Par le père Jean Paul Cazes
Ac 5,27b-32+40b-41 Ps 29 Apo 5,11-14 Jn 21,1-19
Vous savez tous que nous sommes dans le temps pascal, ce temps de 49 jours qui se conclut par la fête de la Pentecôte. 49 jours, c’est à dire 7 fois sept jours, sept fois une semaine. Vous connaissez aussi la symbolique du chiffre sept dans la Bible : il signifie la plénitude. Donc, la liturgie nous offre, dans ces sept semaines, une image de la plénitude des temps. En effet, les temps sont accomplis grâce à la Résurrection du Christ, notre Seigneur. Dans ce temps pascal, dans ces sept fois sept jours, nous vivons, par anticipation et dans la foi, la vie pleine et entière qui nous est promise auprès de Dieu.
Je vous dis cela pour essayer de bien mesurer l’importance du temps pascal par rapport au carême. Chaque année, quand le carême s’approche, nous nous demandons tous comment nous allons le vivre, quels efforts nous allons essayer de mettre en œuvre pour nous préparer à fêter Pâques. Et chaque année, nombreux sont celles et ceux qui se reprochentd’avoir laissé filer le temps sans mettre en œuvre ce qu’ils s’étaient promis de faire. En disant cela, il est évident que je ne critique personne ; je veux seulement souligner le poids spirituel et psychologique du carême. Chaque année, nous voulons mieux faire. Nous condensons notre vie spirituelle sur ces 40 jours. Dès que Pâques arrive, il y a chez beaucoup, pour ne pas dire chez nous tous, une sorte de détente. Comme si, en arrière de notre tête, nous nous disions : le temps de l’effort est passé, il est derrière nous ; soufflons un peu ! Et le temps pascal se déroule calmement, marqué par les beaux jours et l’espoir du temps de vacances qui s’approche.
Nous ressemblons à des gens qui se préparent à recevoir un trésor chez eux et qui balaient leur maison mais qui, ayant reçu ce trésor, le range soigneusement dans un coin du salon sans en tirer le moindre profit. Ou, pour prendre une image plus contemporaine, nous sommes comme celles et ceux qui se sont battus pour obtenir une bonne retraite mais qui restent ensuite dans leur fauteuil alors qu’ils ont la santé et les moyens d’accomplir des choses intéressantes.
Dans notre tête et dans notre pratique, le carême a une bien plus grande importance que le temps pascal. Or, je pense que c’est le contraire. Je ne veux pas amoindrir le carême : par contre, je souhaite que nous acceptions de rendre au temps pascal son importance centrale. Le carême n’est qu’un temps de préparation ; le temps pascal est un temps d’accomplissement et de plénitude. L’auteur de la lettre aux Hébreux écrit que nous sommes dans la « période finale » (Hbx 1,2); il veut dire par là non pas que la fin du monde est pour aujourd’hui, mais que les temps sont accomplis puisque le Messie attendu depuis si longtemps est enfin venu. Les dimanches du temps pascal sont illuminés par les récits de la résurrection et le rappel des points fondamentaux de la vie chrétienne. Ce pour quoi nous avons essayé, maladroitement, de nous préparer durant 40 jours, nous est donné dimanche après dimanche tout au long de ces 49 jours. Qu’en faisons-nous ? Si j’en crois mon expérience, je crains que nous n’en fassions pas grand-chose, et que nous nous contentions de posséder le trésor sans ouvrir le coffre.
Mais alors, que faire ? Comment vivre ce tempsdans l’attente du don de l’Esprit le jour de la Pentecôte ? Comment lui rendre son importance, non seulement en y réfléchissant, mais, surtout, dans le concret de notre vie quotidienne ? Comment faire pour que la résurrection du Christ marque notre vie et lui donne une saveur particulière ? Je pourrais donner une liste d’actions à entreprendre, mais chacun est capable d’en faire autant. Et si on a une liste sans avoir une raison de la mettre en œuvre – un déclic, une flamme originelle – la liste restera lettre morte. Alors ?
Alors, que l’évangile de ce jour soit, pour chacun de nous, cette flamme qui met le feu aux poudres, si je puis dire. Que chacun de nous accueille, pour lui-même, le mot que Jésus dit à Pierre : « Suis-moi. » Le temps pascal, c’est cela : la suite du Christ. Chacun de nous a une manière personnelle de suivre le Christ ; et la suite du Christ est autre chose qu’une liste à remplir ; la suite du Christ est une réponse d’amour à un amour offert.
Malgré l’imperfection de notre réponse, dans l’humilité de notre réponse, faisons de ce temps pascal une réponse d’amour à l’amour que le Christ offre à chacun. Et suivons-le !