d’être homme. Sa divinité ne l’a pas empêché d’être tenté. On m’avait cité l’homélie d’un vieux prêtre qui affirmait que, comme Jésus était Dieu, il n’avait pas pu être malade. Je ne souhaite pas à Jésus d’avoir été malade ; et d’ailleurs, personne n’en sait rien. En tous cas, ce n’est pas sa divinité qu’il l’a empêché d’avoir les oreillons ou la scarlatine, puisque ce n’est pas sa divinité qui l’a empêché de souffrir et de mourir. Jamais, en rien, Jésus n’a fait semblant d’être homme. Heureusement pour nous : s’il n’avait pas été un homme véritable, nous ne serions pas sauvés. Notre salut, c’est-à-dire notre lien avec le Père, dépend du fait que Jésus soit homme comme nous et Dieu comme son Père.

Jésus, Fils de Dieu, a épousé la faiblesse humaine jusque dans la souffrance et dans la mort, pour nous offrir sa divinité. Depuis Noël, nous connaissons ce que nos pères dans la foi ont appelé « l’admirable échange » : Dieu s‘est fait homme pour que l’homme soit élevé à la dignité divine. Nos pères n’ont pas eu peur de parler de la divinisation de l’homme : non pas l’homme à la place de Dieu, mais l’homme associé par grâce à la nature divine ; ne sommes-nous pas réellement fils et filles de Dieu grâce au Christ ? Eh bien, cet admirable échange commencé à Noël se poursuit aujourd’hui : Jésus accepte d’être réellement tenté pour que nous soyons réellement libérés de l’influence du Tentateur. Lui, le propre Fils de Dieu, accepte d’être tenté pour que nous soyons libérés du Tentateur et devenions fils et filles de Dieu.

Je ne rêve pas, je ne suis pas en train de dire que la tentation n’existe plus depuis que le Christ a été tenté. Nous connaissons tous la tentation, sous quelque forme que ce soit ; le Carême est un temps privilégié de combat spirituel. Et Jésus, qui connaît ce combat spirituel, nous apprend à dire à notre Père : devant la tentation qui ne cesse de frapper à notre porte, donne-nous de ne pas y entrer.

Pour cela, deux armes sont à notre portée. D’abord, le recours à la Parole de Dieu. Jésus connaît la Bible et sait s’en servir. Pour nous aussi, elle est une arme efficace ; encore faut-il la connaître. Je sais bien que vous n’avez pas le temps de lire la Bible ; mais comment utilisez-vous l’évangile du dimanche ? Est-il oublié, une fois entendu, ou bien le reprenez-vous, jour après jour, pour le connaître, le savourer, en tirer votre nourriture spirituelle pour la semaine ? Voilà une chose toute simple pendant ce Carême : ne pas hésiter à lire et à relire l’évangile du dimanche pendant la semaine.

La seconde arme du Christ, qui est aussi la nôtre, est ce que suggère le psaume : Jésus s’est toujours tenu sous l’abri du Très-Haut, il a toujours regardé son Père comme son refuge et son rempart. Le Père n’a jamais abandonné Jésus face à la tentation. Rappelons-nous ce que Jésus a dit un jour : « Le Père et moi, nous sommes un. » (Jn 10,30) L’unité entre le Père et le Fils n’est pas une unité en pointillé ; au seuil de la tentation, le Père se tient auprès de son Fils. De la même manière, le Père est avec nous lorsque la tentation arrive. Le Père ne nous abandonne pas à ce moment-là ; c’est nous qui nous lui tournons le dos.

Voilà ce que nous apprend Jésus au moment d’entrer dans le combat spirituel ; voilà les armes qu’il a utilisées et qu’il nous donne pour ce combat : la Bible et la protection du Père, lui qui est avec nous dans notre épreuve, comme il est avec le Christ.

La dernière strophe du psaume est une réponse de Dieu à celui qui le prie. Au lieu de dire « Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre », le psaume pourraitdire « Puisque Jésus s’attache à moi, je le délivre. ». Mais il pourrait tout autant dire de chacun de nous : « Puisque tu t’attaches à moi, je te délivre… »  Avec ceux d’entre vous qui le veulent bien, je vais essayer de lire à haute voix cette dernière strophe en pensant, mentalement, que le Père pense à chacun de nous :

Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre ;

Je le défends, car il connaît mon nom.

Il m’appelle, et moi je lui réponds ;

Je suis avec lui dans son épreuve.

 

 

Homélie du 20 février 2022   7ème dimanche   Année C

par le Père Jean Paul Cazes

1Sm 26, 2+7-9+12-13+22-23     Ps 102     1Co 15,45-49     Lc 6,27-38

Dans tous les domaines – économique, social, culturel, sportif, politique … – on veut toujours en revenir aux « fondamentaux », surtout en période de crise. Avec l’évangile de ce jour, nous en revenons au fondamental chrétien : l’amour y compris l’amour des ennemis. D’ailleurs, je ne devrais pas parler ainsi. Le christianisme n’est pas l’amour, y compris celui des ennemis ; une telle manière de parler semble ajouter l’amour des ennemis à l’amour tout court. En christianisme, l’amour des ennemis n’est pas un ajout, une sorte de « malgré tout ». En christianisme, l’amour des ennemis fait intégralement partie de l’amour, ça devrait aller de soi. En christianisme, l’amour vient de l’amour partagé entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint ; et cet amour s’étend sur toute la création et sur tous les hommes. Par Jésus, nous savons que le Père fait luire son soleil et tomber la pluie sur les méchants comme sur les bons, sur les ingrats et les méchants. Heureusement, car le ligne de démarcation ne passe pas entre ceux qui seraient bons et les autres ; la ligne de démarcation passe à l’intérieur de chacun de nous qui sommes bons et méchants « en même temps », selon une formule devenue célèbre.

A la table du presbytère, hier, nous parlions de cet évangile, et Thibaud disait une chose remplie de bon sens. Il disait : aimer y compris ses ennemis est un combat, et non une lâcheté plus ou moins déguisée sous la forme de la joue qu’on tend. En effet, si on lit attentivement la page de ce jour, on est devant un retournement des valeurs ; d’ailleurs, ne soyons pas étonnés : cette page fait suite aux Béatitudes de dimanche dernier. Si Jésus était venu pour nous dire les valeurs habituelles du monde – aimer nos amis et rejeter nos ennemis, faire du bien à ceux qui nous en font et du mal aux malfaisants, prêter notre argent, notre temps, notre respect uniquement à ceux qui peuvent nous les rendre – si c’est cela que Jésus était venu prêcher, il serait venu pour rien. Tout cela, nous le pratiquons sans lui.

Jésus est venu au milieu de nous pour témoigner de la réalité d’un monde qui n’est pas définitivement présent mais qui est en construction au milieu de nous. Jésus est venu non seulement témoigner de la réalité de ce monde mais nous donner les clefs pour nous permettre d’y entrer. Non seulement il a parlé du royaume, mais, au milieu de nous, il a vécu les valeurs de ce royaume : il ne s’est pas vengé de ses bourreaux, il a fait du bien à ceux qui lui voulaient du mal, il a pardonné et guéri les pécheurs. Et il continue à faire tout cela grâce aux sacrements dont il a laissé la gestion à son Eglise.

Jésus témoigne de la réalité du royaume de Dieu présent au milieu de nous, mais d’un royaume qui attend notre participation pour se développer en ce monde. La critique, au nom de l’Evangile, des manières de faire du monde, est nécessaire mais gravement insuffisante. Si, au nom de l’Evangile, nous nous contentons de critiquer les injustices sans les combattre en nous et autour de nous, notre critique est inutile. Si, au nom de l’Evangile, nous nous contentons de dénoncer les crimes d’Al Quaïda sans tendre la main à notre voisin de palier, notre réaction sera stérile. Si, au nom de l’Evangile, nous critiquons le monde sans y introduire ne serait-ce qu’un grain d’Evangile, pouvons-nous nous dire vraiment chrétiens et fils du Très Haut ?  

Jésus a aimé les pharisiens, Jésus a aimé Hérode, Jésus a aimé Pilate ; il s’est opposé à eux, mais il a donné sa vie pour eux. Mais c’est Jésus, me direz-vous, et pas nous ! Ce qu’il a fait nous est impossible. Et pourtant, il nous demande cela sur le ton de l’impératif : « Aimez … faites du bien… souhaitez du bien …  priez. » Je vous ai cité plusieurs fois cette phrase si juste du Père Varillon qui dit : « Dieu donne ce qu’il ordonne ». Par Jésus, Dieu nous ordonne d’aimer nos ennemis, de faire du bien à ceux qui nous haïssent. Par nos seules forces, à cause de notre faiblesse, cela nous est impossible ; mais ne pleurons pas sur notre faiblesse : réjouissons-nous de voir que notre Dieu, par son Esprit, nous donne de faire ce que Jésus a fait. Le « truc », si je puis dire, c’est de demander à l’Esprit d’agir en nous. Si nous ne le faisons pas, c’est peut-être que nous avons peur que ça se réalise ; c’est peut-être que nous préférons demeurer dans l’esprit de vengeance alors même que nous souhaitons la justice. Nous disons que c’est impossible, ce qui est une manière de nous donner bonne conscience de ne pas pouvoir le faire.

Mais alors, nous restons comme un être uniquement fait d’argile dont parle Paul. Pourtant, notre dignité, notre destinée, c’est de devenir, dès maintenant, un être spirituel, c’est-à-dire non pas un être désincarné, mais un être de plus en plus animé par l’Esprit Saint, rempli des valeurs de l’Esprit Saint. Un être pour qui les valeurs fondamentales de l’Evangile ne sont pas qu’une image lointaine, mais une réalité qui oriente et modèle sa vie dès ce monde.

 

Une des difficultés de compréhension de ce passage est de le considérer comme un catalogue moral d’actions à accomplir. Certes, les paroles de Jésus ont une portée morale. Mais si nous parvenions à accomplir parfaitement tout ce qui est dit, nous serions bien loin du sens profond des paroles du Christ. Jésus nous livre ici bien plus qu’une morale : il nous offre la possibilité de nous convertir à un Dieu totalement amour, source de tout amour vrai, de tout pardon, de toute morale authentique. Je vous invite à dire avec moi les deux dernières strophes du psaume (sur la feuille paroissiale) qui est une belle peinture de notre Dieu :

Le Seigneur est tendresse et pitié …

 

Homélie du 13 février 2022   6ème dimanche   Année C

Jr 17,5-8     Ps 1     1 Co 15, 12+16-20     Lc 6, 17+20-26

Par le pere Jean Paul Cazes 

Dans quelques minutes, après le « Je crois en Dieu », une douzaine d’entre nous vont recevoir, au milieu de nous, le sacrement des malades. Dès maintenant, je vous demande de prier pour eux. Certains d’entre eux ont un peu peur d’être mis ainsi en évidence ; ce n’est pas facile. Mais ils passent au-delà de leur crainte légitime et comptent sur votre prière, ils comptent sur votre intercession. En recevant ce beau sacrement si méconnu au milieu de nous tous, ils retrouvent ce que Jésus lui-même disait et que st Marc nous a gardé : « (Ceux qui auront cru) imposeront les mains à des malades, et ceux-ci seront guéris. »(Mc 16,18) Et dans son épître, st Jacques écrit : « L’un de vous est-il malade ? Qu’il fasse appeler les anciens de l’Eglise et qu’ils prient après avoir fait sur lui une onction d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient ; le Seigneur le relèvera et, s’il a des péchés à son actif, il lui sera pardonné. » (Jc 5, 14-15) L’imposition des mains et l’onction de l’huile des malades : ces deux gestes venus tout droit de Jésus et de son Apôtre, vous les verrez dans quelques instants.

Pour préparer leur cœur, nos amis ont participé à une courte retraite au cours de laquelle ils ont exprimé quelques-unes des questions qu’ils se posent au sujet du sacrement des malades.

Qu’est-ce que le sacrement des malades ? Comme les six autres sacrements, c’est un signe sensible et efficace de grâce. Son efficacité ne vient pas du prêtre qui le transmet, mais de la mort et de la résurrection du Christ dont st Paul parle si bien dans la seconde lecture d’aujourd’hui. Vous savez qu’il y a trois sacrements fondamentaux : le baptême, la confirmation et l’eucharistie. Deux autres construisent l’Eglise : le mariage et le sacrement de l’ordre. Et les deux autres, on peut les appeler des sacrements de réparation : le pardon et le sacrement des malades.

Nos amis se sont demandé quelle est la différence entre sacrement des malades et dernier sacrement. La question est importante car il y a eu beaucoup de confusion à ce sujet. Le dernier sacrement n’est pas un huitième sacrement : c’est l’Eucharistie donnée à la personne qui va mourir. On l’appelle « viatique », du mot « via », le chemin en latin. C’est l’eucharistie reçue pour permettre à la personne de parcourir ce mystérieux chemin qui mène de ce monde au Père. Quant au sacrement des malades, il est offert aux malades ; et il est offert pour leur guérison, pour leur redonner des forces et, surtout, pour lier leur faiblesse à la Passion de Jésus. Il m’est arrivé d’en parler aux enfants du catéchisme car les enfants peuvent être atteints d’une grave maladie ou subir une opération. Ce sacrement est pour eux comme pour l’adulte qui sent ses forces le quitter soit à cause d’une maladie, soit à cause de la vieillesse. Et comme pour l’Eucharistie ou le pardon, le sacrement des malades peut être reçu plusieurs fois.

Nos douze amis seront-ils physiquement guéris ? Je le souhaite, mais je n’en sais rien. Seul Dieu le sait. Mais ce que je sais, par expérience, c’est que, tels qu’ils sont, avec leur maladie et leur faiblesse, ils vont être liés au Christ souffrant et vainqueur de toute mort. Le Christ éprouve envers chacun de nous un tel respect qu’il accueille ceux qui souffrent comme des frères et des sœurs, et non comme des êtres diminués. Bien sûr il faut lutter contre la maladie, mais si les forces d’un malade sont diminuées, sa personne n’est diminuée en rien. L’actuel scandale de certaines maisons de retraite est là pour nous le redire : les personnes dont les forces déclinent sont des personnes à part entière et doivent être respectées comme telles. Le Christ nous le redit dans ce sacrement qui est sacrement de miséricorde et de respect.

Au cours de la retraite, nos amis ont posé d’autres questions que je n’ai pas le temps d’aborder maintenant. Mais ils ont souligné avec beaucoup de force que leur démarche est une démarche de foi et qu’ils croient en la présence active du Christ, présence de miséricorde manifestée par les gestes très simples de l’imposition des mains et de l’huile sur leur front et sur leurs mains. Leur humble démarche, au milieu de nous, va être un autre signe visible de la force de la Résurrection de Jésus.

 

Dans notre évangile, entre la mention de la multitude de gens venus de partout, et le début des Béatitudes, trois versets ont été omis. J’ignore pourquoi. Mais en ce jour où l’on prie spécialement pour les malades, en ce jour où nous allons vivre ce beau sacrement des malades, je désire terminer mon homélie en vous citant ces trois versets. Tous ces gens de Judée, de Jérusalem, de Tyr et de Sidon « étaient venus pour entendre (Jésus) et se faire guérir de leurs maladies ; ceux qui étaient affligés d’esprits impurs étaient guéris ; et toute cette foule cherchait à le toucher, parce qu’une force sortait de lui et les guérissait tous. »

 

Homélie du 6 février 2022   5ème dimanche    Année C

Is 6,1-2a+3-8     Ps 137     1 Co 15,1-11     Lc 5,1-11

 

Imaginez Jésus sur le bord du lac de Tibériade. Il fait beau, le soleil est doux, et une grande foule est rassemblée sur l’herbe. Alors, pour lui parler, Jésus monte dans une des barques dont les pêcheurs lavent les filets. « Il s’assit et, de la barque, il enseignait les foules ».   Mais quel est son enseignement ? J’aurais bien aimé le connaître.

Ce n’est pas la seule fois où les évangiles nous laissent sur notre faim. Rappelez-vous les disciples d’Emmaüs :  deux hommes fuyaient Jérusalem après avoir perdu toute espérance. Jésus les rejoint et « il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. » Mais, quelles explications leur a-t-il données ? Pas plus que pour notre passage d’aujourd’hui, Luc n’a pris de notes sur le vif pour nous transmettre l’enseignement donné à Cléophas et à son compagnon. Comment comprendre ce silence ?

Bien sûr, les Evangiles nous livrent ailleurs l’enseignement de Jésus mais tout ne nous est pas parvenu. Au dire de St Jean lui-même, « Jésus a opéré sous les yeux des disciples bien d’autres signes qui ne sont pas rapportés dans ce livre. » (Jn 20,30) Comment comprendre ce silence ?

D’abord, il faut affirmer tout de suite que tout ce qui se trouve dans les évangiles, en particulier, et dans le Nouveau Testament, en général, est nécessaire à notre salut. A ce point de vue, rien ne nous manque. Tout ce qu’il nous faut pour aller vers Dieu grâce au Christ et à son Esprit est à notre portée.  

Ensuite, il y a des aspects de la vie de Jésus qui ne nous regardent pas. Toute son enfance, toute sa jeunesse et son adolescence nous sont inconnues. Ces périodes sont vécues dans l’intimité de la Sainte Famille et, surtout, dans l’intimité de Jésus et de son Père.

Enfin, et surtout, ce silence sur l’enseignement de Jésus nous dit de façon claire que si notre foi se nourrit de ce que Jésus a dit, elle repose non pas sur l’enseignement mais sur la personne de Jésus. Le christianisme n’est pas une secte où il faudrait que tous les membres fassent la même chose que leur fondateur, pensent la même chose que leur fondateur, agissent de la même manière que leur fondateur. Jésus nous donne son Esprit pour que nous puissionstémoigner de lui, non pas d’une exactitude doctrinale.

Que se passe-t-il au moment où Jésus choisit Pierre ? Le Christ ne s’inquiète pas du savoir doctrinal de son disciple ni de son exactitude théologique : il l’envoie dans le monde pour pécher les hommes, c’est à dire pour les rassembler autour du Christ. Jésus procède de la même manière que Dieu envers le prophète Isaïe qui est envoyé témoigner d’une rencontre. Dans le livre du cardinal de Kessel que je suis en train de lire avec plusieurs d’entre vous, l’archevêque de Bruxelles écrit : « … la foi n’est pas … l’acceptation d’une doctrine ou d’une idée, mais une rencontre personnelle avec Dieu. »(Joseph de Kessel, Foi et Religion dans une société moderne, éd. Salvator 2021, page 48)

Là est le génie de Paul qui a compris cela. Il rappelle aux chrétiens de Corinthe qu’il leur a transmis la Bonne Nouvelle ; il y a eu de sa part une transmission. Il écrit : « Avant tout, je vous ai transmis ceci que j’ai moi-même reçu … » Il y a donc là une transmission, au sens propre, une tradition, c’est-à-dire quelque chose nécessaire pour le salut : c’est par l’Evangile « que vous serez sauvés si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé. » Or, quelle est cette tradition que Paul a reçue, et qu’il annonce à son tour aux Corinthiens ?  Est-ce un enseignement doctrinal ? Non, c’est le condensé de la vie de Jésus, tel que nous le professons dans notre « Je crois en Dieu. » Notre foi ne repose pas sur un système, mais sur la vie, la mort et la résurrection d’une personne. Notre foi n’est pas l’adhésion à un système, mais la rencontre cœur à cœur du Ressuscité. D’où l’importance de la prière personnelle et de la prière communautaire. Le meilleur théologien n’est pas celui qui écrit des livres, mais celui qui prie. Je précise tout de suite que la doctrine et les dogmes ont leur place nécessaire dans une foi réfléchie, mais c’est une place en retrait, et comme en conséquence, par rapport à notre adhésion à la personne de Jésus.

 

Dans moins d’un mois, le 2 mars, nous vivrons le mercredi des Cendres. Que l’Esprit nous donne de vivre ce nouveau Carême comme un temps de cœur à cœur renouvelé avec Celui qui est mort pour nos péchés conformément aux Ecritures, qui fut mis au tombeau, qui est ressuscité le troisième jour conformément aux Ecritures, est qui est apparu à Pierre, aux Douze, à 500 frères à la fois, puis à Paul.

Bref, écrit Paul, qu’il s’agisse de moi ou des autres – et les autres, c’est nous ! – voilà ce que nous proclamons, voilà ce que vous croyez.

Homelie du 16 janvier 2022   2ème dimanche  Année C

Is 62,1-5     Ps 95     1Co 12,4-11     Jn 2,1-11

Ce premier dimanche aux couleurs de l’espérance, nous offre la troisième manifestation de la personnalité de Jésus. Vous savez que le mot « manifestation » traduit le mot grec épiphanie. Lors de l’Epiphanie des Mages, Jésus est manifesté comme Dieu pour toutes les nations. Lors de son Baptême, que nous avons célébré dimanche dernier, Jésus est manifesté comme le Fils bien-aimé du Père, le Fils sur lequel repose l’Esprit Saint.

Aujourd’hui, au tout début de sa vie publique, « il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui » : c’est la conclusion magnifique de notre passage.

Trois manifestations : il y en a bien d’autres, ne seraient-ce que tous les miracles de Jésus, sa Transfiguration et, surtout, sa Passion et sa Résurrection. Toute sa vie humaine, depuis la naissance jusqu’à la Résurrection, est une manifestation de ce qu’il est en profondeur. Et c’est pourquoi, la question principale que se posent souvent les disciples et bien d’autres est celle-ci : « Qui est-il, celui-là ? »  

C’est dans cette optique-là qu’il est bon de lire attentivement ce passage appelé improprement « noces de Cana ». Certes, il y eut des noces à Cana ; la mère de Jésus était là, et Jésus avait été invité avec ses disciples. Mais, ce qui est central, ce ne sont pas les noces elles-mêmes ; ce qui est central, c’est ce que Jésus accepte de faire à la demande de sa mère. Nous devrions nommer ce passage : « Le premier signe de Jésus », ce serait plus exact. Je suis toujours un peu ennuyé lorsque des fiancés choisissent ce passage pour leur mariage.  Les noces sont au second plan, à tel point que la mariée n’est même pas évoquée. Pourquoi ? Ce ne peut être par mépris de Jésus.

Il est toujours intéressant de relever, dans les évangiles, les personnages dont on ne connaît pas le nom. C’est le cas, par exemple, des disciples d’Emmaüs : on connaît le nom du premier – Cléophas – mais on ignore le nom du second. C’est la possibilité, quand on lit et médite ce passage, de s’identifier à celui qui n’a pas de nom : celui-là peut me représenter.

Ici, pas de mariée, du moins pas dans le texte, car on suppose à juste titre qu’elle est présente. Mais si elle n’est pas nommée, qui peut-elle être ? Si Jésus est venu à ce mariage, est-ce pour sanctifier tous les mariages ? C’est possible, mais, cependant, ce n’est pas à cette occasion qu’il parle du mariage. Vous connaissez certainement par cœur les mots de Jésus sur le mariage, tant ils sont cités dans beaucoup de célébrations de mariage : « Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »On trouve cette phrase au chapitre 19 de St Matthieu, et au chapitre 10 de St Marc.

Non, Jésus ne parle pas de la valeur du mariage durant les noces de Cana ; et pourtant, ce n’est pas un hasard si, pour la première fois, il manifeste sa gloire dans le contexte d’un mariage. Il ne bénit pas une union : il change l’eau en vin. Son premier signe est un signe eucharistique. Et l’union dont il est question va bien au-delà de l’union de ces deux jeunes gens. C’est l’union que le prophète Isaïe a chanté et qui nous est donnée dans la première lecture. Du peuple d’Israël, il est dit : « …le Seigneur t’a préférée, et cette terre deviendra « L’Epousée ». Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. »

Si Dieu est l’Epoux d’Israël, combien plus, à travers Jésus est-il le véritable époux de l’Eglise en attendant de le devenir de l’humanité entière. Oui, notre passage parle bien de noces, mais des noces entre Jésus et son Eglise.Jean-Baptiste, qui nous a accompagnés durant le temps de l’Avent, évoque Jésus comme un Epoux quand il dit : « Je ne suis pas le Christ … Celui qui a l’épouse – c’est-à-dire l’Eglise – est l’époux. » (Jn 3,29)

Si le Christ est vraiment l’Epoux, l’eucharistie au cours de laquelle il nous offre son corps et son sang comme un époux s’offre à son épouse – l’eucharistie est semblable à un mariage au cours duquel il s’offre à l’Eglise entière, et à chacun de nous. Nous sommes si habitués aux mots que nous n’y prêtons pas suffisamment attention : dans le mot communion, il y a le mot union, un mot que nous utilisons pour parler d’un mariage.

Au cours de la messe, se réalise entre le Ressuscité et son Eglise entière, ainsi qu’entre lui et chacun de nous, une véritable union. Lorsque nous communions, ce n’est pas seulement notre devoir dominical que nous accomplissons : c’est un « Oui » que nous donnons à celui qui nous aime, comme lors d’un mariage. En réponse, notre Epoux nous aime jusqu’à faire de chacun de nous, et de nous tous ensemble, « une couronne brillante dans la main du Seigneur, un diadème royal entre les doigts de ton Dieu. » Voilà ce qu’est l’Eglise pour le Christ ; voilà ce que chacun des membres de l’Eglise est pour le Christ. Voilà notre dignité.

Chaque messe a la valeur et la dignité d’un mariage.

Que l’Esprit Saint, dont Paul parle si bien aux chrétiens de Corinthe, que l’Esprit Saint augmente et fortifie en nous, comme dans toute son Eglise, la grâce de la fidélité au Christ. Et la dernière oraison de cette messe me fera dire tout à l’heure : « Répands en nous, Seigneur, ton esprit de charité, afin d’unir dans un même amour ceux que tu as nourris du même pain du ciel. »