Homélie du 1er novembre 2025    TOUSSAINT

 

Ap 7,2-4+9-14   Ps 23   1 Jn 3,1-3   Mt 5,1-12a

par le Père Jean Paul Cazes


J’imagine
sans difficulté que beaucoup d’entre nous souhaitent qu’il y ait beaucoup de prêtres. Moi-même, chaque soir, je prie pour les prêtres que je connais tout en souhaitant que des jeunes répondent à cet appel.

Nous voulons des prêtres, mais pourquoi faire ? La réponse semble trèssimple : pour donner les sacrements.

Mais à quoi servent les sacrements ?

Je me souviens d’une rencontre avec des parents qui souhaitaient le baptême pour leur enfant. A la question tout simple : « Pourquoi voulez-vous que votre enfant soit baptisé ? » un papa m’avait répondu : « Pour qu’il soit protégé contre Dieu. »

Si cette réponse m’a chagriné, elle ne m’a pas étonné. Elle vient de très loin, du fond des siècles. Il y a des siècles et des siècles, je dirais même des millénaires, les hommes assimilaient à Dieu les forces de la nature. D’ailleurs on voit cela dans les passages les plus anciens de la Bible. Les forces de la natureétaient divinisées car souvent incontrôlables ; la pauvre Jamaïque vient de subir un terrible ouragan meurtrier. Si donc les forces de la nature étaient Dieu, il fallait s’en protéger ; et Dieu lui-même avait donné des moyens de se protéger de lui : ce sont toutes les incantations magiques qu’on peut trouver chez les religions antiques ou chez les peuples primitifs. Il suffisait alors de bien appliquer ces rites et ces prières magiques pour se mettre à l’abri de la colère divine.

Ces rites magiques ont perduré ; ils existent encore à notre époque, et dans notre pays. Car, sous des aspects chrétiens, beaucoup de nos concitoyens ne sont pas encore christianisés. Beaucoup de nos concitoyens ont peur de Dieu et viennent à l’église, ou demandent un sacrement, ou souhaitent des prières pour se protéger contre Dieu et se servir de lui : « Je te donne une prière, ou je te fais dire une messe, ou je vais en pèlerinage et toi, Dieu, en revanche, tu me donnes telle ou telle chose. » On conçoit Dieu comme une sorte de distributeur automatique, ou comme une immense force contre laquelle il est préférable de se protéger. Voilà à quoi servirait les sacrements, et voilà quel serait le ministère des prêtres.

Là, on fait fausse route !

Si les sacrements sont plus que nécessaires, ce n’est pas pour nous protéger de Dieu, mais, au contraire, nous rapprocher progressivement de Lui. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’Il nous aime, lui qui est notre Père. Jésus est venu pour nous délivrer de la peur de Dieu. Le brave papa dont je vous parlais tout à l’heure se trompait de Dieu ; il croyait en un Dieu tout puissant et terrible ; il n’était pas encore chrétien. Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu dont la toute-puissance consiste à nous aimer. Dieu, tel que Jésus nous en parle, ne sait qu’aimer ; si j’ose dire, il ne sait faire que ça. C’est ce que nous dit st Jean dans notre seconde lecture : « Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. »

Les sacrements nous rapprochent de ce Dieu-là. Les sacrements nous emmènent vers la sainteté qui est la vie même de Dieu. La sainteté ne vient pas de nous, elle vient de Dieu, elle est un cadeau de son amour, elle n’est pas d’abord une perfection morale qui viendrait de nous. Les saints que nous honorons aujourd’hui ne sont pas devenus saints à la force du poignet ; ils ne sont pas devenus saints par leurs seuls mérites ; ils sont devenus saints parce qu’ils ont cru vraiment que Dieu les aime ; et ils ont accepté de répondre à son amour, même de façon maladroite.

La vocation de l’être humain, ce n’est pas de se marier et d’avoir des enfants, même si cela est très bon. La vocation de l’être humain, ce n’est pas d’accéder à un poste supérieur où il sera mieux payé, même si cela est utile. La vocation de l’être humain, ce n’est même pas de devenir religieuse, ou religieux, ou prêtre : la vocation de l’être humain, c’est de devenir un être totalement épanoui grâce à l’amour que lui porte Dieu. En un mot, la vocation de l’être humain est de devenir saint. Par pitié, merci d’enlever des têtes tout ce qui est du folklore : toutes les images bêtifiantes genre sulpicien qu’on voit souvent sur les tableaux ou dans les statues. Cela ne sert souvent qu’à nous éloigner de la vraie sainteté. La sainteté, c’est quelque chose de sérieux, de vital. La sainteté n’est pas quelque chose « en plus » de notre vie humaine. Elle est le sens fondamental de notre vie humaine, telle que Dieu, notre Père, nous l’offre. Nous sommes créés pour devenir saints. La réussite de la vie d’un être humain est de marcher vers la sainteté. St Jean le dit à sa manière : « Et quiconque met en (Dieu) une telle espérance se rend pur – c’est-à-dire saint – comme lui-même est pur. »

Si c’est pour cela que nous voulons des prêtres, si c’est pour cela que noussouhaitons recevoir par leur ministère les sacrements, alors nous sommes sur le bon chemin, le chemin de Celui qui nous a dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » c’est-à-dire Jésus-Christ !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homélie du 5 octobre 2025   27ème dimanche ordinaire   Année C

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Hab 1, 2-3 ; 2,2-4   Ps 94   2Tm 1, 6-8+13-4   Lc 17,5-10

 

La liturgie de ce dimanche nous offre un passage du prophète Habaquq, un passage de la secondeépître de Paul à Timothée et un passage de l’évangile selon st Luc. Quel rapport entre ces trois passages ? La foi, et la foi sous plusieurs aspects.

Le dernier verset d’Habaquq est : « …le juste vivra par sa fidélité. » St Paul reprendra cette affirmation dans beaucoup de ses épîtres pour nous dire que c’est par la foi en Jésus-Christ, et par elle seul, que nous sommes en lien avec Dieu. C’est par la foi en Jésus-Christ que nous sommes sauvés. Certes, notre foi doit être active ; elle doit produire des fruits qui sont nos mérites. Mais nous pourrions avoir les plus grands mérites du monde, ils ne nous sauveraient pas. C’est le Christ lui-même, par sa mort et sa résurrection, qui nous offre le salut. Par contre, si la foi en lui, et non pas nos actes, nous offre le salut, c’est-à-dire l’union avec Dieu, nos actes peuvent nous séparer du Seigneur.

Dans notre seconde lecture, le même st Paul dit à son disciple Timothée : « Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous. » La foi ne nous appartient pas, ; en rigueur de terme, nous ne pouvons pas dire « J’ai la foi » ; il serait meilleur de dire : « je suis croyant » ; la foi est d’abord un don de Dieu auquel nous répondons en la gardant et en la faisant croître comme une bonne plante. Souvent, tel ou tel d’entre vous m’a dit : mon petit-fils n’a pas la foi, pourquoi ? Il y a de multiples raisons à cela. Dieu ne demande qu’une chose pour donner la foi : une ouverture d’esprit et de cœur. Car la foi, il l’offre à tous. Pouvons-nous penser, un instant, que ce qui est si nécessaire à l’homme soit refusé par Dieu ? Pouvons-nous penser un instant que Dieu, qui est notre Père à tous, puisse, comme dans un jeu cynique, offrir la foi à certains et la refuser à d’autres ? Mais l’être humain est délicat à manier, même pour Dieu ; si notre Père offre la foi, il ne l’impose jamais ; la foi est offerte, mais la réponse de foi doit être libre. Parfois, tout simplement, la réponse de foi ne vient pas parce que tel ou tel n’a jamais entendu parler de Jésus-Christ, y compris dans nos propres familles.

Quant à Jésus, dans st Luc, il dit : « Si vous aviez la foi comme une graine de moutarde … » Là, il s’agit de l’efficacité, ou de la puissance de la foi. (Entre parenthèses, j’espère que vous avez remarqué l’humour de Jésus : vous voyez le bois de Boulogne qui se déracine pour aller piquer une tête dans laSeine ?) Jésus affirme que l’efficacité de la foi vient d’une foi minuscule. Ce qui veut dire que nous n’avons même pas une graine de moutarde de foi ; ou que nous ne savons pas nous en servir. En somme, nous ne croyons pas à la foi ! Nous ne croyons pas en son efficacité. Certes, si la foi avait en nous son origine, elle ne produirait pas grand-chose ; mais est-ce de nous qu’elle dépend ? Il dépend de nous de la recevoir, certes, mais nous n’en sommes pas l’origine. Or, dans la mesure où l’origine de la foi c’est le Seigneur, pourquoi douter de son efficacité ?

De ces quelques remarques, je tire trois prières possibles que je vous suggère.

1) D’abord une prière de remerciement : Nous te rendons grâce de

Connaître, d’aimer et de croire dans le Christ. Comme l’écrit Paul aux Ephésiens : « C’est par la grâceque vous êtes sauvés, par le moyen de la foi ; vous n’y êtes pour rien, c’est le don de Dieu.Cela ne vient pas des œuvres … (Eph 2,8-9)

2) Ensuite une prière de demande, comme celle du père dont le fils

vient d’être guéri par le Christ : « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » (Mc 9,24)

3) Enfin une prière de demande de pardon : Pardon de ne pas croire

suffisamment dans l’efficacité de la foi que tu nous donnes. Avec elle, nous pouvons réaliser bien plus et bien mieux que de transplanter des forêts, commePierre qui guérit l’infirme en lui disant : « De l’or ou de l’argent, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus-Christ…marche ! » (Ac 3,6)

 

 

 

 

Homélie du 10 août 2025   19ème dimanche ordinaire    Année C

Sg 18,6-9   Ps 32   Hbx  (lecture brève) 11,1-2+8-12

Lc (lecture brève) 12,35-40

par le père Jean Paul Cazes

​Dans cette page d’évangile, Jésus parle beaucoup de service : « Restez en tenue de service… », « Heureux ces serviteurs… », « passera pour les servir. » Et encore, je ne vous ai lu que la première partie. 

​Le mot service, ou le verbe servir, est la devise de beaucoup d’organisations, depuis les scoutsjusqu’aux soldats, en passant par les pompiers, les infirmières et tant d’autres. Jésus parle de ce qu’il connaît par expérience puisqu’il est venu non pour être servi mais pour servir comme il le dit lui-même. Vous avez certainement remarqué ce renversement étonnant :  c’est lui qui, la ceinture aux reins, servira à table les serviteurs qui auront veillé à son retour des noces. Lorsque j’étais curé à Neuilly, un de mes servants de messe était un ancien vice-amiral pour qui c’était un honneur de servir la messe. Lors de son enterrement, son épouse avait choisi notre évangile ; et, en souriant, je me suis plu à imaginer Jacques,tout gêné d’être servi par son Seigneur alors qu’il avait passé sa vie à servir. 

​Oui, tout ce qui tourne autour du service revient souvent dans la bouche de Jésus. Pourtant, ce n’est pas une leçon de bonne morale qu’il veut nous donner. En jouant avec les mots, je dirais que la notion de service est ici au service d’une réalité infiniment plus importante, une réalité que Jésus nousoffre dès le début : « …votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. » Vous savez que l’expression royaume de Dieu, ou royaume des cieux,revient souvent dans l’enseignement du Seigneur. Par de nombreuses paraboles, il nous en parle commed’une réalité qui, pour lui, est tangible, j’allais dire concrète, sensible. Ce royaume n’est autre que la vie absolue, la vie d’amour, de paix et de justice qu’il est venu instaurer par son enseignement, sa vie, sa mort et sa résurrection. Nous sommes entrés dans cette vie par notre baptême ; nous ne la méritons pas, quelle que soit l’importance de nos bonnes actions. Cette vie qui est la vie même de Dieu, est un don gratuit, un don d’amour de notre Père. Ce n’est pas une vague promesse mais une affirmation : « votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. »

​Est-ce que ce cadeau nous intéresse ?

Pour nous aider à répondre, Jésus avance deux séries de propositions, l’une à propos de ce que nous possédons, l’autre en ce qui concerne notre manière de vivre. Deux séries de propositions sur notre avoir et sur notre être. 

D’abord sur notre avoir. Les propos de Jésus sont excessifs dans leur forme, mais ils veulent nous secouer en disant : votre vie future ne dépend pas de ce que vous avez. Le Seigneur sait que nous avons besoin de biens matériels ; il ne nous demande pas de devenir de nouveaux François d’Assise. Mais il nous rappelle, un peu brutalement, que, finalement, la valeur de notre vie ne vient pas de ce que nous possédons mais de la manière et dans quel esprit nous les gérons. Le véritable pauvre est celui qui accepte de gérer ses biens en vue de Dieu comme nous l’a rappelé l’évangile de dimanche dernier. Où est notre vrai trésor ? S’il est dans l’espérance d’entrer, un jour un venir, dans la vie du Père, apprenons alors peu à peu à vivre l’esprit de pauvreté, l’esprit de ceux qui ne veulent pas « posséder ». 

Ensuite sur notre être, notre manière de vivre. C’est là que Jésus nous parle du service. Il nous en parle en faisant allusion à deux réalités qui ont du prix pour ceux qui l’écoutent : la fin de l’esclavage et l’Alliance. Il dit d’abord que nous devons nous tenir en tenue de service, ceinture autour des reins et lampes allumées. C’est la tenue des Hébreux le soir même de la sortie d’Egypte, le soir où leur esclavage a cessé : notre première lecture y fait allusion.Apprendre à gérer nos biens sans en être esclaves. 

Puis le Seigneur nous invite à être comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces. A travers toute la Bible, les relations entre Dieu et son peuple, que ce soit Israël ou l’Eglise, sont des relations d’Alliance. L’Alliance est la caractéristique même des relations que Dieu souhaite établir avec nous. Nous ne sommes pas les esclaves de Dieu, nous ne sommes pas ses employés ; si nous sommes ses serviteurs, c’est par amour, et non par devoir. D’ailleurs, Jésus nous dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs …je vous appelle amis… » (Jn 15,15)

Est-ce que le cadeau du Royaume nous intéresse ? Est-ce que la vraie richesse nous intéresse ? Est-ce que l’Alliance d’amour nous intéresse ? 

En ce cas, nous n’avons rien à craindre : « Sois sans crainte, petit troupeau » disait Jésus au petit nombre de ses disciples. Nous n’avons rien à craindre du moment où Jésus viendra nous faire entrer définitivement dans la vie d’amour de la Sainte Trinité.

Homélie du 6 juillet 2025 14ème dimanche temps ordinaire    Année C

Par le père Jean Paul Cazes

Is 66,10-14c   Ps 65   Ga 6,14-18   Lc 10,1-12+17-20 (lecture brève : 10,1-9)

Dans cet évangile, nous sommes facilement obnubilés par ce que dit Jésus quant au nombre des ouvriers : » La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. » Et nous rêvons à l’heureux moment où il y aurait assez d’ouvriers.

Mais permettez-moi quelques remarques.

La moisson sera toujours plus importante que le nombre d’ouvriers nécessaires. Heureusement ! Réjouissons-nous devant la moisson abondante au lieu de pleurer sur le petit nombre des ouvriers. Regardons, par exemple, le nombre croissant des catéchumènes, que ce soit dans notre paroisse, ou, plus largement, en France. Jésus ne dit pas : les ouvriers sont peu nombreux, car la moisson est abondante. Il dit : la moisson est abondante. C’est cela qui est premier, et qui est réjouissant. Le Père nous donne une moisson abondante : sachons le remercier pour cela avant de nous désoler du petit nombre d’ouvriers.

Prions-le pour que la moisson soit toujours plus abondante ; et si nous savons le remercier, alors notre demande d’ouvriers sera bien accueillie.

Car, c’est vrai, les ouvriers sont peu nombreux au regard de la moisson à entreprendre. Cette année, pour notre diocèse de Nanterre, il y a eu une seule ordination. Pour l’an prochain, aucune. Alors oui, il faut prier le maître de la moisson.

Mais il faut le prier pour obtenir des ouvriers de la moisson, pas uniquement des prêtres. Dans notre évangile, Jésus envoie 72 disciples ; il ne s’agit pas des Douze apôtres, mais de 72 parmi tous ceux qui suivaient Jésus. Ce qui veut dire que tout baptisé est appelé à la moisson. C’est là que se vérifie la pertinence de l’expression « disciples-missionnaires » chère au Pape François. Encore une fois, c’est la moisson qui est importante en même temps que la mission. Si les mots « disciple » et missionnaire » marchent ensemble, les mots « moisson » et « mission » aussi. Les 72 sont envoyés pour annoncer que le Règne de Dieu s’est approché de nous : le temps de la moisson est arrivé.

Rien ne sert de demander des ouvriers si nous n’acceptons pas de l’être nous-mêmes. Chacun de nous, par son baptême et sa confirmation, est légitime pour faire partie des moissonneurs. Ce qui est urgent, ce n’est pas le nombre des prêtres ; ce qui est urgent, c’est la moisson-mission.

Si chaque paroisse, si chaque communauté chrétienne avait la passion de la moisson-mission, alors le Seigneur ferait se lever au milieu d’elle un nombre suffisant de moissonneurs.

Que le Seigneur fasse de chacun de nous, et de notre paroisse entière, une communauté de disciples-missionnaires, une communauté passionnée par la moisson-mission pour que se lèvent au milieu de nous les ouvriers et les ouvrières dont l’Eglise a besoin pour le salut du monde.

 

Homélie du 4 mai 2025   3ème dimanche de Pâques

Par le père Jean Paul Cazes

Ac 5,27b-32+40b-41   Ps 29   Apo 5,11-14   Jn 21,1-19

 

Vous savez tous que nous sommes dans le temps pascal, ce temps de 49 jours qui se conclut par la fête de la Pentecôte. 49 jours, c’est à dire 7 fois sept jours, sept fois une semaine. Vous connaissez aussi la symbolique du chiffre sept dans la Bible : il signifie la plénitude. Donc, la liturgie nous offre, dans ces sept semaines, une image de la plénitude des temps. En effet, les temps sont accomplis grâce à la Résurrection du Christ, notre Seigneur. Dans ce temps pascal, dans ces sept fois sept jours, nous vivons, par anticipation et dans la foi, la vie pleine et entière qui nous est promise auprès de Dieu.

Je vous dis cela pour essayer de bien mesurer l’importance du temps pascal par rapport au carême. Chaque année, quand le carême s’approche, nous nous demandons tous comment nous allons le vivre, quels efforts nous allons essayer de mettre en œuvre pour nous préparer à fêter Pâques. Et chaque année, nombreux sont celles et ceux qui se reprochentd’avoir laissé filer le temps sans mettre en œuvre ce qu’ils s’étaient promis de faire. En disant cela, il est évident que je ne critique personne ; je veux seulement souligner le poids spirituel et psychologique du carême. Chaque année, nous voulons mieux faire. Nous condensons notre vie spirituelle sur ces 40 jours. Dès que Pâques arrive, il y a chez beaucoup, pour ne pas dire chez nous tous, une sorte de détente. Comme si, en arrière de notre tête, nous nous disions : le temps de l’effort est passé, il est derrière nous ; soufflons un peu ! Et le temps pascal se déroule calmement, marqué par les beaux jours et l’espoir du temps de vacances qui s’approche.

Nous ressemblons à des gens qui se préparent à recevoir un trésor chez eux et qui balaient leur maison mais qui, ayant reçu ce trésor, le range soigneusement dans un coin du salon sans en tirer le moindre profit. Ou, pour prendre une image plus contemporaine, nous sommes comme celles et ceux qui se sont battus pour obtenir une bonne retraite mais qui restent ensuite dans leur fauteuil alors qu’ils ont la santé et les moyens d’accomplir des choses intéressantes.

Dans notre tête et dans notre pratique, le carême a une bien plus grande importance que le temps pascal. Or, je pense que c’est le contraire. Je ne veux pas amoindrir le carême : par contre, je souhaite que nous acceptions de rendre au temps pascal son importance centrale. Le carême n’est qu’un temps de préparation ; le temps pascal est un temps d’accomplissement et de plénitude. L’auteur de la lettre aux Hébreux écrit que nous sommes dans la « période finale » (Hbx 1,2); il veut dire par là non pas que la fin du monde est pour aujourd’hui, mais que les temps sont accomplis puisque le Messie attendu depuis si longtemps est enfin venu. Les dimanches du temps pascal sont illuminés par les récits de la résurrection et le rappel des points fondamentaux de la vie chrétienne. Ce pour quoi nous avons essayé, maladroitement, de nous préparer durant 40 jours, nous est donné dimanche après dimanche tout au long de ces 49 jours. Qu’en faisons-nous ? Si j’en crois mon expérience, je crains que nous n’en fassions pas grand-chose, et que nous nous contentions de posséder le trésor sans ouvrir le coffre.

Mais alors, que faire ? Comment vivre ce tempsdans l’attente du don de l’Esprit le jour de la Pentecôte ? Comment lui rendre son importance, non seulement en y réfléchissant, mais, surtout, dans le concret de notre vie quotidienne ? Comment faire pour que la résurrection du Christ marque notre vie et lui donne une saveur particulière ? Je pourrais donner une liste d’actions à entreprendre, mais chacun est capable d’en faire autant. Et si on a une liste sans avoir une raison de la mettre en œuvre un déclic, une flamme originelle la liste restera lettre morte. Alors ?

Alors, que l’évangile de ce jour soit, pour chacun de nous, cette flamme qui met le feu aux poudres, si je puis dire. Que chacun de nous accueille, pour lui-même, le mot que Jésus dit à Pierre : « Suis-moi. » Le temps pascal, c’est cela : la suite du Christ. Chacun de nous a une manière personnelle de suivre le Christ ; et la suite du Christ est autre chose qu’une liste à remplir ; la suite du Christ est une réponse d’amour à un amour offert.

Malgré l’imperfection de notre réponse, dans l’humilité de notre réponse, faisons de ce temps pascal une réponse d’amour à l’amour que le Christ offre à chacun. Et suivons-le !

 

 

 

Homélie du 16 mars 2025   2ème dimanche de Carême   Année C

 

par le père Jean Paul Cazes


Gn
15, 5-12+17-18   Psaume 26   Phi 3,17-4,1   Luc 9,28b-36

(entrée en catéchuménat de Mélycia, Tara, Sandra, Lilian)

 

Pourquoi la Transfiguration n’a-t-elle pas droit, comme les autres événements de la vie du Seigneur, à une fête particulière ? Certes, ce passage est lu chaque année, durant le second dimanche de Carême, mais c’est le Carême qui prédomine ; la Transfiguration n’est ici qu’une sorte de faire-valoir. Certes, elle est fêtée le 6 août ; mais nous sommes en vacances, et, la plupart du temps, le 6 août tombe un jour de semaine. Si bien que nous ne percevons pas l’importance de cette fête pour la vie de Jésus et pour la nôtre.

Elle est importante à plusieurs titres. Elle résume la vie terrestre de Jésus et donc sa mission. On y trouve l’allusion à son baptême puisque la voix du Père dit à peu près la même chose, et Jésus parle de son « départ », c’est-à-dire de sa Passion : baptême, Passion, les deux bouts de la vie terrestre de Jésus. La Résurrection est signifiée par la gloire qui entoure Jésus, par son visage qui devient tout autre et par la blancheur de son vêtement. L’ancien Testament est représenté par Moïse et Elie, le nouveau Testamentest représenté par les trois Apôtres qui, d’ailleurs, seront présents aussi à Gethsémani ; ce qui veut dire que toute la Bible est présente. La vie du peuple juif est également représentée par l’allusion aux tentes, les tentes sous lesquels les Hébreux ont vécu quarante ans. La présence de l’Esprit se manifeste par une nuée paradoxale qui couvre les Apôtres de son ombre, alors qu’au baptême du Christ il s’est montré comme une colombe. Sans aller plus loin, vous pouvez déjà pressentir que ce passage, qu’il soit dans Matthieu, Marc ou Luc, est central pour la vie et la mission de Jésus.

Il faudrait aussi développer le fait que la Transfiguration est un des moyens que Jésus utilise pour sa mission de salut. Pour nous sauver, Jésus enseigne ; il guérit ; il pardonne ; il s’incarne dans le sein de Marie : il accepte par amour sa Passion…la liste n’est pas close. La Transfiguration est une autre manière de nous sauver. Car, tout ce que Jésus vit, il nous le donne. Il nous offre de nous transfigurer, c’est-à-dire de nous permettre d’atteindre notre identité profonde qui est souvent bien cachée : notre identité de fils et de filles de Dieu, celle que nos quatre amis de ce soir vont recevoir comme un cadeau le jour de leur baptême.

Pour vous quatre maintenant, vous qui commencez aujourd’hui, de manière officielle, votre marche vers la Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie, je souhaite mettre en lumière lesrichesses contenues dans la première phrase qui dit : « En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. » Accueillez cette seule phrase comme le cadeau de ce jour. Vous aussi, Lilian, Melicya, Sandra et Tara, comme les trois apôtres, Jésus vous prend avec lui. Aujourd’hui, vous devenez ses compagnons de route. Il vous prend sur une route qui monte. Une route de montagne suppose des efforts. Suivre Jésus n’est pas de tout repos ; il est exigeant d’essayer d’aimer y compris nos ennemis, il est exigeant d’essayer de faire du bien à ceux qui nous haïssent et de tendre la main à ceux qui nous ignorent. Vous entrez aujourd’hui dans un temps d’essai, un temps de discernement : est-ce bien ce chemin que vous voulez suivre avec Jésus ? D’autant que Jésus, s’il nous même à la Transfiguration, nous mène d’abord à la croix sous une forme ou sous une autre. Je dis cela non pas pour vous décourager et vous effrayer mais pour vous dire la réalité de la vie à la suite de Jésus. Mais vous n’êtes pas seuls. Si Jésus vous prend aujourd’hui à sa suite, c’est qu’il vous a déjà appelés, depuis longtemps, même si vous l’ignorez encore. Et il vous donne des compagnons de route : vos accompagnateurs, le groupe entier du Catéchuménat, et les chrétiens qui composent cette assemblée et qui prient ce soir à votre intention. Non, vous n’êtes pas seuls sur cette route qui monte.

Jésus monte avec vous pour prier en haut de la montagne. Non pas pour dire des prières car, curieusement, on peut dire beaucoup de prières sans prier. Prier, c’est entrer en relation d’amitiépersonnelle avec Dieu notre Père, grâce à Jésus et dans la nuée de l’Esprit. Jésus vous emmène pour que vous puissiez découvrir et partager avec lui ce qui est le cœur de son cœur : son lien d’amour et de confiance envers celui qu’il nomme son Père. C’est ce lien d’amour et de confiance qu’il souhaite plus que tout partager avec nous, les hommes. Voilà pourquoi il vous emmène sur la montagne pour que vous deveniez ensuite ses témoins quand vous aurez reçu l’Esprit Saint lors de votre Confirmation.

Pour cette ascension avec Jésus, cette ascensiondans laquelle nous vous accompagnons, vous pouvez vous appliquer, sans fausse humilité, ce que st Paul écrivait aux chrétiens de la ville de Philippes et que nous avons entendu dans notre seconde lecture : « Ainsi, mes frères (et soeurs)bien-aimés Lilian, Melicya, Sandra et Tara, vous, ma joie et ma couronne, tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés. »

 

 

 

Homélie du 23 février 2025 7ème dimanche ordinaire Année C

par le père Jean Paul Cazes

Sam 26,2+7-9+12-13+22-23 Psaume 102 1Co 15,45-49 Lc 6,27-38

Qui suis-je pour vous dire d’aimer vos ennemis ? Car, pour la plupart d‘entre nous, nous avons des ennemis. Pas des ennemis au sens le plus absolu du terme, mais des personnes que nous ne pouvons pas souffrir, des membres de notre famille avec qui nous ne parlons plus depuis longtemps, des étrangers qui nous énervent… Ou, pour paraphraser l’évangile, des personnes qui nous haïssent, qui nous maudissent, qui nous calomnient ou qui nous agressent d’une manière ou d’une autre. Alors, pour faire court, ou plus actuel, où en sommes-nous de l’accueil de l’autre ?

Qui suis-je pour demander d’aimer ces personnes moi qui ai du mal à le faire ?

Je précise – pardon de me répéter – ce que le verbe aimer veut dire, et d’abord ce qu’il ne veut pas dire : il ne veut pas dire de sauter au cou de celui qui vient de nous insulter. Jésus ne nous parle pas d’affectivité ; il dit : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? … Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? »   Bien sûr qu’il faut aimer ceux qui nous aiment ! Bien sûr qu’il faut faire du bien à ceux qui nous en font ! Mais Jésus va bien au-delà : il demande à nous, ses disciples, d’aimer nos ennemis, nos adversaires, nos opposants, quel que soit le nom que nous leur donnons. Jésus n’a pas sauté au cou de Pilate, ni à celui d’Hérode. Pourtant, il a donné sa vie pour tous les hommes, y compris pour Pilate et pour Hérode. Et tant mieux pour nous !

Jésus ne donne pas de définition du verbe aimer, il donne des exemples concrets : faire du bien à ceux qui nous haïssent, souhaiter du bien à ceux qui nous maudissent, prier pour ceux qui nous calomnient, ne pas répondre du tac au tac à ceux qui nous frappent, ne pas refuser à celui qui nous vole, donner à celui qui demande… Chacun de nous pourrait ajouter des exemples aussi concrets que ceux du Christ : renouer le dialogue avec quelqu’un, faire la paix dans son ménage, écouter un peu mieux ses enfants surtout quand il s’agit de leur avenir, au moins sourire à celui qui fait la manche dans le métro, ne pas mépriser, au fond de son cœur, le nord-africain mal vêtu …

Au beau milieu de notre évangile, se trouve ce qu’on appelle « la règle d’or » : « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. » Cette règle d’or se retrouve, sous des formes équivalentes, dans beaucoup d’autres religions et beaucoup de sagesses. Elle n’est pas propre au christianisme.

Ce qui est propre au christianisme, c’est la raison profonde de cette règle d’or et de cet amour des ennemis. Jésus la donne sous deux formes différentes. D’abord : « Aimez vos ennemis …et vous serez les fils du Très Haut … » Ensuite : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » Aimer ses ennemis, ce n’est pas de la bonne morale, c’est de la théologie pratique, ou de la mission en acte. Quand on aime ses ennemis, on ressemble au Père céleste. Ne nous plaignons pas de voir tant de gens ignorer le christianisme ; ce n’est pas à cause du manque de missionnaires. Si nos contemporains ignorent le christianisme, si d’autres le combattent, c’est qu’ils ne voient pas bien le lien entre notre vie concrète et ce que nous annonçons. Nous adorons le Père, qui est le Père de tous les hommes sans distinction ; pourtant, notre regard est souvent sélectif. Nous adorons le Fils qui s’est fait le frère de tout homme, mais nous mettons des frontières à notre fraternité ; Charles de Foucauld – saint Charles – se voulait frère universel, lui qui vivait au milieu des Touaregs musulmans. Nous adorons l’Esprit qui est Esprit de Paix, mais nous avons tant de mal à pardonner.

Une constatation et une profession de foi.

La constatation : nous ne pourrons jamais, par nos seules forces, aimer nos ennemis ni faire du bien à ceux qui nous haïssent. Il y a ainsi beaucoup de choses impossibles, dans l’évangile, du genre : « Soyez parfaits comme votre Père est parfait. » Pourtant, Jésus nous en donne l’ordre, c’est un commandement.

La profession de foi : Jésus n’est pas un sadique qui s’amuserait à nous demander des choses impossibles et nous condamnerait de ne pas pouvoir les accomplir. S’il nous oriente vers cette perfection, c’est qu’il nous en donne les moyens : ce moyen, c’est l’Esprit qu’il nous faut demander et redemander sans cesse. Je vous ai déjà donné la phrase du Père Varillon qui dit : « Dieu donne ce qu’il ordonne ».

Où en sommes-nous de l’accueil de l’autre ? Où en suis-je moi-même, moi qui n’ai aucun droit de vous demander d’aimer vos ennemis mais dont le rôle est de vous le rappeler, comme je me le rappelle à moi-même ?

La morale du Christ n’est pas celle du monde. C’est la morale qui vient de l’amour absolu.

 

 

Homélie du 26 janvier 2025    3ème dimanche  ordinaire   Année C

Par le père Jean Paul Cazes

Néh 8,2-4a+5-6+8-10   Psaume 18b   1Co 12,12-30   Lc 1,1-4 ; 4,14-21

Messe dite des jeunes

 

J’aurais voulu avoir le temps de vous parler de chacun des trois passages bibliques de notre messe.

Le premier est tiré du livre de Néhémie, un livre biblique peu utilisé dans la liturgie ; j’aurais aimé goûter avec vous le dernier verset pour l’appliquer au dimanche : « Ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du seigneur est votre rempart. »

L’évangile aussi est merveilleux ; il nous offre la vision du Christ qui commence son ministère public. Et quand Luc écrit : « Il ouvrit le livre », ce n’est pas seulement un livre particulier qui est ouvert, mais toute la vie publique de Jésus qui s’ouvre : la vie de Jésus est le vrai livre de la Parole de Dieu.

Mais, à notre messe dite « des jeunes », je souhaite insister sur la seconde lecture. Et pour que personne ne se sente mis de côté à cause de l’âge, je veux d’abord citer un mot du cardinal Feltin qui fut, il y a déjà longtemps, archevêque de Paris. Quand Mgr Feltin portait un toast, à la fin d’un repas, il disait : « Je porte ce toast à la santé des jeunes de tous les âges qui sont autour de cette table. » Eh bien, moi, je pense aux jeunes de tous les âges qui sont présents ce soir.

« Prenons une comparaison : notre corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres. » : voilà ce que Paul écrit aux chrétiens de Corinthe.

Ma première réaction est de dire que Paul n’a pas peur de parler du corps. Notre corps est créature de Dieu ; comme l’affirme le livre de la Genèse, Dieu vit que toute la Création, et donc aussi le corps de l’être humain, est très bonne. Notre corps est promis à la résurrection, comme nous allons le dire dans le Credo. Le Verbe de Dieu, lui non plus, n’a pas eu peur du corps, puisqu’il est né d’une maman. C’est par son corps humain, par ses gestes, aussi bien que par son enseignement, qu’il nous a parlé de son Père ; Jésus se donne entièrement à nous, il nous donne son amour, il nous donne sa vie. Et tout à l’heure, quand nous communierons, celui qui vous donnera l’hostie vous dira : « Le corps du Christ. » Pour Jésus, le corps humain est important ; je dirais même qu’il est sacré. Nous croyons en Jésus-Christ qui est totalement Dieu et totalement homme.

Nous, c’est par notre corps que nous sommes en relation les uns avec les autres ; c’est par nos sens – l’œil, l’oreille, le toucher, l’odorat, le goût – que nous découvrons le monde et la vie. Je vais même vous donner une pensée que vous pourrez mettre dans une de vos dissertations, ou placer lors d’un dîner : tout ce qui est dans notre intelligence est d’abord forcément passé par nos sens. Cette pensée est de st Thomas d’Aquin, un grand auteur du Moyen Age. Dieu passe par notre corps pour se faire connaître de nous ; et nous, c’est parnotre corps que nous lui répondons.

Ce qui veut dire que, pour la foi chrétienne, notre corps a une grand importance.

Faire attention à notre corps, par la santé, par le sport, par l’hygiène, ça fait partie des conséquences de notre foi en Jésus-Christ. Faire attention au corps des autres, au respect du corps des autres, à l’aide que nous pouvons leur apporter dans leur croissance, leur développement, fait partie des conséquences de notre foi chrétienne.

Paul évoque un autre aspect qui est tout aussi important. Il écrit : « Or, vous êtes le corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. » En disant cela, il passe du corps personnel, le vôtre, le mien, à un autre corps qu’on peut appeler un corps social. En français, on parle du corps des pompiers dont chaque pompier est un membre ; on parle du corps professoral dont chaque professeur est un membre. Quand on veut se défendre, on dit qu’on fait corps. Quand quelqu’un est malade ou blessé, la famille fait corps autour de lui pour le protéger. Ce sont des images, bien sûr, mais des images qui disent une réalité aussi vraies que de parler de notre corps personnel.

St Paul applique cette même pensée à l’Eglise. L’Eglise, ce n’est pas d’abord le Pape et les Evêques ; c’est d’abord l’ensemble de ceux qui croient en Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme. L’Eglise est le corps du Christ, un corps dont chacun de nous est un membre. Il paraît que le président Kennedy disait : « Ne vous demandez pas ce que l’Amérique peut faire pour vous ; demandez-vous ce que vous pouvez faire pour l’Amérique. » Que pouvez-vous faire pour l’Eglise ? Que pouvez-vous faire pour la communauté chrétienne dont vous êtes les membres ? Pour reprendre la comparaison du corps, nous savons qu’il est composé de nombreux membres et organes ; chacun a un rôle particulier. Comme dit Paul, « (Dieu) a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de divisions dans le corps, ; mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. » L’Eglise a besoin de chacun de nous ; l’Eglise a besoin des dons que Dieu notre Père a déposé en nous. Si un membre manque au corps, sa vie est difficile ; si nous manquons à la vie de l’Eglise, et plus précisément à la vie de notre communauté paroissiale, il lui est moins facile de remplir la mission que lui a confié le Seigneur : annoncer Jésus-Christ aux jeunes et aux adultes d’aujourd’hui.

 

Les bonnes questions à se poser sont : quel est le don – ou les dons – qui est en moi ? Comment puis-je le mettre au service de ma communauté de croyants ? Que le Seigneur nous aide à répondre à cette question et nous pourrons alors en toute vérité nous appliquer, à la suite de Jésus, la dernière phrase de notre évangile : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre. »

 

 

Homélie du 12 janvier 2025 Baptême du Seigneur

Par le père Jean Paul Cazes

Isaïe 40,1-5+9-11 Psaume 103 Tite 2,1114 ; 3,4-7 Lc 3,15-16+21-22

Pourquoi Jésus a-t-il été baptisé ?

Le baptême qu’il a reçu est-il le baptême qu’il nous donne ?

Quelle est la place de ce baptême dans l’ensemble de sa vie ?

Voilà les trois questions que je me suis posé. Chacune mérite une conférence, ce qui ne peut se faire ce soir. Je vais essayer cependant de vous donner quelques indications claires, tout en vous suggérant de les approfondir grâce au site internet des évêques catholiques qui s’appelle AELF.

Pourquoi Jésus a-t-il été baptisé ?

Tout le monde sait que le baptême fait entrer dans l’Eglise et pardonne les péchés. Il efface même ce qu’on appelle le péché originel. Or, Jésus n’a commis aucun péché ; et il n’a jamais été touché par le péché originel, lui qui est Dieu par nature. Alors, pourquoi ce baptême ? Dans notre évangile, Luc écrit que tout le peuple se faisait baptiser car il était en attente ; en attente de qui ? Du Messie, bien sûr, puisqu’on se demande si Jean-Baptiste ne serait pas le Messie attendu. Revenons à Jésus : il ne peut s’attendre lui-même. Donc, encore une fois, pourquoi ce baptême ? St Matthieu nous ouvre une piste ; devant l’étonnement de Jean-Baptiste qui se pose la même question que nous, Jésus répond : « C’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice. » (Mt 3,15) Il ne faut pas entendre le mot justice dans le sens de procès, avocat, prison, jugement ; il faut l’entendre dans le sens de conformité à la volonté de Dieu : Jésus veut être ajusté à la volonté de Dieu. Et quelle est la volonté de Dieu ? C’est que son Fils devienne un véritable être humain, capable ainsi de sauver tous les hommes. Le baptême reçu par Jésus ne sert donc pas à effacer en lui des péchés qu’il n’a pas commis ; il sert à l’insérer de plus en plus dans l’humanité. Le baptême reçu par Jésus est, en ce sens, la continuation et l’approfondissement de sa nativité : Jésus est vraiment un homme au milieu des autres hommes. Vrai Dieu et vrai homme : c’est l’affirmation du Concile de Nicée que nous allons commémorer tout au long de 2025.

Le baptême qu’a reçu Jésus est-il le baptême qu’il nous donne ?

Non. Le baptême donné par Jean était comme une sorte de préparation du baptême donné par Jésus. Jésus a reçu un baptême de la part de Jean-Baptiste ; nous avons reçu – les catéchumènes recevront – le baptême que Jésus nous donne. Il y a un point commun : le geste de l’eau, un geste purificateur. Mais le baptême de Jean était reçu en vue de la rémission des péchés ; le baptême donné par Jésus efface vraiment les péchés. Jean annonçait que le baptême du Messie serait donné dans l’Esprit et le feu ; nous sommes effectivement baptisés et confirmés dans la puissance de l’Esprit. Le baptême que nous avons reçu nous plonge dans la mort et la résurrection de Jésus. La fête de notre baptême, ce n’est pas aujourd’hui, mais c’est la fête de Pâques.

Dernière question : Quelle est la place de ce baptême dans l’ensemble de la vie de Jésus ? Chez st Matthieu et st Luc, c’est une place charnière. Elle est à la jonction entre sa vie privée de Nazareth, dont nous ne savons quasiment rien, et sa vie publique qui le mène vers la Passion et la Résurrection. A partir de ce moment, nous allons suivre Jésus jusqu’à Pâques. Lors de son baptême, il est comme accrédité par le Père pour pouvoir remplir sa mission de sauveur ; lui qui nous baptise non seulement dans l’eau mais dans l’Esprit, il reçoit l’Esprit. La voix du Père reconnaît que l’homme Jésus porte bien son nom : il est « Dieu sauve » ; sa mission commence officiellement.

Bien sûr, chacune de ces questions demande à être approfondie. Encore une fois, je vous suggère de le faire en vous aidant des notes de votre Bible, et du site AELF, le site des évêques de langue française.

Mais, pour nous, aujourd’hui, quelle est l’importance de cette fête ? D’abord, c’est de nous réjouir pour Jésus : il est vraiment notre sauveur, venu au milieu de nous. Mais si le Père s’adresse à lui en disant : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie », rien ne nous interdit de recevoir ces paroles pour nous-mêmes. Au moment où notre évêque viendra chez nous, demain soir, ouvrir l’année jubilaire, cette année durant laquelle nous allons célébrer le Christ vrai Dieu et vrai homme, il est merveilleux d’accueillir pour nous les mots du Père : nous sommes, avec Jésus, à sa suite, les fils et les filles bien-aimés du Père. Vous savez que la spiritualité de Noël est la spiritualité du merveilleux échange : le Fils se fait homme pour que les hommes deviennent fils et filles de Dieu. Les pères de l’Eglise, ces théologiens des tous premiers siècles, parlent même de la divinisation de l’homme. Notre vocation humaine est de devenir des dieux non pas à la place du Seigneur, mais avec lui.

Célébrons donc la fête du baptême de Jésus, ainsi que l’année jubilaire, comme un appel à vivre notre vocation de frères et sœurs du Christ, membres de l’Eglise et temples de l’Esprit : « Toi, tu es mon fils – ma fille – bien-aimé ; en toi je trouve ma joie. »



Homélie du 5 janvier 2025 EPIPHANIE DU SEIGNEUR

Isaïe 60, 1-6 Psaume 71 Eph 3,2-3a+5-6 Matthieu 2,1-12
 
Par le père Jean Paul Cazes
 

Jésus est né de la Vierge Marie ; il a été déposé par elle dans une mangeoire qui se trouvait, selon toute vraisemblance, dans une de ces grottes naturelles utilisées par les bergers de Bethléem. Des anges ont chanté sa naissance. Des bergers – probablement ceux qui gardaient leurs troupeaux dans les environs – sont venus adorer l’Enfant.

Bien plus tard, des étrangers sont venus, eux aussi, adorer l’Enfant. Personne ne connaît leurs noms ; on ne sait pas combien ils étaient. Guidés par une étoile, et sur les indications des scribes convoqués par le roi Hérode, ils arrivent non pas dans une grotte mais dans une maison. Jésus avait peut-être déjà un an ou même deux ; on peut le supposer puisqu’après le départ des mages, Hérode fait massacrer les enfants de Bethléem âgés d’environ deux ans : cela est rapporté par Matthieu, au verset 16 de son chapitre 2.

Matthieu est le seul des quatre évangélistes à raconter cet épisode. Ne cherchons pas chez les trois autres à apprendre le nom des mages, leur nombre et leur rang social. Personne ne met en cause la vérité de ce que Matthieu raconte ; mais la vérité de cette visite est aussi, en même temps, symbolique ; car il ne faut pas opposer la vérité et le symbole ; le symbole s’appuie sur la vérité. Quel est le symbole ? Nous le trouvons clairement énoncé dans notre seconde lecture qui est de st Paul aux chrétiens de la ville d’Ephèse :

« Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile.»

Au passage, laissez-moi vous rappeler que le mot «mystère», chez st Paul, ne signifie pas quelque chose de caché ; bien au contraire, Paul dit lui-même que ce mystère, ignoré par les générations passées, a été révélé aux apôtres. Il est révélé, mais c’est toujours un mystère. Pour donner un équivalent, il convient de dire : réalité de foi. Le mystère, dans le Nouveau Testament, est une réalité de foi. C’est exactement ce que nous chantons après la consécration : « il est grand le mystère de la foi. »

Donc Paul écrit : « Cette réalité de foi, c’est que  toutes les nations ont été associées à l’héritage » du peuple juif grâce au Christ Jésus. Il écrit cela aux
chrétiens d’Ephèse qui sont, pour la plupart, issus du peuple grec, donc non-juif. Toute son action missionnaire a consisté dans l’annonce de l’Evangile
aux non-juifs, aux païens. Si nous sommes chrétiens aujourd’hui, c’est en grand partie à Paul que nous le devons, nous qui sommes issus de peuples non-juifs.
Soupesons bien ce qui nous est dit : le fait que les étrangers au peuple juif aient été associés au salut est une réalité de foi ; c’est bien plus, et bien autre chose
qu’une réalité sociologique ou qu’un simple hasard.
Voilà que se réalise l’antique bénédiction offerte à Abraham, le père de toutes les nations (Gn 17, 4-6); voilà que se concrétise le dernier ordre du Christ :
«Allez donc: de toutes les nations faites des disciples… » (Mt 28,19)
La visite des mages est tout autre chose qu’une jolie histoire destinée à placer de nouveaux santons dans nos crèches et à manger des galettes. L’Epiphanie
est une réalité de foi – un mystère – absolument essentielle, une réalité missionnaire. Voilà pourquoi l’ADN de tous les membres de l’Eglise est missionnaire.
Car il est urgent d’inviter tous les peules à partager, grâce à Jésus, les richesses de foi portées par le peuple juif. On ne peut pas placer les mages dans nos crèches sans vouloir que notre voisin découvre, un jour, que le Christ l’aime et a donné sa vie pour lui aussi.

Les mages ont été guidés par une étoile.

Notre étoile à nous, c’est Jésus lui-même ; comme le dit d’une manière si poétique le livre de l’Apocalypse, il est l’étoile resplendissante du matin. (Apo 22,16)