Par le Père Jean Paul Cazes
Dt 18, 15-20 Ps 94 1 Co 7,32-35 Mc 1,21-28
Le passage de l’évangile que nous lisons ce matin est situé au début de l’évangile selon st Marc : il s’agit des versets 21 à 28 du premier chapitre. Depuis le début du chapitre, en 20 versets, Marc a évoqué la prédication de Jean-Baptiste, puis le baptême de Jésus, sa tentation au désert, le début de sa prédication et l’appel de Simon, d’André, de Jacques et de Jean.
Et là, tout de suite, dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus enseigne et il guérit. Tout de suite, Marc nous dit que nous sommes en présence d’une manifestation divine , d’une sorte d’épiphanie. En effet, Jésus dit et Jésus agit. Rappelez-vous le premier chapitre du livre de la Genèse : « Dieu dit … et cela fut. » « Dieu dit : Que la lumière soit … Et la lumière fut… Dieu dit : Qu’il y ait un firmament … Il en fut ainsi… »
C’est la plus ancienne description de Dieu : un Dieu qui parle et dont la parole est efficace. Un Dieu dont la parole et l’action ne sont pas séparées. Un Dieu qui dit vrai, un Dieu à la parole de qui on peut faire confiance.
D’où la stupéfaction de ceux qui sont présents ce jour-là dans la synagogue. Bien sûr, ils ne professent pas leur foi en la divinité de Jésus ; curieusement, celui qui reconnaît la divinité de Jésus, c’est l’esprit impur qui habite un pauvre homme malade . Les autres n’en sont pas encore là ; cependant, ils sont étonnés par l’enseignement de Jésus. Cet homme parle avec autorité, c’est-à-dire qu’il enseigne sans se référer aux scribes anciens, comme le font tous les scribes qui enseignent dans les synagogues. Habituellement, quand un scribe enseigne, il se réfère à ses prédécesseurs ; à la limite, il ne fait que répéter ce que les anciens ont dit ; il met leur enseignement au goût du jour, il n’innove pas. Jésus ne procède pas ainsi, et c’est cela qui crée la stupéfaction chez ses auditeurs. Sans le formuler de cette manière, ils se demandent qui est cet homme. C’est la question fondamentale de tous les évangiles : la question de l’identité de Jésus.
Marc écrit : « Jésus se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. » Souvent, dans les évangiles, on voit Jésus enseigner. Mais jamais, ou presque, on ne dit à ces moments-là quel est le contenu de son enseignement. C’est le cas aujourd’hui. Il enseigne, et il va guérir. Il enseigne d’une manière tout à fait inédite qui crée la stupéfaction chez les auditeurs, mais on ne sait pas ce qu’il enseigne.
Ou plutôt, si ! On voit bien ce qu’il enseigne en parlant et en guérissant, en parlant et en agissant comme Dieu au premier chapitre de la Genèse. Il enseigne : LUI ! Il enseigne QUI il est. Il enseigne que la promesse offerte à Moïse est en train de se matérialiser sous les yeux des fidèles de la synagogue.
Dans la première lecture de ce jour, nous avons entendu ce que le Seigneur promet à Moïse : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi… »
Rappelez-vous ce que nous avons entendu, pendant l’Avent : « Les prêtres et les lévites posèrent à Jean-Baptiste cette question : « Qui es-tu ? Es-tu le Christ ? Es-tu Elie ? Es-tu le Prophète ? » (voir Jn 1, 19-21). On se demande souvent de quel Prophète parlent les prêtres. Très probablement de celui qui est annoncé dans notre première lecture, c’est-à-dire d’un Prophète qui parle et agit dans l’esprit de Moïse. Comme Moïse, Jésus est législateur, mais il fait plus que donner une loi : il est lui-même la Loi d’amour. Comme Moïse, il est libérateur, mais il ne libère pas seulement les Hébreux, il libère tous les hommes. Comme Moïse fait entrer en Terre Promise, Jésus fait entrer les hommes dans son Royaume. Jésus est un Prophète, mais bien plus qu’un Prophète : il est Dieu incarné. Son enseignement est autre chose qu’un code moral. Si nous cherchonsun code moral, nous le trouvons dans le Décalogue de Moïse. Ce que Jésus apporte, ce n’est pas un Décalogue mis au goût du jour, ce n’est pas une Loi améliorée, c’est la Loi d’amour du double commandement, cette Loi qu’il a lui-même totalement suivie en donnant sa vie pour tous les hommes de tous les temps, de toutes les races et de toutes les cultures.
Le chrétien ne se définit pas par une loi morale, même si la morale est évidemment importante. Le chrétien se définit par son attachement à la personne de Jésus-Christ, par sa foi et sa confiance en la personne de Jésus-Christ, par son amour en la personne de Jésus-Christ. C’est l’amour du Christ pour nous, et notre amour pour lui qui nous donne la force d’aimer nos frères.
Et c’est ainsi que sa renommée se répandra de plus en plus, non plus dans la région de Galilée, mais dans celle de Courbevoie.