Nh 8,2-4a+5-6+8-10 Ps 18B 1 Co 12,12-30 Lc 1,1-4 ;4,14-21
Notre dimanche, comme chaque dimanche, est d’abord, et fondamentalement, un jour de célébration du Christ mort et ressuscité. Chaque dimanche est jour de Pâques, puisque Pâques est le pivot de notre foi. Si Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vide (voir 1 Co 15,14) comme l’écrit St Paul aux chrétiens de Corinthe dans la même lettre dont un extrait nous est donné aujourd’hui dans la seconde lecture.
Mais cette réalité fondamentale est colorée par deux autres réalités : la semaine de prière universelle pour l’Unité des Chrétiens, et le dimanche de la Parole. L’édito de la feuille paroissiale aborde, très succinctement, la prière pour l’Unité des chrétiens, sujet qui me tient à cœur et qu’il serait vraiment nécessaire d’aborder plus longuement. Quant au dimanche de la Parole, c’est un thème que le St Père a demandé depuis quelques années d’évoquer ; il est en lien, bien sûr, avec l’unité des chrétiens. Pour nous, chrétiens, que nous soyons catholiques, protestants, orthodoxes, la Parole désigne non pas un Livre, si vénérable soit-il, mais le Christ lui-même, qui est la Parole de Dieu faite chair ; à telle enseigne que lorsqu’à la fin de l’évangile, le prêtre dit « Acclamons la Parole de Dieu », l’assemblée ne répond pas « Louange à toi, Livre saint », mais « Louange à toi Seigneur Jésus ! ». C’est là que nos amis musulmans nous connaissent mal lorsqu’ils nous désignent comme une religion du Livre. Nous ne sommes pas une religion du Livre : nous sommes la religion de Jésus-Christ. Notre évangile le dit très clairement : Jésus, ayant lu un passage du prophète Isaïe qui proclame : « L’Esprit du Seigneur est sur moi … » conclut : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture … » En effet, l’Esprit du Seigneur est sur Jésus ; depuis son baptême que nous avons célébré il y a quinze jours, nous avons entendu : « L’Esprit Saint…comme une colombe, descendit sur Jésus … »
Jeudi dernier, auprès de parents venus pour préparer le baptême de leur enfant, j’ai insisté sur ce qu’est notre foi chrétienne. Notre foi n’est pas d’abord une morale, même si une morale est évidemment nécessaire. Notre religion n’est pas fondée sur les dogmes, même si les dogmes sont indispensables pour nous aider à comprendre la foi. Notre religion n’est pas une religion du Livre, même si la Bible est incontournable. Notre religion est relation avec une personne vivante : Jésus, fils du Père, revêtu d’Esprit.
Si donc, suivant le souhait du Pape, ce dimanche de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens est le dimanche de la Parole, c’est pour attirer notre attention sur le fait que la Bible est, avec les sacrements et la vie de charité, le meilleur moyen de connaître et d’aimer le Christ, mort et ressuscité pour tous les hommes.
Cette réalité d’une Parole vivante, d’une Parole qui prend chair, est un héritage du peuple d’Israël. La première lecture en est un témoignage. Le livre de Néhémie, très peu lu au cours de nos messes dominicales, évoque le retour des juifs à Jérusalem après un exil d’environ 70 ans à Babylone. Ces juifs libérés de Babylone, comme leurs ancêtres libérés d’Egypte, retrouvent un pays et une ville en ruines. Ils n’ont plus rien, mais ils acceptent de s’appuyer sur leur foi en la Parole de Dieu ; à partir d’elle, ils vont peu à peu reconstruire leur pays, leur nation et le culte rendu à Dieu.
Soyons attentifs à la dernière phrase de notre lecture, une phrase extraordinaire. Le prêtre Esdras, s’adressant à l’assemblée des rescapés de Babylone, après leur avoir lu la Loi, leur dit : « Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! » Imaginez la situation. Ces juifs, hommes, femmes, enfants, sont revenus dans une ville en ruines. Le Temple est détruit. Le siège de la Royauté héritée de David n’existe plus. Même les remparts sont détruits. Les juifs qui sont rassemblés sur la place de la Porte des Eaux ne sont plus qu’une poignée ; et, sans rempart, ils sont à la merci de leurs adversaires qui, dans les mois qui viennent, vont les harceler. Et voilà qu’Esdras a le cran, le courage, le panache de leur dire : « La joie du Seigneur est votre rempart. » Je me suis demandé, en lisant ce passage, si j’aurais eu le courage de vous dire, au milieu de nos difficultés de santé, face aux incertitudes politiques qui s’approchent : « Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre protection. » Naïveté ? Légèreté ? Inconséquence ?
Et pourtant, c’est Esdras qui a raison : l’histoire a montré que la foi de ces rescapés a porté du fruit. Nous, l’Eglise du Christ, sommes le fruit de la foi de ces hommes et de ces femmes qui ont cru dans le Seigneur alors qu’humainement parlant ils avaient tout perdu. Tout, sauf leur foi en une Parole vivante et efficace.
Jésus lit le prophète Isaïe :
« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres… »
A la fin de sa lecture, Jésus referme le livre.
Ce qui est ouvert maintenant, ce n’est plus le livre ; c’est Lui, Jésus, qui accomplit ce que le Livre annonçait.
Jésus, Parole vivante de Dieu, est définitivement ouvert pour notre salut, lui qui est notre joie et notre vrai rempart, lui qui est mort et ressuscité pour tous les hommes.