Homelie de l’Ascension de l’Année B (13 mai 2021)

 

Lectures : Ac 1,1-11 ; Ps 46 ; Ep 4,1-13 ; Mc 16,15-20

Il y a 40 jours, nous avons fêté la Résurrection du Seigneur Jésus. Le jour de Pâques, Jésus acquiert en effet une vie nouvelle qu’il manifeste à ses amis au cours de diverses apparitions, à Jérusalem ou en Galilée, mais cette vie nouvelle n’est pas encore étendue à toute l’humanité.

Aujourd’hui nous célébrons l’Ascension, ou bien comme l’écrit l’évangéliste saint Marc dans la finale de son évangile et comme nous le proclamerons dans le Credo tout à l’heure, nous rappelons que Jésus « est monté aux Cieux » et qu’il « est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant ». Ceci indique d’une part, qu’il a rejoint la gloire et l’honneur de la divinité, où il était engendré comme Fils de Dieu avant tous les siècles, et d’autre part, qu’il participe à la puissance et à l’autorité de son Père, car Jésus-Christ est, avec son Père, Seigneur de l’univers et Seigneur de l’histoire. Par ailleurs, cette glorification de Jésus, élevé au même rang que Dieu le Père, signifie qu’il reçoit du Père le pouvoir de communiquer ce qu’il a lui-même obtenu : il peut désormais nous transmettre sa vie divine de Ressuscité et nous envoyer son Esprit Saint.

En outre, cette exaltation de Jésus est l’expression de son désir permanent d’être auprès de son Père. Car, sorti du sein du Père, Jésus est venu dans le monde pour conduire les hommes au Père ; il n’a pas d’autre volonté qu’être lui-même avec son Père et associer tous les hommes à la même gloire que lui. Donc si Jésus rejoint son Père, il nous donne aussi accès à son Père. Grâce à lui, nous discernons notre horizon et notre avenir et notre regard peut fixer le ciel : nous avons l’impression que le ciel a été créé pour que nous puissions louer et glorifier le Seigneur.

Saint Paul a écrit dans un texte que nous lisions le jour de Pâques : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. » (Col 3,1) La vertu d’espérance consiste donc à tendre vers Dieu, à jeter l’ancre en Dieu. À travers leurs recherches satisfaites ou insatisfaites, en participant à la création, en vivant dans la prière et la charité et en amenant leurs frères à l’Évangile de la vie, les chrétiens parcourent les étapes de ce trajet vers Dieu. Lorsque Jésus monte au ciel, il disparaît aux yeux de ses amis, de ses disciples et aussi de Marie sa mère, mais il les élève tous avec lui. Il échappe à leurs regards, pour être présent d’une autre manière. Son absence, en fait, est une présence de Jésus encore plus intime et plus belle. Désormais par l’Esprit qu’il enverra, Jésus ne sera pas seulement à Jérusalem ou en Galilée, mais partout sur la terre, en tout homme qui croit en lui. Voilà pourquoi dans les Actes des apôtres, les disciples sont interpelés par les anges, des messagers de Dieu vêtus de blanc. Les apôtres doivent se relever, se mettre debout pour annoncer la Bonne Nouvelle dans le monde entier. En montant au Ciel, Jésus ne nous abandonne pas, mais il nous prépare une place, il nous y installe déjà, pour que notre vie terrestre soit plus belle et plus spirituelle. Ainsi le Seigneur profite-t-il de notre collaboration, pour poursuivre sa mission.

Pour résumer, voilà ce que commente le pape Benoît XVI dans son livre Jésus de Nazareth (t. 2, p. 320-321) : « Le Jésus qui prend congé ne s’en va pas quelque part sur un astre lointain. Il entre dans la communion de vie et de pouvoir avec le Dieu vivant, dans la situation de supériorité de Dieu sur toute spatialité. Pour cela, il n’est pas « parti », mais, en vertu du pouvoir même de Dieu, il est maintenant toujours présent à côté de nous et pour nous. (…) Puisque Jésus est auprès du Père, il n’est pas loin, mais il est proche de nous. Maintenant il ne se trouve plus dans un lieu particulier du monde comme avant l’Ascension ; maintenant, dans son pouvoir qui dépasse toute spatialité, il est présent à côté de tous et tous peuvent l’invoquer – à travers toute l’histoire – et en tous lieux. »

Nous sommes faits pour le ciel et tous les maîtres spirituels en ont exposé un aspect au cours de l’histoire de l’Église. Un siècle après l’apôtre Paul, saint Irénée écrit : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant, mais la vie de l’homme c’est la vision de Dieu. » La finalité de l’homme n’est à rechercher ni dans l’homme ni même dans la création qui lui a été confiée ; elle est en Dieu seul. Au XVIème siècle, Thérèse d’Avila enfant l’avait très bien compris à sa manière. Elle n’avait que 7 ans, lorsqu’elle entraîna son frère Rodrigo loin de la maison paternelle, chez les Maures, c’est-à-dire les Musulmans qui vivaient en Espagne, dans l’intention de se faire décapiter et d’obtenir ainsi la gloire des martyrs. « Je suis partie, écrit-elle dans sa Vie, parce que je veux voir Dieu, et que pour le voir, il faut mourir. »

Au XIXème siècle, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus voulait elle aussi monter au ciel. À 5 ans, elle en parlait déjà à sa mère, Zélie Martin, qui écrivait dans une lettre : « La petite Thérèse me demandait l’autre jour si elle irait au Ciel. Je lui ai dit que oui, si elle était bien sage ; elle me répond :  » Oui mais si je n’étais pas mignonne, j’irais en enfer… Mais moi je sais bien ce que je ferais, je m’envolerais avec toi (maman) qui serais au Ciel, comment que le Bon Dieu ferait pour me prendre… tu me tiendrais bien fort dans tes bras ?  » » Plus tard, alors qu’elle est entrée au Carmel, sainte Thérèse écrit qu’elle a toujours  désiré d’être une sainte, mais qu’elle se considère trop petite pour atteindre ce désir d’aller au Ciel ; voilà pourquoi elle a cherché le moyen le plus rapide d’y accéder par une petite voie toute nouvelle, qu’elle présente dans son troisième cahier manuscrit : « Nous sommes dans un siècle d’inventions : maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace avantageusement. Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. Alors j’ai recherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur, objet de mon désir et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse Éternelle :  » Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi.  » Alors je suis venue, devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais et voulant savoir, ô mon Dieu, ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel, j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé :  » Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux !  » Ah ! jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme, l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire, il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. Ô mon Dieu, vous avez dépassé mon attente et moi je veux chanter vos miséricordes. » (Ms C, 2 v°, 3 r°)

Voir Dieu ! Je voudrais tant que ce soit le désir fondamental de chacun d’entre vous. Vous n’avez été créés ni pour la déchéance ni pour la mort, mais pour la vie, la vie en Dieu, la communion à Dieu. Participer à la vie de Dieu dès maintenant, c’est déjà le voir et jouir de sa bonté. Voilà le chemin que le Christ est venu tracer pour tout être. Élevez donc votre âme vers le seul Seigneur de la Vie ! Amen !                                                                Père Yvan Maréchal