27 août 2023 21ème dimanche temps ordinaire Année A
Isaïe 22,19-23 Ps 137 Romains 11,33-36 Matthieu 16,13-20
Par le Pere Jean Paul Cazes
Dans quelques semaines, le Saint Père viendra à Marseille comme il vient de se rendre à Lisbonne : des jeunes de notre paroisse y étaient. J’espère qu’ils accepteront, un jour, de nous parler de ces JMJ.
Il y a longtemps, un sympathique paroissien d’une de mes anciennes paroisses avait établi, pour moi, la liste de dix raisons pour laquelle, selon lui, le Pape est le Pape. Je me souviens seulement de deux de ces raisons. La première était, toujours selon ce paroissien, que le Pape est chef d’Etat, ce qui est exact ; mais à cela j’ai répondu que pendant de nombreux siècles le Pape n’était pas chef d’Etat et que cela ne l’empêchait pas d’être Pape. La seconde raison de mon paroissien était que le Pape donne une bénédiction urbi et orbi, c’est-à-dire sur la Ville de Rome et sur le monde ; ce qui est exact, là aussi ; mais j’ai demandé à mon paroissien à quelle longueur il estimait la portée de ma bénédiction ; et comme il hésitait à répondre, je lui ai dit que le Pape et moi avions une bénédiction de même longueur, car la bénédiction ne vient pas du ministre qui la donne, mais du Seigneur. Par contre, j’ai ajouté que je comprenais très bien qu’on aime recevoir la bénédiction de la part du Pape.
Je ne me souviens plus si mon paroissien avait ou non évoqué l’infaillibilité pontificale. Vaste et épineuse question que cette infaillibilité ! D’autant que parmi les catholiques que nous sommes certains admettent ce dogme, alors que d’autres le rejettent. En fait, affirmer, sans précaution, que le Pape est infaillible, est inexact. Comme si, dès le moment de son élection, le nouveau Pontife était subitement branché en ligne directe sur Dieu le Père ! Dire que le Pape est infaillible, sans précisions, semble dire qu’il est infaillible sur tous les sujets, et qu’il est infaillible dès qu’il ouvre la bouche. Ce n’est pas vrai. Le Pape est infaillible, certes, mais dans le domaine de la foi, et dans des conditions extrêmement précises et limitées par le dogme lui-même. Par contre, le Pape a le droit, et même le devoir, d’aborder des questions d’ordre politique, social, économique, artistique et autres ; il le fait pour éclairer la pensée des catholiques et préciser leur action en ce monde. Pour cela, il n’a pas besoin de proclamer un dogme chaque fois qu’il parle ou qu’il écrit.
Le dogme de l’infaillibilité pontificale a été précisé en 187O, lors du premier concile du Vatican. Depuis lors, seul Pie XII s’en est servi, en 1950, pour proclamer le dogme de l’Assomption de Marie. La question se pose de savoir si l’enseignement d’un Pape est important seulement lorsqu’il proclame un dogme ; si oui, l’enseignement de Jean XXIII, de Paul VI, de Jean-Paul Ier, de Jean-Paul II, de Benoît XVI et de François ne compte pas. Or, vous savez bien que ce n’est pas le cas. Les Papes nous guident par ce qu’on appelle leur ministère ordinaire, leur ministère quotidien. Prenons un exemple récent : l’encyclique Laudato si, signée par François, a revêtu une grande importance, au-delà même des frontières de l’Eglise catholique. Pourtant, cette encyclique ne proclame aucun dogme nouveau. Mais elle offre aux catholiques et à tous les hommes de bonne volonté un enseignement fondé sur la Bible et sur la pensée des premiers siècles chrétiens au sujet de la Création. Ce sujet ne peut être uniquement scientifique : il a une grande portée sociale et spirituelle que l’enseignement de François développe pour notre plus grand bien.
Comme vous, j’ignore ce que François va dire lors de son séjour à Marseille. Il parlera probablement des migrants. Il est possible que certains catholiques soient d’accord avec lui, alors que d’autres ne le soient pas. Sur ce sujet-là, comme sur l’écologie, il n’est pas infaillible. Un bon catholique a le droit de ne pas être d’accord avec le Pape sur des sujets semblables ; mais avant de critiquer la position du Pape, il faudrait d’abord la recevoir avec respect, et se demander ensuite si on a les mêmes informations que lui.
St Pierre s’est vu confier sa charge non pas parce qu’il était le meilleur des Apôtres, ou le plus intelligent, ou le plus instruit ; il a même trahi le Christ comme Judas. Mais, contrairement à Judas, il ne s’est pas refermé sur lui-même, il s’est tourné vers le Christ. Pierre a été choisi par le Christ en raison de sa foi : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Le ministère de Pierre et de tous ses successeurs est de nous conduire, toujours et toujours, à Jésus. Au cours de la dernière Cène, Jésus dit à Pierre : « J’ai prié pour que ta foi ne défaille pas. Et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères. »
Au cours de la longue histoire de l’Eglise, il y a eu des Papes indignes : et les Borgia ne sont pas les pires ! Il y a aussi eu des saints. L’Eglise catholique a eu la grâce, en ce dernier siècle, d’avoir été conduite par des Papes dont chacun fut remarquable à sa façon. Sachons en rendre grâce et remercier le Seigneur Jésus de nous donner, par son Esprit, des hommes capables de nous conduire au Père à travers les difficultés de notre monde.