Homelie du 2 avril 2023    Dimanche des Rameaux   Année A

 

Isaïe  50, 4-7     Psaume 21     Ph 2,6-11     Mt 24,14 – 27,66

Par le Père Jean Paul Cazes

Nous sommes venus, ce matin, avec nos soucis, nos problèmes, nos peurs et nos questions. Nous sommes venus trouver un peu de réconfort, et nous avons raison.

Le Dieu que nous acclamons avec nos rameaux n’est pas un Dieu de colère mais de miséricorde. Il n’est pas un Dieu de vengeance, mais de pardon. Il n’est pas du côté de la mort mais de la vie.

Si quelqu’un d’entre nous pense venir adorer Jupiter, il se trompe : qu’il change son regard, qu’il se convertisse. Si quelqu’un d’entre nous a peur de Dieu, il se trompe : qu’il change son regard, qu’il se convertisse.

Nous sommes venus chercher des rameaux. C’est une bonne chose ; ils vont nous accompagner durant toute une année en étant accrochés à un crucifix, ou à une image, ou au-dessus d’une porte. Ils seront là non pas parce qu’ils portent bonheur car, par eux-mêmes, ils ne peuvent rien ; ce ne sont même pas des plantes médicinales. Par contre, ils seront là pour nous rappeler en quel Dieu nous croyons. Ils seront là pour nous rappeler que Dieu, par Jésus-Christ, se donne à nous. Jésus-Christ fait toujours le premier pas : il vient toujours vers nous, il se donne à chacun de nous, il donne sa vie, il donne sa présence. En réponse, il attend de nous que nous agissions de la même manière entre nous. Il attend que nous acceptions de nous pardonner, de nous respecter, de nous entraider. En un mot : de nous aimer. Non pas en nous embrassant d’une manière superficielle, mais en donnant notre vie les uns pour les autres.

Surtout, si vous n’êtes pas d’accord – et c’est votre droit – ne prenez pas de rameaux ; leur présence muette vous rappellerait trop le Dieu d’amour et de pardon auquel nous sommes tous appelés à nous convertir.

Mais, si vous êtes venus ce matin en espérant trouver un peu de réconfort au milieu de vos soucis, de vos problèmes, de vos peurs et de vos questions, alors, partez en paix avec vos rameaux, et que le Dieu de miséricorde vous accompagne tout au long de l’année.

Homélie du 26 février 2023    1er dimanche de Carême   Année A

Genèse 2,7-9 ; 3,1-7a     Ps 50    Romains 5,12-19     Matthieu 4,1-11

par le Père Jean Paul Cazes 

Quarante jour pour nous tourner vers Dieu ! C’est beaucoup et peu à la fois.

Quarante jours pour l’accueillir, Lui, et l’accepter comme le pivot de notre vie !

Bien sûr, il a une place dans notre vie, dans la vôtre comme dans la mienne. Mais le problème est bien là : on lui donne sa place, petite ou grande ; mais, en dehors de cette place, on fait tout sans lui. Un peu comme ceux qui viendraient, honnêtement, à la messe et qui, la messe terminée, vivraient leur vie sans aucun lien avec l’évangile.

Alors, quarante jours nous sont offerts pour nous permettre de découvrir que sans le Seigneur notre vie serait totalement différente. Je précise tout de suite ce que j’entends par « différente » en prenant un exemple que je pense vous avoir déjà donné. Un fiancé m’a dit un jour : Nous nous aimons, ma fiancée et moi. Avant, j’allais au travail, je payais mes impôts, je faisais du sport ; aujourd’hui, je vais au travail, je paye mes impôts, je fais du sport : rien n’est changé mais tout est différent.

C’est de cette différence-là dont je veux parler.

Croire dans le Seigneur Jésus-Christ, ne changera pas nos impôts, nos problèmes financiers, nos difficultés de santé, notre appréciation de l’action gouvernementale, notre anxiété face à la guerre en Ukraine... Notre foi ne changera pas cela, mais elle nous fait regarder tout cela d’une manière différente. Il ne s’agit pas de donner au Seigneur une place déterminée au milieu de nos activités, une place en dehors de laquelle il n’aurait, pour ainsi dire, pas moyen de sortir. Il s’agit par contre de colorer toutes nos activités avec le Seigneur, comme, au Moyen-Age, un chevalier se revêtait des couleurs de sa dame. La conversion n’est pas fondamentalement une question de quantité (dire plus de prières, aller plus souvent à la messe, donner plus aux mouvements caritatifs, même si toutes ces choses sont excellentes) ; c’est une question de coloration de toute notre vie. Ne rien changer, mais tout transformer, tout transfigurer.

Au bout de quarante jours, le Christ avait faim et soif, première tentation : il est vraiment un être humain, soumis aux exigences de la vie biologique, comme nous. Il a senti, comme nous, seconde tentation, le besoin d’être reconnu : n’est-ce pas pour nous sauver qu’il a partagé notre existence ? Il a senti aussi, troisième tentation, que le pouvoir lui était nécessaire, comme à nous, pour accomplir son œuvre.

Les besoins qu’il a ressentis sont les nôtres. Nous avons faim de pain, qu’il soit matériel ou spirituel ; nous avons faim de reconnaissance dans nos engagements comme dans notre propre famille; et, sans vouloir devenir chefs d’état, nous avons besoin d’un minimum de pouvoir pour accomplir notre devoir d’état. Tout cela, nous pouvons le vivre comme n’importe quel homme à peu près civilisé ; nous pouvons aussi le vivre comme un chrétien.

La tentation de Jésus a été d’employer pour lui-même la puissance qu’il a reçue pour nous. Or, il n’est pas venu dans ce monde pour se servir lui-même, mais pour nous servir et servir son Père. Alors, tous ses besoins de faim, de reconnaissance et de pouvoir, au lieu de les tourner vers lui, il les a tournés vers son Père. C’est ainsi que se termine la troisième tentation : « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »

Ne rien changer dans notre vie (sauf ce qui est contraire à l’évangile, évidemment), mais tout orienter vers le Père, dans l’Esprit de Jésus.

Tout transfigurer, tout orienter : c’est la description même d’une conversion qui exige un combat perpétuel.

 

Je vous laisse sur une citation de St Augustin que j’ai lue ce matin dans le bréviaire : « (Jésus) pouvait écarter de lui le diable ; mais s’il n’avait pas été tenté, il ne t’aurait pas enseigné, à toi qui dois être soumis à la tentation, comment on remporte la victoire. »

 

 

Homélie du 12 février 2023    6ème dimanche ordinaire    Année A

Ben Sira  15,15-20     Ps 118     1 Co 2,6-10     Mt 5,17-37 (lecture brève)

Par le Père Jean Paul Cazes

Notre Parlement se prépare à modifier – en bien ou en mal – toute une série de lois de grande importance : loi sur les retraites, loi sur l’immigration, loi sur la fin de vie, inscription ou non dans la Constitution d’une liberté laissée aux femmes d’avorter. L’ensemble de nos lois modèle la société française et nous donne, normalement, les éléments qui nous permettent de vivre ensemble sans nous entre-déchirer. On sent bien qu’il est nécessaire de promulguer des lois même si on a le droit de ne pas être d’accord avec telle ou telle loi. Ce qui est vrai pour la société civile est-il vrai pour la société Eglise ?

En d’autres termes, et pour être bref, la miséricorde dont Jésus est le messager et l’acteur peut-elle se passer de lois ? Dans les cas le plus souvent très délicats et douloureux de mésentente familiale, on trouve les lois de l’Eglise en ce qui concerne le remariage et l’impossibilité à recevoir les sacrements. Dans les cas de morale sexuelle, on trouve les lois de l’Eglise en ce qui concerne la difficulté à recevoir les sacrements. Moi qui accompagne le catéchuménat de notre paroisse, je rencontre des personnes qui souhaitent ardemment recevoir le baptême mais dont le style de vie est délicat. Faut-il alors passer au-delà de ces situations et ne tenir compte que du désir de ces personnes à recevoir le baptême ?

Ou autre manière de dire : l’Eglise est-elle du côté des lois, et Jésus du côté de la miséricorde ? Est-ce que les lois et la miséricorde sont opposées ? Est-ce que l’Eglise dénature le message de Jésus en imposant des lois ?

D’une certaine manière, le désir qu’il n’y ait plus de lois, ni dans la société civile, ni dans l’Eglise, vient du désir d’une société harmonieuse, ou toute personne serait intégralement respectée, ou la force serait une servante et non un levier pour écraser autrui Cette société-là est le désir même de Dieu : elle est racontée de manière symbolique dans les récits de la Création avant le premier péché ; elle est promise sous la description de la Jérusalem d’en haut qui nous est donnée dans le livre de l’Apocalypse. Une société d’amour et de respect, où la justice sera pleinement vécue sans lois.

Une justice sans lois : ici-bas, pour l’Eglise comme pour la société, il semble que ce ne soit pas possible. Notre nature humaine est trop marquée par les limites et par le péché pour que nous puissions nous passer de lois. Pour l’Eglise, le problème n’est pas d’ignorer les lois, mais de les conformer sans cesse à la pensée et aux gestes de Jésus. Jésus qui n’est pas seulement le messager de la miséricorde, mais qui est la miséricorde faite chair, ne se détourne jamais de la nécessité de la loi. Le double amour qu’il nous donne – l’amour pour Dieu et l’amour pour le prochain – est présenté par lui comme une loi fondamentale. Ce qui signifie que lui-même n’oppose pas miséricorde et loi puisque ce double amour est une loi.

Je vous ai fait grâce de la lecture complète de l’évangile puisque j’en ai seulement retenu la lecture brève. Dans le verset 17 – que je n’ai donc pas lu – Jésus affirme : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » Et, ce qui est étonnant, c’est qu’à chaque fois, il a l’air de durcir la Loi de Moïse : « Vous avez appris …Eh bien moi je vous dis… » Et il va jusqu’à affirmer : « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. »

Alors, comment nous, chrétiens, dans nos rapports entre nous, dans nos questions de mariage, de vie sexuelle, de justice, de respect de la vie et de tant et tant de questions vitales, devons-nous être encore plus durs que les scribes et les pharisiens ? En ce cas, comment penser la miséricorde ?

Si la miséricorde de Jésus inclut la compréhension, la tendresse, l’écoute, elle s’adresse aux personnes, pas aux actes ; la dureté de Jésus vise les actes, pas la personne. En accueillant la femme adultère, il relève la personne, mais réprouve son adultère et lui demande de ne plus pécher. En demeurant chez Zachée, il restaure sa dignité de fils d’Abraham mais l’aide à changer de vie. La Loi de Moïse, que Jésus n’est pas venu détruire mais mener à son accomplissement – à son épanouissement n’est pas là pour brimer notre liberté ou pour empêcher la miséricorde. Elle est là comme un chemin de choix entre l’eau et le feu, entre la vie et la mort, comme le dit Ben Sira le Sage qui ne fait que reprendre les paroles magnifiques de Moïse dans le livre du Deutéronome : « Vois : je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur, moi qui te commande aujourd’hui d’aimer le Seigneur ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes. Ainsi tu vivras … et le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays où tu entres pour en prendre possession. » (Dt 30,15-16) Ce pays, c’est bien autre chose que la terre d’Israël : c’est le Royaume de Dieu. Miséricorde et lois sont faits pour faciliter notre accession au Royaume.

 

Il n’est jamais facile, que ce soit pour l’Eglise en général, ou pour chacun de nous en particulier, de lier avec justesse, à la suite du Christ, la miséricorde et les lois ; mais c’est le seul chemin qui nous soit possible avec l’aide de l’Esprit Saint. Pour rester fidèles au Christ, c’est le chemin ardu qu’il faut suivre en Eglise selon la belle phrase de Ben Sira : « Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle. »

 

 

 

 

 

 

Homélie du 29 janvier 2023   4ème dimanche  temps ordinaire   Année A

So 2,3 ; 3,12-13     Ps 145     1 Co 1,26-31     Mt 5,1-12a

Par le Père Jean Paul Cazes

Il y a une bonne douzaine d’années, en quittant Rueil, j’ai vécu 10 mois au milieu de personnes souffrant d’un handicap, dans un des foyers de l’Arche, près de Saumur, en pleine campagne. Là, j’ai commencé à apprendre la sagesse des pauvres, la sagesse de ceux qui ne sont ni puissants, ni de haute naissance. J’ai appris, avec eux, à chanter les paroles de Paul : « Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi. Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi. »

Pour chanter cela en vérité, il m’a fallu vivre un lent mouvement de conversion, conversion qui n’est d’ailleurs pas achevée. Deux paroles bibliques ont marqué mon chemin. La première m’a été donnée par le psaume 138 qui dit : « C’est toi… qui m’a tissé dans le sein de ma mère. Je reconnais devant toi …l’être étonnant que je suis. ». Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais je sais que j’ai du mal à me reconnaître comme un être étonnant, même pour le Seigneur ; c’est probablement de la fausse humilité. Voilà que, depuis 3 ou 4 mois, je partageais la vie d’une trentaine de personnes souffrant de handicaps mentaux et physiques divers. Je les voyais avec leurs visages déformés, leurs gestes malhabiles, leurs difficultés à parler, leurs raisonnements simplistes. Je commençais à connaître les peurs de celui-là, les blessures d’une autre, les raisons du mutisme d’un troisième. Et le psaume me disait : « Je reconnais devant toi l’être étonnant que je suis. »  Vraiment, ces personnes : étonnantes ? Il m’a fallu du temps pour l’admettre. Et je ne l’ai admis que parce que c’est devant le Seigneur que ces êtres sont étonnants ; moi, j’avais plus de mal que le Seigneur. Mais, je commençais à être apprivoisé. Il faut du temps pour être apprivoisé, dit le renard au Petit Prince. Il faut du temps pour accepter d’être cœur à cœur avec de telles personnes. C’est comme un nouveau langage à apprendre :  celui du cœur. Il devrait être naturel, mais il ne l’est pas. Il a fallu que je l’apprenne au milieu d’eux. Un langage fait de gestes simples et de sourires. Un langage où la foi aussi est toute simple ; j’ai reçu des confessions magnifiques ; j’ai célébré deux baptêmes extraordinaires ainsi que des premières communions remplies de joie. Je parle là de personnes adultes, pas d’enfants. Oui, je vivais au milieu d’êtres étonnants.

Et pourtant, il a fallu que je franchisse une autre marche de conversion, grâce encore, là aussi, à la Bible. Un jour, dans la lettre que Paul écrit aux chrétiens de Philippe, j’ai lu ceci : « avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous. » (Ph 2, 3) Je me suis battu avec cette phrase des mois durant. Comment reconnaître, non seulement avec humilité, mais en vérité, que ces personnes étaient supérieures à moi ? Moi, j’ai été éduqué par mon père dans le culte de l’intelligence, l’intelligence rationnelle, celle qui avance dans la résolution de problèmes et la mise en œuvre de solutions techniques.

Je me refusais à redire le verset des Philippiens comme un perroquet. Je voulais pouvoir le dire en vérité, mais je n’y parvenais pas.

Il a fallu que l’Esprit Saint s’en mêle. J’ai été invité à partir avec une quinzaine de personnes handicapées vivre une retraite de trois jours dans un monastère près de Bordeaux. Je n’animais pas cette retraite, j’y étais présent seulement pour la vivre avec toutes ces personnes et dire la messe pour elles. J’y ai vécu des expériences extraordinaires, par le langage des gestes et par le regard. Et un jour où j’étais seul dans ma cellule, en train de repasser en moi ce que je vivais par cette retraite, j’ai vu clair, et cette lumière ne m’a pas quitté depuis. J’ai compris quelque chose de tout simple : j’ai compris que nous étions tous supérieurs les uns aux autres, et que cette supériorité n’était pas là pour écraser les autres mais pour servir. La supériorité des personnes au milieu desquelles j’avais le bonheur de vivre était celle du cœur, cette fraîcheur qui ne juge pas, cette spontanéité qui sait accueillir. Je vivais au milieu des Béatitudes, mais il m’a fallu un long temps, et une bonne dose d’Esprit Saint pour le découvrir.

Je précise : ce n’est pas parce que ces personnes souffrent d’un handicap qu’elles sont parfaites. Comme tout le monde, elles ont besoin de conversion car, comme tout le monde, elles ont des défauts et commettent des péchés. Mais Jean Vanier leur répétait souvent qu’il y a en chacune d’elles une vraie beauté : la beauté des « pauvres de cœur », la beauté des « humbles du pays ». Cette beauté est en chacun de nous, souvent recouverte par de fausses supériorités.

Je souhaite et j’espère que notre prochain Carême soit le moment privilégié pour redécouvrir cette beauté intérieure à la suite de Jésus, doux et humble de cœur.

 

 

Marche de Saint-Joseph 2022

(Les informations sur la prochaine Marche de Saint-Joseph (chapitre Saint-Pierre-Saint-Paul de Courbevoie) sont sur cette page.)

Le chapitre de la paroisse Saint-Pierre-Saint-Paul de Courbevoie a réuni 20 participants lors de l’édition 2022 de la Marche de Saint-Joseph. Quelques photos:

Au parc de Bagatelle :

À Saint-Augustin :

Devant et à la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre :

 

Quelques photos de l’édition 2019 sur cette page.

Homélie du 24 décembre 2022     NOËL   

 Par le Père Jean Paul Cazes

Pour composer cette homélie, je me suis demandé ce que j’aimerais qu’on me dise si j’allais, incognito, à la messe de Noël.

Je sais tout ce qu’il faut savoir au sujet de Noël : le recensement, la grotte de Bethléem, la crèche, les bergers, Marie et Joseph, les anges, l’âne et le bœuf. Je sais trop de choses, ce qui m’empêche de m’émerveiller comme si c’était mon premier Noël.

De plus, les nouvelles sont inquiétantes, le présent difficile et l’avenir morose. Fêter Noël relève un peu de l’exploit, ou de la méthode koué : se dire heureux pour essayer de l’être, se souhaiter la paix en espérant que la guerre ne s’étendra pas, s’embrasser – mais de loin puisque certains trains ne roulent pas …Certes, les décorations sont accrochées aux sapins, les cadeaux achetés ; on les ouvrira tout à l’heure ou demain, et les enfants auront le regard que nous devrions tous avoir en adorant Jésus qui vient de naître. Car, s’il est né il y a deux mille ans, il naît à chaque instant dans le cœur de celui qui veut bien l’accueillir. Ce que nous fêtons ce soir n’est pas un simple souvenir : par la foi, nous chantons notre Dieu qui ne cesse de venir jusqu’à nous si, encore une fois, nous voulons bien l’accueillir.

Et pour l’accueillir, pourquoi ne pas être un peu poète ? Je sais que la poésie n’est pas le mode d’expression préféré des français. Nous sommes trop réalistes, et il faut bien l’être en ces temps où les prix flambent alors que le pouvoir d’achat diminue. Mais la vraie poésie n’est pas faite pour nous évader du monde tel qu’il est ; son rôle est de nous aider à voir ce que les chiffres sont incapables de nous montrer. La poésie ne consiste pas à écrire des vers mais elle est un regard qui vient d’une qualité de l’âme, un regard porté sur la vie. Et qu’est-ce que nous offre l’Evangile sinon le regard de Dieu lui-même à travers les yeux de l’Enfant qui vient de naître ? Dieu est le premier des poètes .

La poésie, ce soir, pourrait consister à nous identifier à l’un des personnages de la crèche.

Serions-nous Marie ? Pourquoi pas ? Lorsque nous communierons tout à l’heure, nous porterons vraiment Jésus en nous, comme Marie. Si nous ne croyons pas que Jésus est vraiment présent par le pain et le vin consacrés, ce n’est pas la peine de communier. Mais si nous croyons à sa vraie présence, alors, nous le portons en nous comme Marie.

Ou bien serions-nous comme Joseph ? Il y a quelques années, le Pape a écrit un très beau texte au sujet de Joseph, époux, père, travailleur, juste, éducateur. Il est vénéré comme protecteur de Marie et de Jésus, mais aussi comme protecteur de l’Eglise qui en a vraiment besoin en ce moment. Ne pouvons-nous pas nous identifier à l’un des aspects de la personne de Joseph ?

Ou bien serions-nous comme les bergers ? Ce sont des pauvres ; ils n’ont rien à offrir ; peut-être ont-ils apporté un agneau, un peu de laine, un peu de lait de brebis, mais c’est bien tout. Ils n’ont presque rien à offrir, mais ils sont présents. Si nous connaissons des personnes malades, nous savons combien est précieuse notre présence auprès d’elles. Ne rien offrir, ne rien dire, mais être là. Ne sommes-nous pas les bergers de ce soir ? Ils ont été les premiers à parvenir auprès de Jésus.

Je ne dirai rien de l’âne et du bœuf, mais que de belles choses on peut dire d’eux : la chaleur de leur présence, leur humble utilité. Personne n’est inutile autour de Jésus.

On pourrait parler des anges aussi, eux qui sont comme des ambassadeurs du Seigneur, eux qui le chantent. Mais je terminerai non pas par une personne, mais par une chose. Je terminerai par la mangeoire. Marie a déposé son fils dans une mangeoire. Une mangeoire en pierre ou en bois ? Je l’ignore. Mais une sorte de récipient rempli de paille pour la nourriture des animaux. Pas un de ces berceaux comme celui du Roi de Rome, ou celui d’Henri IV au château de Pau. Pas un berceau pour régner comme les puissants, mais un berceau pour être mangé, un berceau pour nourrir les pauvres. Et si nous étions ce berceau ce soir ? Si c’est en nous que Marie voulait déposer son fils pour l’offrir en nourriture au monde entier ? Et si cela était, qui d’entre nous oserait le refuser ?

 

Gloire à Dieu, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime !

Homélie du 4 décembre 2022   2ème dimanche de l’Avent   Année A

Is 11,1-10     Ps 71(72)     Ro 15,4-9     Mt 3,1-12

Par le père Jean Paul Cazes

            Une bonne manière de lire une page de l’Ecriture sainte est de chercher quelle est la Bonne Nouvelle qui s’y trouve. L’Ecriture sainte entière est une Bonne nouvelle ; chaque page en contient un aspect.

            Une autre manière de lire une page de l’Ecriture sainte, une manière plus scolaire, est de repérer les mots qui reviennent le plus souvent. Dans notre évangile de ce jour, c’est le mot conversion. Il revient trois fois sous des formes différentes : « Convertissez-vous car le Royaume des cieux est tout proche ! …Produisez donc un fruit qui exprime votre conversion …je vous baptise dans l’eau pour vous mener à la conversion… » 

            D’autres images, ou d‘autres mots viennent appuyer ce mot. Par exemple : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route …(ils reconnaissaient) leurs péchés …Produisez donc un fruit … il va nettoyer son aire à battre le blé. »

            Depuis plusieurs jours, la neige a commencé de tomber sur les sommets. Les skieurs doivent se réjouir à la pensée de belles descentes et de belles conversions. Quand j’étais gamin, j’étais un piètre skieur (et je le suis encore) mais j’avais quand même appris le mouvement de conversion ; ce n’est pas de cette conversion dont il s’agit dans notre évangile, mais elle lui est apparentée, puisqu’il s’agit d’un retournement..

            Il y a environ deux ans, j’ai eu la grande joie de baptiser un ami musulman. Accueilli par une communauté chrétienne chaleureuse, il a été conquis par la personnalité de Jésus. Il a changé de religion ; mais ce n’est pas non plus de cette conversion dont il s’agit dans notre évangile.

            Et pourtant, il s’agit bien de conversion. Telle qu’elle est évoquée ici, cette conversion est une démarche en deux temps. Premier temps : reconnaître ses péchés ; « ils se faisaient baptiser par lui …en reconnaissant leurs péchés. » Second temps : exprimer par un changement de vie la grâce reçue : « Produisez donc un fruit qui exprime votre conversion. »

            Dans le chemin spirituel de l’Avent, où en sommes-nous de cette conversion ? Où en sommes-nous dans notre désir de reconnaître nos péchés par le sacrement du pardon ? Où en sommes-nous dans notre volonté d’améliorer quelque chose dans notre vie ? Peut-être nulle part encore, tant nous sommes submergés par les problèmes du quotidien, alors que le temps s’avance et que Noël s’approche.

            Mais pourquoi reconnaître nos péchés, pourquoi vouloir améliorer quelque chose dans notre vie ? Est-ce pour être en règle avec les commandements de l’Eglise, et en paix avec notre conscience  ? Ce serait déjà une bonne chose, mais bien insuffisante. La vraie conversion, pour nous qui sommes déjà pleinement baptisés, non pas par Jean-Baptiste, mais par le Christ, la vraie conversion ne peut nous habiter que si nous sommes conquis par Jésus. Nous confesser et produire une bonne œuvre, ce n’est pas pour répondre à un règlement, c’est pour nous précipiter dans les bras du Seigneur. Dimanche dernier, l’extrait de la lettre de St Paul aux chrétiens de Rome se terminait par l’image d’un vêtement : « Revêtez le Seigneur Jésus-Christ » écrivait l’Apôtre.

            Au cours de cet Avent, avons-nous le désir d’être enveloppés de Jésus-Christ comme d’un manteau ? Souhaitons-nous être conquis par Jésus comme mon ami musulman l’a été ? Pour prendre une autre image : sommes-nous amoureux du Christ ? Si oui, alors, nous n’aurons pas peur de reconnaître nos péchés, et nous saurons quoi faire pour produire un fruit qui exprimera non pas une petite amélioration, mais bien plus : notre amour du Christ et de nos frères.

Homelie du 27 novembre 2022   1er dimanche de l’Avent    Année A

Is 2,1-5     Ps 121    Ro 13,11-14a     Mt 24,37-44

Par le Père Jean Paul Cazes

Voilà, ça y est, ce n’est pas le beaujolais nouveau qui est arrivé, c’est l’an nouveau. L’heure est venue de sortir de notre sommeil, au cas où nous dormirions dans notre vie spirituelle. Grâce au Christ et à l’Esprit Saint, notre Dieu fait toujours toutes choses nouvelles ; lui, il est toujours jeune alors que nous risquons toujours d’être vieux et endormis. Il n’y a jamais rien de figé pour Dieu, la porte est toujours ouverte, l’avenir toujours possible. Le pardon est toujours offert. L’histoire de notre salut ne s’est pas arrêtée pendant le confinement.

Que la coupe du monde nous instruise. Il y en a parmi vous qui aime le foot, et d’autres pour qui ça ne dit rien. De plus, au sport, se mêlent de graves questions de droits de l’homme qui peuvent détourner nos yeux de la beauté des compétitions. Cependant, il y a, dans ces jeux, des événements qui peuvent nous instruire.

Rien n’est jamais joué, dans notre vie spirituelle, comme dans le foot. Des événements imprévus peuvent nous toucher comme le match gagné par lesSaoudiens, ou le match perdu par les Allemands. Je ne suis pas journaliste sportif, et je suis incapable de donner une opinion sur la valeur sportive de l’équipe de France, y compris sur le match d’hier soir contre les danois. Mais ce qu’elle a vécu lors de son premier match contre l’Australie peut nous inspirer pour notre vie spirituelle. Même si sa préparation a été écourtée par d’autres compétitions, elle s’est préparée, elle a su utiliser son temps pour ne pas arriver désarmée à son premier match. Comment utiliser nos quatre semaines d’Avent pour ne pas arriver à Noël sans nous y être préparés ? Je ne parle pas de l’achat des cadeaux, de la préparation du repas de Noël, des invitations à lancer ; tout cela a son importance. Je parle évidemment de notre préparation spirituelle. Pas de grandes résolutions héroïques qui ne seront jamais tenues, mais des choses toutes simples, possibles, et souhaitables.

Par exemple, dans le domaine de la prière personnelle, ou familiale, que faut-il améliorer ? Lire ou relire l’évangile de chacun des dimanches de l’Avent ? Prier avec les enfants devant le calendrier de l’Avent ou devant la crèche ? Se préparer soi-même par une bonne confession de Noël ? Pour une confession, la lettre de st Paul nous donne des indications : « Conduisons-nous honnêtement comme on le fait en plein jour, sans orgies ni beuveries, sans luxure ni débauches, sans rivalité ni jalousie … » Les orgies, beuveries, luxure et débauches ne nous concernent probablement pas, du moins je l’espère, mais rivalité et jalousie sous toutes leurs formes nous empoisonnent certainement tous.

Dans le domaine des relations familiales et amicales, quel geste accomplir ? Un coup de fil à un parent seul ? Se préparer à donner un pardon longtemps retardé ? Donner un coup de main au Secours catholique ?

Ce qui serait bien, serait que vous et moi ne sortions pas de cette messe sans avoir décidé quoi faire, concrètement, pendant cet Avent pour préparer Noël.

Reprenons notre équipe de France face à l’Australie.

Mauvais début de match ! notre début d’Avent peut être mauvais lui aussi ; on a pris une décision mais les événements de la vie ont fait que cette décision n’a pas été tenue, ou mal tenue. On peut se dire alors : à quoi bon insister ? Et c’est comme ça qu’on arrive à Noël, les cadeaux empaquetés, la poularde bien cuite, la crèche installée, mais les liens avec le Seigneur au plus bas.

L’équipe de France ne s’est pas découragée, elle a relevé la tête et, contre une équipe australienne qui n’était pas sans valeur, elle a su marquer quatre buts. Ce n’était pas sans risque, puisqu’un des joueurs s’est abimé le genou et ne pourra pas jouer les autres matchs de la compétition.

Il n’est pas si facile que ça de cultiver sa vie spirituelle pendant l’Avent ; les risques sont grands d’utiliser notre temps pour préparer uniquement l’aspect matériel de la fête. Il m’arrive souvent de dire aux enfants : si vous préparez la plus belle crèche du monde mais que votre cœur reste sec, Noël ne sera rien. La crèche que Jésus aime, ce n’est pas celle que vous installez sur la cheminée ; c’est votre cœur. Et ce qui est vrai pour les enfants est vrai aussi pour les adultes que nous sommes. Nous avons besoin d’espérance, nous avons besoin que Noël soit autre chose qu’une opération commerciale (ceci étant, je souhaite à nos amis commerçants un chiffre d’affaires satisfaisant ; mais à eux aussi, je dis que Noël est autre chose qu’un tiroir-caisse bien rempli). De quel Noël avons-nous besoin pour ne pas perdre l’espérance ? C’est celui-là que nous devons préparer, il ne faut pas se tromper de préparation, il est urgent de bien utiliser notre temps de l’Avent. En Jésus-Christ, Dieu nous ouvre l’avenir.

 

Pour terminer, je vais reprendre la belle image sur laquelle la lettre de st Paul se termine aujourd’hui. L’Apôtre dit aux chrétiens de Rome : « Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ. » Paul compare le Christ a un vêtement, comme celui qui est donné lors du baptême. L’Avent nous est donné pour que nous puissions entrer dans la protection et la chaleur de ce vêtement. L’Avent nous est donné pour que nous sentions combien il est bon de nous laisser protéger par Jésus. Encore faut-il que nous ayons l’humilité de l’accepter.

Nous avons quatre semaines pour entrer peu à peu sous le vêtement du Christ.