Homélie du 12 juin 2022   Sainte Trinité   Année C

12 juin 2022   Sainte Trinité   Année C

Pro 8,22-31     Ps 8     Ro 5,1-5     Jn 16, 12-15

Par le Père Jean Paul Cazes

Si nous en avions le temps, je vous rassemblerais tous dans le chœur et, pendant quelques instants, nous regarderions avec attention la fresque qui orne le cul de four de notre église. Cette fresque représente la sainte Trinité ; elle a été peinte aux environs de 1870. Même si je n’aime pas ce style, je trouve que cette œuvre est très intéressante.

Sur votre droite, vous voyez le Père sous la figure d’un vieillard. Dans la Bible, le vieillard est la figure de la sagesse ; on le trouve mentionné dans le livre du prophète Daniel, au chapitre 7. Il est habillé de pourpre, qui était la couleur impériale de l’ancienne Byzance. Il tient dans la main gauche non pas le globe terrestre, mais le cosmos tout entier : on voit le ciel bleu et les étoiles. Il est donc représenté comme créateur. De la main droite, il bénit ; en souriant, j’ose dire que le Père ne sait pas maudire, il ne sait que bénir. Nous avons donc devant les yeux un roi sage, créateur de l’univers, un roi qui bénit. Telle est la figure du Père que nous présente le peintre.

A sa droite, sur votre gauche, vous voyez la figure du Fils. Il a la même taille que le Père puisqu’ils ont tous deux une égale majesté, comme l’affirme la Préface que je dirai dans un instant. Sa robe est rouge, comme le vêtement du Père, signe de sa divinité. Il porte un manteau bleu, signe de son humanité. La divinité du Fils a été comme recouverte par son humanité. Il tient dans sa droite la Bible ouverte sur le verset qui donne une des clefs de compréhension de ce qu’il est et de sa mission : « Je suis la voie, la vérité et la vie. » Dans sa gauche, il tient la croix car sa résurrection n’a pas effacé sa Passion : le soir de sa résurrection, il s’est fait reconnaître aux Apôtres par ses blessures. Lors de l’Ascension, il a rejoint le Père et s’est assis à sa droite comme cela nous est représenté ici. Avec le Père, il est assis, il siège, comme quelqu’un qui préside, qui enseigne, qui juge. Nous avons donc devant les yeux la figure du Christ, vrai Dieu et vrai homme, mort et ressuscité, manifesté dans les Ecritures, sauveur des hommes par sa croix, assis à la droite du Père dont il partage la gloire.

Au dessus de la croix, l’Esprit Saint est représenté selon la coutume comme une colombe aux ailes déployées. Il est entouré d’une auréole de lumière, semblable à celle qui orne la tête du Père et celle du Fils. C’est dire qu’il partage avec eux la même divinité ; comme le Père et comme le Fils, il porte le titre de Seigneur ; le grand Credo de Nicée-Constantinople l’affirme expressément. De cette auréole jaillit une multitude de rayons de lumière qui baignent le Père et le Fils. C’est une façon de dire que tous deux sont unis dans la même divinité et que leurs liens d’amour et d’unité sont l’Esprit Saint en personne.

Le Père, le Fils et l’Esprit sont entourés d’un cercle, signe de perfection, signe aussi d’éternité puisque le cercle n’a ni début ni fin. Dans ce cercle sont écrits les premiers mots du chant des anges lors de la Nativité : Gloria in excelcis Deo et in terra pax hominibus bonae voluntatis. Ainsi sont rassemblés en une seule fresque les réalités centrales de notre foi : l’Incarnation, la Rédemption, l’Ascension, la Trinité que nous fêtons aujourd’hui. Revenons au cercle : s’il entoure les trois Personnes par sa perfection, il ne les enferme pas. Comme on peut le constater, le Père et le Fils sortent de ce cercle ; ils sont en avant de lui comme pour venir à notre rencontre. La divinité ne les sépare pas de nous : ils viennent vers nous comme pour nous inviter à entrer nous-mêmes dans la vie qu’ils partagent. Comme l’affirment les grands théologiens des premiers siècles chrétiens, les hommes sont appelés à être divinisés, non pas à devenir dieux à la place de Dieu, mais à partager pleinement sa vie puisque nous sommes ses fils et ses filles. Nous sommes destinés à rejoindre l’homme parfait qui siège à la droite du Père dans l’unité de l’Esprit. La Vierge Marie, en son Assomption, est la première qui a vécu cette réalité.

 

Notre fresque est-elle la Sainte Trinité ? Non, certainement pas. Elle n’en est qu’une évocation. Je me souviens d’un tableau de René Magritte, un peintre contemporain. Ce tableau représente une belle pipe sous laquelle est écrite la phrase suivante : Ceci n’est pas une pipe. Non, certes, ce n’est pas une pipe, mais l’évocation d’une pipe. De même, sous notre fresque de la Sainte Trinité, on pourrait écrire : Ceci n’est pas la sainte Trinité. On ne peut qu’évoquer la Trinité, on ne peut pas la montrer telle qu’elle est. La seule représentation exacte de la Trinité, c’est Jésus, mort et ressuscité. Car qui voit Jésus voit le Père. (Jn 14,9). Et dimanche dernier, jour de Pentecôte, Jésus nous a dit qu’il nous enverrait un autre Défenseur, l’Esprit Saint (Jn 14,25). Notre fresque n’est pas la sainte Trinité, elle ne fait que l’évoquer ; et ceci est vrai de toutes les œuvres d’art qui traitent d’un sujet religieux ; elles évoquent leur sujet, mais ne le montrent pas. La Sainte Trinité est bien plus et bien autre chose que notre fresque. Mais notre fresque a le grand mérite de nous aider à entrer, par nos yeux, dans le mystère d’un Dieu unique dont les Trois Personnes, différentes et égales, s’aiment d’un amour absolu, et nous aiment de ce même amour.

En conclusion, je vous propose deux sujets de méditation.

Le premier : le couple humain, constitué de deux personnes différentes et égales, qui déclarent s’aimer pour la vie, ne serait-il pas une des meilleures images humaines de la Trinité ?

Le second sujet : la déclaration universelle des droits de l’homme ne serait-elle pas une conséquence inattendue mais logique de la méditation des premiers chrétiens au sujet des Personnes de la Trinité ?

Ceci pour dire que la Trinité est beaucoup plus proche de notre vie et de nos préoccupations qu’on le pense habituellement. Alors, n’hésitez pas à venir souvent contempler notre fresque ou telle autre représentation de la Sainte Trinité.