Par le père Jean Paul Cazes
Néh 8,2-4a+5-6+8-10 Psaume 18b 1Co 12,12-30 Lc 1,1-4 ; 4,14-21
Messe dite des jeunes
J’aurais voulu avoir le temps de vous parler de chacun des trois passages bibliques de notre messe.
Le premier est tiré du livre de Néhémie, un livre biblique peu utilisé dans la liturgie ; j’aurais aimé goûter avec vous le dernier verset pour l’appliquer au dimanche : « Ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du seigneur est votre rempart. »
L’évangile aussi est merveilleux ; il nous offre la vision du Christ qui commence son ministère public. Et quand Luc écrit : « Il ouvrit le livre », ce n’est pas seulement un livre particulier qui est ouvert, mais toute la vie publique de Jésus qui s’ouvre : la vie de Jésus est le vrai livre de la Parole de Dieu.
Mais, à notre messe dite « des jeunes », je souhaite insister sur la seconde lecture. Et pour que personne ne se sente mis de côté à cause de l’âge, je veux d’abord citer un mot du cardinal Feltin qui fut, il y a déjà longtemps, archevêque de Paris. Quand Mgr Feltin portait un toast, à la fin d’un repas, il disait : « Je porte ce toast à la santé des jeunes de tous les âges qui sont autour de cette table. » Eh bien, moi, je pense aux jeunes de tous les âges qui sont présents ce soir.
« Prenons une comparaison : notre corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres. » : voilà ce que Paul écrit aux chrétiens de Corinthe.
Ma première réaction est de dire que Paul n’a pas peur de parler du corps. Notre corps est créature de Dieu ; comme l’affirme le livre de la Genèse, Dieu vit que toute la Création, et donc aussi le corps de l’être humain, est très bonne. Notre corps est promis à la résurrection, comme nous allons le dire dans le Credo. Le Verbe de Dieu, lui non plus, n’a pas eu peur du corps, puisqu’il est né d’une maman. C’est par son corps humain, par ses gestes, aussi bien que par son enseignement, qu’il nous a parlé de son Père ; Jésus se donne entièrement à nous, il nous donne son amour, il nous donne sa vie. Et tout à l’heure, quand nous communierons, celui qui vous donnera l’hostie vous dira : « Le corps du Christ. » Pour Jésus, le corps humain est important ; je dirais même qu’il est sacré. Nous croyons en Jésus-Christ qui est totalement Dieu et totalement homme.
Nous, c’est par notre corps que nous sommes en relation les uns avec les autres ; c’est par nos sens – l’œil, l’oreille, le toucher, l’odorat, le goût – que nous découvrons le monde et la vie. Je vais même vous donner une pensée que vous pourrez mettre dans une de vos dissertations, ou placer lors d’un dîner : tout ce qui est dans notre intelligence est d’abord forcément passé par nos sens. Cette pensée est de st Thomas d’Aquin, un grand auteur du Moyen Age. Dieu passe par notre corps pour se faire connaître de nous ; et nous, c’est parnotre corps que nous lui répondons.
Ce qui veut dire que, pour la foi chrétienne, notre corps a une grand importance.
Faire attention à notre corps, par la santé, par le sport, par l’hygiène, ça fait partie des conséquences de notre foi en Jésus-Christ. Faire attention au corps des autres, au respect du corps des autres, à l’aide que nous pouvons leur apporter dans leur croissance, leur développement, fait partie des conséquences de notre foi chrétienne.
Paul évoque un autre aspect qui est tout aussi important. Il écrit : « Or, vous êtes le corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. » En disant cela, il passe du corps personnel, le vôtre, le mien, à un autre corps qu’on peut appeler un corps social. En français, on parle du corps des pompiers dont chaque pompier est un membre ; on parle du corps professoral dont chaque professeur est un membre. Quand on veut se défendre, on dit qu’on fait corps. Quand quelqu’un est malade ou blessé, la famille fait corps autour de lui pour le protéger. Ce sont des images, bien sûr, mais des images qui disent une réalité aussi vraies que de parler de notre corps personnel.
St Paul applique cette même pensée à l’Eglise. L’Eglise, ce n’est pas d’abord le Pape et les Evêques ; c’est d’abord l’ensemble de ceux qui croient en Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme. L’Eglise est le corps du Christ, un corps dont chacun de nous est un membre. Il paraît que le président Kennedy disait : « Ne vous demandez pas ce que l’Amérique peut faire pour vous ; demandez-vous ce que vous pouvez faire pour l’Amérique. » Que pouvez-vous faire pour l’Eglise ? Que pouvez-vous faire pour la communauté chrétienne dont vous êtes les membres ? Pour reprendre la comparaison du corps, nous savons qu’il est composé de nombreux membres et organes ; chacun a un rôle particulier. Comme dit Paul, « (Dieu) a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de divisions dans le corps, ; mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. » L’Eglise a besoin de chacun de nous ; l’Eglise a besoin des dons que Dieu notre Père a déposé en nous. Si un membre manque au corps, sa vie est difficile ; si nous manquons à la vie de l’Eglise, et plus précisément à la vie de notre communauté paroissiale, il lui est moins facile de remplir la mission que lui a confié le Seigneur : annoncer Jésus-Christ aux jeunes et aux adultes d’aujourd’hui.
Les bonnes questions à se poser sont : quel est le don – ou les dons – qui est en moi ? Comment puis-je le mettre au service de ma communauté de croyants ? Que le Seigneur nous aide à répondre à cette question et nous pourrons alors en toute vérité nous appliquer, à la suite de Jésus, la dernière phrase de notre évangile : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre. »