Is 62,1-5 Ps 95 1Co 12,4-11 Jn 2,1-11
Ce premier dimanche aux couleurs de l’espérance, nous offre la troisième manifestation de la personnalité de Jésus. Vous savez que le mot « manifestation » traduit le mot grec épiphanie. Lors de l’Epiphanie des Mages, Jésus est manifesté comme Dieu pour toutes les nations. Lors de son Baptême, que nous avons célébré dimanche dernier, Jésus est manifesté comme le Fils bien-aimé du Père, le Fils sur lequel repose l’Esprit Saint.
Aujourd’hui, au tout début de sa vie publique, « il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui » : c’est la conclusion magnifique de notre passage.
Trois manifestations : il y en a bien d’autres, ne seraient-ce que tous les miracles de Jésus, sa Transfiguration et, surtout, sa Passion et sa Résurrection. Toute sa vie humaine, depuis la naissance jusqu’à la Résurrection, est une manifestation de ce qu’il est en profondeur. Et c’est pourquoi, la question principale que se posent souvent les disciples et bien d’autres est celle-ci : « Qui est-il, celui-là ? »
C’est dans cette optique-là qu’il est bon de lire attentivement ce passage appelé improprement « noces de Cana ». Certes, il y eut des noces à Cana ; la mère de Jésus était là, et Jésus avait été invité avec ses disciples. Mais, ce qui est central, ce ne sont pas les noces elles-mêmes ; ce qui est central, c’est ce que Jésus accepte de faire à la demande de sa mère. Nous devrions nommer ce passage : « Le premier signe de Jésus », ce serait plus exact. Je suis toujours un peu ennuyé lorsque des fiancés choisissent ce passage pour leur mariage. Les noces sont au second plan, à tel point que la mariée n’est même pas évoquée. Pourquoi ? Ce ne peut être par mépris de Jésus.
Il est toujours intéressant de relever, dans les évangiles, les personnages dont on ne connaît pas le nom. C’est le cas, par exemple, des disciples d’Emmaüs : on connaît le nom du premier – Cléophas – mais on ignore le nom du second. C’est la possibilité, quand on lit et médite ce passage, de s’identifier à celui qui n’a pas de nom : celui-là peut me représenter.
Ici, pas de mariée, du moins pas dans le texte, car on suppose à juste titre qu’elle est présente. Mais si elle n’est pas nommée, qui peut-elle être ? Si Jésus est venu à ce mariage, est-ce pour sanctifier tous les mariages ? C’est possible, mais, cependant, ce n’est pas à cette occasion qu’il parle du mariage. Vous connaissez certainement par cœur les mots de Jésus sur le mariage, tant ils sont cités dans beaucoup de célébrations de mariage : « Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »On trouve cette phrase au chapitre 19 de St Matthieu, et au chapitre 10 de St Marc.
Non, Jésus ne parle pas de la valeur du mariage durant les noces de Cana ; et pourtant, ce n’est pas un hasard si, pour la première fois, il manifeste sa gloire dans le contexte d’un mariage. Il ne bénit pas une union : il change l’eau en vin. Son premier signe est un signe eucharistique. Et l’union dont il est question va bien au-delà de l’union de ces deux jeunes gens. C’est l’union que le prophète Isaïe a chanté et qui nous est donnée dans la première lecture. Du peuple d’Israël, il est dit : « …le Seigneur t’a préférée, et cette terre deviendra « L’Epousée ». Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. »
Si Dieu est l’Epoux d’Israël, combien plus, à travers Jésus est-il le véritable époux de l’Eglise en attendant de le devenir de l’humanité entière. Oui, notre passage parle bien de noces, mais des noces entre Jésus et son Eglise.Jean-Baptiste, qui nous a accompagnés durant le temps de l’Avent, évoque Jésus comme un Epoux quand il dit : « Je ne suis pas le Christ … Celui qui a l’épouse – c’est-à-dire l’Eglise – est l’époux. » (Jn 3,29)
Si le Christ est vraiment l’Epoux, l’eucharistie au cours de laquelle il nous offre son corps et son sang – comme un époux s’offre à son épouse – l’eucharistie est semblable à un mariage au cours duquel il s’offre à l’Eglise entière, et à chacun de nous. Nous sommes si habitués aux mots que nous n’y prêtons pas suffisamment attention : dans le mot communion, il y a le mot union, un mot que nous utilisons pour parler d’un mariage.
Au cours de la messe, se réalise entre le Ressuscité et son Eglise entière, ainsi qu’entre lui et chacun de nous, une véritable union. Lorsque nous communions, ce n’est pas seulement notre devoir dominical que nous accomplissons : c’est un « Oui » que nous donnons à celui qui nous aime, comme lors d’un mariage. En réponse, notre Epoux nous aime jusqu’à faire de chacun de nous, et de nous tous ensemble, « une couronne brillante dans la main du Seigneur, un diadème royal entre les doigts de ton Dieu. » Voilà ce qu’est l’Eglise pour le Christ ; voilà ce que chacun des membres de l’Eglise est pour le Christ. Voilà notre dignité.
Chaque messe a la valeur et la dignité d’un mariage.
Que l’Esprit Saint, dont Paul parle si bien aux chrétiens de Corinthe, que l’Esprit Saint augmente et fortifie en nous, comme dans toute son Eglise, la grâce de la fidélité au Christ. Et la dernière oraison de cette messe me fera dire tout à l’heure : « Répands en nous, Seigneur, ton esprit de charité, afin d’unir dans un même amour ceux que tu as nourris du même pain du ciel. »