homélie du 12 mai 2024   7ème dimanche de Pâques  année B

Par le père Jean Paul Cazes

Actes 1,15-17+20a.c+26   Psaume 102   1 Jn 4,11-16   Jn 17,11b-19

 

Jésus prie : « Père saint … »

Les Evangiles sont très discrets au sujet du contenu de la prière de Jésus. En revanche, nous en avons ici un magnifique exemple, situé dans le grand discours tenu juste après la Sainte Cène du Jeudi saint. Pour nous, c’est une petite difficulté chronologique : nous venons de fêter l’Ascension et nous nous préparons à fêter la Pentecôte. Le passage d’évangile qui nous est offert aujourd’hui se situe avant la Passion, donc bien avant l’Ascension.

Au seuil de sa Passion, Jésus prie. Nous croyons que Jésus est vraiment Dieu et vraiment homme ; en tant que Dieu, il ne se prie pas lui-même, mais en tant qu’homme, il s’adresse à son Père de qui il tient tout et vers lequel il se prépare à revenir.

Sa prière personnelle est à l’image de celle qu’il a donnée à ses disciples : « Lorsque vous prierez, dites : Notre Père ». Jésus vient du Père ; il a tout reçu du Père, il retourne au Père ; Il est logique qu’il s’adresse au Père.

Il prie le Père mais non pas pour lui-même : il le prie pour nous. Et il utilise trois mots fondamentaux qui donnent une colonne vertébrale à notre vie de disciples-missionnaires : fidélité, unité, vérité.

Si personnellement et communautairement, nous sommes fidèles à Dieu notre Père, si nous construisons entre nous l’unité qui est tout autre chose que l’uniformité et si nous adhérons à la Vérité qui n’est pas une doctrine mais qui est Jésus lui-même, alors nous serons vraiment les artisans du salut du monde. Car c’est de cela dont il s’agit dans cette prière comme dans toute la vie de Jésus : le salut du monde.

Ici, il faut mettre à jour une difficulté de langage. St Jean utilise le mot « monde » au moins dans deux sens différents. D’abord dans un sens très positif lorsque Jésus dit à Nicodème : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils… » (Jn 3,16) Ensuite dans un sens négatif : « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï en premier. » (Jn 15,18) Il faut préciser : ce qui doit être rejeté et combattu, ce n’est pas le monde, mais le prince de ce monde, ou le Mauvais dont parle Jésus ici même ; et les armes pour le combattre sont la fidélité, l’unité et la vérité. S’il faut rejeter le prince de ce monde, il faut convertir le monde.

Voilà pourquoi Jésus ne demande pas au Père de nous retirer du monde mais de nous donner la force de combattre les mauvaises coutumes de ce monde. C’est ce que, dès le début du christianisme, les disciples ont compris. Je tiens à vous citer quelques lignes d’un très ancien document du second siècle de l’Eglise qu’on appelle la lettre à Diognète. « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes… Ils habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conformant aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. » On peut trouver la totalité de ce texte extraordinaire sur internet : je ne peux que vous encourager à le chercher.

En ce temps de vote pour le Parlement européen, en ce temps où la guerre gronde aux portes de l’Europe, en Terre sainte et dans bien d’autres lieux du monde, en ce temps où la vie est menacée depuis le sein de la mère jusqu’aux derniers moments, il est bon de se redire que si nous nous conformons aux usages locaux , nous avons à manifester, humblement mais réellement, les lois paradoxales de notre propre manière de vivre. L’auteur de la lettre à Diognète donne comme exemple le fait que les chrétiens du second siècle n’abandonnent pas leurs nouveau-nés à l’encontre des coutumes du moment. L’ancien archevêque de Marseille, Mgr Coffy, disait : « Les croyants ne vivent pas une autre vie que la vie ordinaire, mais ils vivent autrement la vie ordinaire. »

Le Seigneur Jésus n’a pas prié son Père de nous retirer du monde ; comme lui, et avec lui, nous sommes envoyés dans le monde. Seul Jésus est capable de sauver le monde qu’il aime, mais il fait de nous ses collaborateurs pour que nous vivions dans notre monde, le monde de notre époque, en étant liés à lui par la fidélité, l’unité et la vérité, qui sont trois dons de l’Esprit Saint.

 

Telle est la prière de Jésus au seuil de sa Passion.

 

 

 

 

Homélie du 21 avril 2024   4ème dimanche de Pâques   Année B

Par le Père Jean Paul Cazes

Actes 4,8-12   Psaume 117   1 Jean 3,1-2   Jean 10,11-18

L’Eglise tout entière continue de célébrer le Christ mort et ressuscité. Tout au long de ce temps de Pâques, elle met en lumière les richesses de foi contenues dans le mystère pascal. Aujourd’hui, elle s’émerveille devant le Christ véritable Prêtre pour toute l’humanité.

Le Christ mort et ressuscité est le vrai Prêtre car son sacerdoce ne vient pas d’une génération humaine, comme pour les prêtres juifs, mais vient directement de Dieu. Le Christ mort et ressuscité est le vrai Prêtre car il n’offre pas des victimes extérieures à lui-même, comme des victimes animales, mais il s’offre lui-même, par amour pour nous et pour son Père. Le Christ mort et ressuscité n’offre pas de victimes sur l’autel du Temple de Jérusalem mais sur la Croix du Golgotha. Le Christ mort et ressuscité est le vrai grand Prêtre car il s’est offert une fois pour toutes et n’est pas obligé, comme le grand prêtre des Juifs, de réitérer des sacrifices chaque année. Le Christ mort et ressuscité offre le pardon non seulement à Israël mais à tous les hommes de tous les temps et de toutes les cultures. En tout cela, le Christ est l’Unique grand Prêtre dont le sacrifice a trouvé grâce aux yeux du Père.

Voilà pourquoi nous fêtons aujourd’hui le Bon Pasteur, celui qui connaît ses brebis, celui qui veut conduire toutes les brebis, même celles qui sont encore éloignées, celui qui donne librement sa vie par amour. Le Christ mort et ressuscité est l’Unique Grand Prêtre qui nous réconcilie définitivement avec notre Père. Et c’est grâce à lui que nous pouvons célébrer aujourd’hui notre messe, ce culte qui est le sien.

Mais faisons attention aux mots. Le Christ mort et ressuscité est l’Unique GrandPrêtre, ce qui ne veut pas dire le seul. Il est Unique car son sacerdoce vient directement du Père. Mais ce sacerdoce est répandu sur toute son Eglise qui est son peuple sacerdotal. Et, dans ce peuple sacerdotal, des hommes sont appelés à être prêtres. Ils ne sont pas prêtres par nature, mais par grâce. Leur rôle est de rappeler à tous que, tous ensemble, nous sommes le peuple sacerdotal qui offre le vrai sacrifice, celui du Christ. Leur mission est de rappeler à tous que, tous ensemble, nous sommes les témoins des merveilles de Dieu que nous sommeschargés d’annoncer au monde dans lequel nous vivons. Leur présence concrète au milieu des baptisés rappelle que le peuple de Dieu est un peuple de célébrants et de missionnaires.

Voilà pourquoi, en ce dimanche du Bon Pasteur, l’Eglise prie pour les vocations sacerdotales. A ce sujet, j’aurais bien des choses à vous dire au nom de mes 55 ans de ministère. Mais je souhaite privilégier deux questions qu’il faudrait, évidemment, développer bien plus que je ne peux le faire ce soir.

La première est celui du nombre. Nous prions pour que se lèvent des jeunes, ne serait-ce que pour remplacer les prêtres qui meurent. Le discours habituel est de dire que nous manquons de prêtres. C’est relativement faux en région parisienne, mais cruellement vrai en différents lieux de province, et dans beaucoup de régions du monde. Oui, il est nécessaire de prier pour les vocations sacerdotales, et surtout pour la sainteté des prêtres. Pas forcément pour leur nombre. Car, pour le nombre, ils sont suffisants en Ile de France. Ils sont suffisants pour le ministère qu’ils doivent remplir. Sur mes 55 ans de ministère, je fus curé de paroisse 25 ans. Heureusement pour moi, j’ai toujours trouvé, à mes côtés, des hommes et des femmes qui m’ont aidé à faire vivre mes différentes paroisses. Sinon, j’aurais dû passer quasiment la moitié de mon temps à remplir des dossiers, à gérer les fonds, à compter les quêtes, à recevoir les ouvriers …toutes choses qui sont nécessaires mais qui ne font pas partie de la grâce de l’ordination. Pourquoi vouloir plus de prêtres ? Faut-il qu’ils soient PDG ou DRH ? Si oui, la formation du séminaire ne les y prépare pas. Alors, si les communautés paroissiales prenaient les choses en main, en union bien sûr avec leurs prêtres, le nombre actuel des prêtres en région parisienne serait suffisant. Dès les débuts de l’Eglise, la question s’est posée. On trouve cela au chapitre 6 des Actes des Apôtres ; les Douzecherchent dans la première communauté chrétienne des hommes qui s’occuperont ce que nous appellerions aujourd’hui les aspects sociaux de la vie communautaire. « Quant à nous, dit St Pierre, nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole. Et, dit le texte, cette proposition fut agréée par toute l’assemblée. » (Actes 6,4-5) Pour quels services voulons-nous demander des prêtres au Seigneur ?

La seconde question est liée à la première. Où trouver ces nouveaux prêtres ? Je connais des familles chrétiennes qui veulent que se lèvent des vocations mais dans la famille d’à-côté. Comment, dans vos familles, présente-t-on la vocation sacerdotale ? Si on insiste sur le petit salaire des prêtres, si l’on dit qu’on ne peut se marier, si l’on insiste sur le manque d’enfants, si l’on songe aux pauvres prêtres de campagne – et tout cela est vrai, bien sûr, et il ne convient pas d’être naïfs et de le cacher aux jeunes – mais si les familles chrétiennes ne disent que cela, alors je comprends que beaucoup de jeunes n’aient pas envie de donner leur vie au Seigneur Jésus. Toute vocation entraîne des privations, même la vocation au mariage. Mais quand deux amoureux se marient, ils sont entraînés par leur amour, et ils ont raison ; ils ne mettent pas au premier plan leurs futurs problèmes, même s’ils ont eu la sagesse de les évoquer. Parler de la vocation sacerdotale sans orienter les jeunes vers le visage du Christ, c’est se condamner à ne plus faire se lever de vocations. Mais cela pose, en arrière-plan, la question de la place du Christ dans la vie familiale, dans les engagements chrétiens de la famille, dans la qualité de la prière familiale.

 

Demander au Seigneur Jésus des prêtres pour qu’ils s’occupent de bien gérer la vie matérielle de la paroisse et pour multiplier les messes afin que chaque paroissien trouve son horaire sans bousculer son emploi du temps, je ne pense pas que ce soit une prière entenduepar notre Père. Demander des prêtres, dans la famille d’àcôté mais surtout pas dans la sienne, je ne pense pas que ce soit une prière encouragée par le Christ. Alors, quelle peut-être une bonne prière de demande ?

Laissons agir l’Esprit Saint en toute liberté. Pour cela, acceptons de parler avec autant de joie du sacerdoce que du mariage qui sont deux vocations admirables : de cette façon, le jeune aura la liberté de choisir vraiment.

Et, surtout, désirons fermement que le Christ soit un véritable membre de nos familles.

 

 

 

Homélie du 14 avril 2024   3ème dimanche de Pâques   Année B

par le père Jean Paul Cazes


Actes 3,13-15+17-19   Psaume 4   1 Jean 2,1-5a   Luc 24,35-48

 

Ah, que nous aimerions voir apparaître Jésus au milieu de nous, comme il est apparu non seulement aux deux disciples dEmmaüs, mais aussi aux Onze et à leurs compagnons. Mais nous aurions probablement les mêmes réactions qu’eux. Ils étaient saisis de frayeur et de crainte, ils étaient bouleversés, ils pensaient voir un fantôme, ils étaient joyeux mais n’osaient pas encore croire à ce qu’ils constataient,leur esprit était fermé. Quelle accumulation d’incroyance ! Aurions-nous d’autres réactions qu’eux ? Ils doutent. Alors, Jésus leur donne plusieurs portes d’entrée pour accueillir la foi en sa résurrection.

Il leur envoie sa paix, car, comme nous, ils en ont fondamentalement besoin.

Il se montre et il se laisse toucher : il utilise leurs sens pour se montrer à eux, il n’a pas honte de son corps ni du leur. Et même, il mange avec eux.

Ils les enseigne en utilisant l’Ecriture sainte.

Ainsi, trois chemins principaux pour communier à la résurrection du Christ : la paix, le repas, l’Ecriture.

La paix : nous la souhaitons en Ukraine, en Terre sainte et dans tous les lieux actuels de conflit. Mais la paix dont il s’agit est bien autre chose que le silence des armes. D’abord, c’est Jésus lui-même qui est la Paix, comme il est la Vie, la Vérité et le Chemin. Ensuite, la paix est en même temps un don divin et une mission humaine. Un don divin : c’est un des dons de l’Esprit Saint, une réalité qui nous est offerte, qui ne vient pas de nous ; c’est une grâce. Mais en même temps c’est une mission : « Bienheureux les artisans de paix » dit Jésus (Mt 5, 9). La paix du Seigneur fait partie de ces réalités qu’on obtient si on veut accepter d’abord de les donner. En ce sens, la paix est semblable à l’amour. C’est en marchant qu’on apprend à marcher.

Le repas : je suis toujours admiratif devant la pédagogie du Seigneur. Lui qui n’est pas un fantôme, il sait qu’il s’adresse à des gens qui ne le sont pas plus que lui. Il n’a pas honte d’utiliser d’humbles réalités matérielles pour nous toucher : l’eau, l’huile, le pain, le vin. Il sait parler de vent, de pluie, de nuages, d’oiseaux ; il sait que nous avons un corps, et que ce corps est, pour chacun de nous, le chemin de la connaissance. Au Moyen-Age, St Thomas d’Aquin disait : tout ce qui est dans notre intelligence est d’abord passé par nos sens. Jésus, qui n’avait pas lu St Thomas, savait bien que son enseignement ne serait assimilé que s’il passait par ce chemin corporel. Voilà pourquoi il se donne à manger.

Et puis, l’Ecriture. L’amour de l’Ecriture. La faim de l’Ecriture. Ignorer l’Ecriture, c’est ignorer le Christ, disait St Jérôme au Vème siècle. L’an dernier, grâce au père Yvan, nous avons lu l’évangile selon st Matthieu. Pourquoi ne pas lire cette année celui de st Marc par vous-mêmes ? C’est le plus court des quatre évangiles et le plus vivant. Permettez-moi de lever une difficulté. Certains n’osent pas lire la Bible parce qu’ils n’ont pas reçu de formation. Certes, la Bible en général, les évangiles en particulier, sont l’objet de nombreuses études savantes, et c’est heureux. Mais l’Ecriture, et le Nouveau Testament en particulier, est-elle réservée uniquement à ceux qui connaissent le grec, l’hébreu et le latin ? Non, bien sûr. La Parole de Dieu n’est réservée à personne, elle est ouverte à tous. Chacun peut – et doit – la lire pour en retirer des richesses pour sa vie. Je vais vous donner un petit exemple. Hier, l’évangile du jour donnait quelques versets du chapitre 6 de st Jean : les disciples sont dans la barque, la tempête souffle, Jésus vient à eux en marchant sur les eaux, ils ont peur mais Jésus les rassure. De tout cela, j’ai gardé une seule phrase : « Les disciples voulaient le prendre dans la barque. »Cette phrase m’a accompagné toute la journée ; je l’ai fait tourner dans ma tête ; et je me suis demandé plusieurs fois si je voulais vraiment prendre Jésus dans la barque de ma journée. Voyez, ce n’est pas très difficile ; ça n’exige pas de savoir des tas de choses. Tout le monde peut le faire, et heureusement, car la Parole de Dieu n’est pas réservée aux sages et aux savants.

 

La paix à recevoir et à construire ; les sacrements en général, l’eucharistie en particulier, à fréquenter ; l’Ecriture à lire et à manger : trois chemins par lesquels Jésus Ressuscité nous dit, chaque jour, sa présence réelle. A nous d’en être les témoins !

Homélie du 7 avril 2024    2ème dimanche de Pâques

Par le père Jean Paul Cazes

Actes des Apôtres 4,32-35   Psaume 117   1 Jean 5,1-6   Jean 20,19-31

 

Résonne dans ma mémoire ce verset des disciples d’Emmaüs : « Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. » Les disciples dEmmaüs font partie de l’évangile selon st Luc alors que notre évangile de ce jour appartient à st Jean. Or, vous avez peut-être remarqué que, dans cet extrait, le verbe voir revient 6 fois sous des formes différentes. En effet, le thème de la vue est un des thèmes importants de l’évangile selon st Jean.

Dès le début de cet évangile, on le pressent : « Au commencement était le Verbe …En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise. » (Jn 1, 1+4-5)

On peut ainsi lire la totalité de l’évangile de Jean comme une éducation du regard. Jean nous apprend à discerner peu à peu Celui qui affirme : « Je suis la lumière du monde. » (Jn 8,12)

Les deux premiers disciples appelés demandent au Maître : « Où demeures-tu ? » Jésus répond » : « Venez, et vous verrez » (Jn 1,39). A Nathanaël qui suit Jésus après avoir été appelé sous un figuier, Jésus affirme : « Tu verras des choses bien plus grandes …En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le cielouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. » (Jn 1,50-51) Voyez combien ce thème de la vue, ou du regard, est important chez st Jean : toutes les citations que je viens de vous donner sont extraits du seul premier chapitre.

La guérison de l’aveugle-né occupe la totalité du chapitre 9. Il se termine par un avertissement lancé aux pharisiens qui affirment « voir » le salut de Dieu par leurs seuls mérites alors que Jésus les considère comme des aveugles, c’est-à-dire aveuglés par leurs péchés. Et l’on parvient à la fin de l’évangile, au chapitre 20 où nous avons deux versets extraordinaires sur le thème de la vue. Le premier verset que je souhaite vous citer est le verset 8 ; le matin de Pâques, Pierre et Jean- courent au tombeau, Pierre entre d’abord puis l’autre disciple. Et Jean écrit : « Il vit et il crut. » Fabuleuse affirmation : que voit-il ? Rien, bien sûr, à part les bandelettes et le linge qui avait recouvert le visage de Jésus. Mais Jésus n’est plus dans le tombeau. Ce « Il vit et il crut » est comme un point d’orgue extraordinaire qu’il faudrait laisser retentir en nous. Enfin, les disciples voient véritablement ; jusque-là ils n’avaient pas compris l’Ecriture selon laquelle Jésus devait ressusciter. Aux disciples d’Emmaüs, Jésus ouvrira l’intelligence au sens de l’Ecriture qui, tout entière, parle de lui.

Et l’autre verset que je veux vous citer, vous le connaissez par cœur. Il est dans notre évangile : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Toute la pédagogie de l’évangile de Jean nous amène à réfléchir au moins à deux sujets, sinon plus évidemment.

Le premier est le rapport entre la foi et la vision. Comme Thomas, beaucoup, de nos contemporains disent spontanément : je croirai si je vois. Mais il y alà une contradiction dans les termes. Si en effet, nous voyons, il n’est plus besoin de croire. La foi repose non sur la vision immédiate, mais sur la confiance, comme le dit Ste Thérèse de l’Enfant Jésus. La foi n’appartient pas au domaine des évidences scientifiques, mais à celui des certitudes d’amour.

Le second sujet est tout à fait contemporain. Dans une civilisation qui donne de plus en plus à voir, savons-nous regarder ? Nous multiplions les photos grâce à nos téléphones, mais c’est pour les regarder à la va-vite au cours d’une réunion de famille. Nous allons au cinéma, mais savons-nous regarder un film ? C’est la même chose que la communication : dans le métro, comptez tous ceux qui tiennent leur portable en main et qui ne font pas attention à leurs voisins.

Encore une fois, l’évangile de Jean contient une pédagogie du regard. Savons-nous vraiment voir ? Savons-nous vraiment voir la présence du Christ dans un pauvre morceau de pain ? Savons-nous voir un être aimé de Dieu dans le voisin qui m’énerve ? Savons-nous voir dans, le marocain chez qui j’achète mes légumes, ou le membre de ma famille avec qui je suis fâché, savons-nous voir quelqu’un pour qui le Christ a donné sa vie ? Qu’est-ce qui nous empêche de voir vraiment, au-delà des apparences, comme les disciples d’Emmaüs ? Normalement, nous qui allons à la messe, nous avons appris à voir la présence réelle du Christ dans un pauvre morceau de pain.

Le temps pascal tout entier nous formera, à travers les récits des apparitions de Jésus, à la véritable vision, celle qui nous permet de dire, grâce à l’Esprit Saint, que l’homme Jésus, né d’une femme, est vraiment le Messie attendu et espéré, celui dont nous disons qu’il est mort et ressuscité. De cela, nous sommes les témoins à travers notre style de vie personnel et communautaire. (cfr.Lc 24,48)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Homelie du 18 février 2024   1er dimanche de Carême  Année B

 

par le Père Jean Paul Cazes


Genèse 9,8-15   Psaume 24   1Pierre 3,18-22   Marc 1,12-15

Baptême-Confirmation-première communion de Nké-Tabitha BIDZOGO

 

Il est possible que beaucoup d’entre vous ne connaissent pas le prénom « Tabitha ». On le trouve dans le livre des Actes des Apôtres, au chapitre 9, versets 36 à 43. Tabitha est une femme qui appartient à la communauté des premiers disciples ; elle vit à Joppé, l’actuelle Jaffa. Elle était, dit le texte, « riche des bonnes œuvres et des aumônes qu’elle faisait » (Ac 9,36), et donc certainement très aimée et respectée. A la demande de la communauté, Pierre va ressusciter cette femme qui venait de mourir ; comme Jésus pour la fille de Jaïre, Pierre ordonne : « Tabitha, lève-toi. » La conclusion de ce miracle : « Tout Joppé fut au courant, et beaucoup crurent au Seigneur. »

Si je vous résume ce passage des Actes des Apôtres, c’est que l’une d’entre nous a choisi ce nom comme nom de baptême.

Nké est une adulte, d’origine camerounaise. Après un long cheminement, et à travers de graves ennuis de santé, elle est entrée au catéchuménat il y a deux ans environ. Et voici qu’aujourd’hui ce chemin arrive à son terme : dans quelques instants, elle va recevoir les trois sacrements de l’initiation chrétienne : le baptême, la confirmation et l’eucharistie. Je viens d’ailleurs de dire une bêtise : si le catéchuménat de Nké s’achève, la vie chrétienne de Tabitha prend son essor. Son baptême n’est pas une fin mais une éclosion.

En ce premier dimanche de Carême, Tabitha nous rappelle l’importance primordiale de notre vie de baptisés-confirmés. Avant d’être un temps de privations et d’efforts, le Carême est un temps de renouvellement de notre propre baptême, un temps qui nous est donné pour demander la grâce d’être vraiment fils et filles de Dieu, et frères et sœurs les uns des autres.

Alors, avec Tabitha, et autour d’elle, vivons joyeusement ce Carême à la rencontre de Celui qui peut et qui veut nous ressusciter à chaque instant de notre vie.

En grec, le nom de Tabitha se traduit par « Gazelle » !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homelie du 14 janvier 2024     2ème dimanche   temps ordinaire   Année B

 

1 S 3,3b à 10+19   Psaume 39   1 Co 6,13c à 15a+ 17-20     Jn 1,35-42

 

Moi, je sais quel jour j’ai été ordonné – le 29 juin 1968, jour de la St Pierre-St Paul -, où j’ai été ordonné – à Notre Dame de Paris –, par qui – Monseigneur Marty – et à peu près à quelle heure – vers 11h : je dis « à peu près » car je ne regardais pas ma montre à ce moment-là.

J’imagine que vous aussi vous savez avec précision le jour où vous vous êtes rencontrés, ou celui ou vous vous êtes embrassés pour la première fois, ou bien celui où vous vous êtes mariés. Ou bien la date de votre premier emploi. Ou bien, ou bien, ou bien …

Il y a des dates marquantes, qui sont des repères, des dates que l’on fête comme des anniversaires, des dates qui orientent nos vies.

Ce fut le cas pour André et l’autre disciple qui est fort probablement Jean l’évangéliste. La rencontre de Jésus fut si marquante qu’en composant son évangile vers l’an 90, Jean se souvenait encore de l’heure exacte : « C’était la dixième heure. » c’est-à-dire environ quatre heures de l’après-midi.

L’évangile est ancré dans nos réalités humaines les plus terrestres et les plus concrètes. Le philosophe Michel Onfray, dans son dernier livre dont il a parlé l’autre jour à la télévision, s’intéresse à Jésus et au christianisme comme une histoire symbolique. Il nie l’existence concrète de Jésus mais accueille tout le symbole qu’elle représente en termes de justice, d’amour des autres, de paix … Si j’ai bien compris, le christianisme, pour Onfray, est une sorte de philosophie très respectable, qui ne s’enracine cependant dans aucune incarnation.

Pourtant, les détails comme celui qui nous est rapporté aujourd’hui nous parlent d’une réalité palpable, concrète, charnelle, au sens le plus positif du terme. Au sens où le Fils de Dieu s’est fait chair dans le sein d’une femme. Voilà pourquoi Paul, lorsqu’il écrit aux chrétiens de Corinthe, met le doigt sur la dignité du corps. Paul s’adresse à des chrétiens mal dégrossis, des hommes qui travaillent au port de Corinthe et dont la vie est probablement marquée par la débauche. Le corps, – leur corps – n’est pas fait pour la débauche ; il est le sanctuaire de l’Esprit Saint depuis que le Fils de Dieu s’est fait chair. Le corps humain, notre corps, est promis à la résurrection puisque, par le baptême, nous sommes vitalement liés au Christ mort et ressuscité. Dieu n’a pas honte de notre corps, il n’a pas honte de ce qu’il a créé. Par notre corps, nous sommes tous appelés à un chemin de chasteté, qui est un chemin de sainteté. Par pitié, ne confondons pas chasteté et célibat : célibataires, mariés, prêtres, religieux et religieuses, nous sommes tous appelés à la sainteté par la chasteté. Vous, les couples, dans votre vie affective, vous êtes appelés à la chasteté en vous donnant l’un à l’autre. Nous prêtres, religieux, religieuses, personnes consacrées, nous sommes appelés à la chasteté par le célibat. Mais, quel que soit notre chemin, notre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint, bien plus important et bien plus saint que n’importe quel tabernacle. D’où la conclusion de Paul : « Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps. »    

Le christianisme n’est pas une philosophie, mais la rencontre concrète, dans notre vie humaine, de Jésus, vrai Dieu et vrai homme. A André et à Jean qui cherchent à savoir qui il est, Jésus demande une chose très simple : « Venez … » Beaucoup pensent que pour avoir la foi, il faut d’abord se former et faire de longues études. Qu’il faille se former, je suis évidemment d’accord, mais il faut d’abord « venir », suivre Jésus, accepter de vivre avec lui pour pouvoir ensuite lui poser les questions qui nous brulent les lèvres : d’abord venir pour ensuite voir. La foi chrétienne ne vient pas après qu’on ait abordé toutes les questions, car alors elle ne viendrait jamais, tant les questions sont innombrables. La foi, c’est comme une brulure d’amour : on y va en confiance envers la personne qu’on aime. Et c’est sur le fondement de cette confiance qu’on va pouvoir voir. C’est parce qu’on sera venu avec lui, auprès de lui, qu’on verra.  

Ce passage, qui est au début de l’évangile selon saint Jean, est le parallèle inversé d’un autre passage qui est vers la fin du même évangile : l’épisode de Thomas. Pour croire, Thomas a voulu avoir des preuves. Jésus ne le lui reproche pas, ce n’est pas malsain de vouloir avoir des preuves ou des signes. Il n’empêche que Jésus dit : « Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20,29). La foi chrétienne ne vient pas comme la conclusion d’un raisonnement, mais comme un acte de confiance qui permet ensuite de réfléchir. Ma foi ne repose pas sur mon intelligence, c’est-à-dire sur moi-même, mais sur la confiance que j’accorde à Jésus.

 

« Venez et vous verrez » : pourquoi ne pas adopter cette phrase de Jésus comme devise personnelle et communautaire pour notre année chrétienne, à partir d’aujourd’hui, 12 janvier 2024, à sept heures du soir ?

 

 

Homelie du 7 janvier 2024     Dimanche de l’Epiphanie   Année B

Par le pere Jean Paul Cazes

Isaïe 60,1 à 6   Psaume 71 (72)   épître de saint Paul aux Ephésiens 3, 2-3a+5-6 Matthieu 2, 1 à 12

Depuis le temps que je vous le dis, vous avez certainement retenu qu’on ne connaît pas le nombre des mages, qu’on ne sait pas s’ils sont rois, qu’on ignore leur nom et qu’on ne sait pas si l’un d’eux était jaune, le second blanc et le troisième noir. Tout cela n’est pas dit dans l’évangile que je viens de lire, cet évangile qui est le seul passage des quatre évangiles où l’on parle des mages. Tout cela n’est que folklore. Et je ne mélange pas le folklore et la réalité.

Je crois, puisque Matthieu le dit, que des mages sont venus d’Orient pour adorer Jésus. Je sais même, grâce à eux, que Jésus avait peut-être deux ans lorsqu’ils sont arrivés auprès de lui. Vous savez que c’est sur l’indication des mages que le roi Hérode a fait massacrer les enfants de Bethléem ; or, l’évangile précise : « tous les enfants jusqu’à deux ans. » (Mt 2,16). Ce qui veut dire que les mages ne sont pas arrivés à la crèche tout de suite après les bergers.

Mais, encore une fois, j’essaie de faire la différence entre le folklore et ce que dit l’évangile auquel je fais confiance. Le folklore, par lui-même, ne m’ennuie pas ; ce qui m’ennuie, c’est que beaucoup estiment que savoir le nombre, le rang social, le nom et l’origine ethnique des mages fait partie de la foi. Je vous promets que non. Mais alors, dans cet épisode, où est la foi ?

Elle est dans ce que les premiers chrétiens ont su voir et qui est toujours vrai pour nous aujourd’hui. Saint Paul, dans sa lettre aux chrétiens d’Ephèse, l’exprime en quelques mots remarquables. Il écrit : « …toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile. » D’une autre manière onpourrait dire : le Dieu que les Juifs attendaient depuis des siècles vient de se manifester en Jésus. Et ce Dieu, né chez les Juifs, est offert à tous les peuples.

Les tout premiers chrétiens étaient juifs, comme la Vierge, comme les apôtres et les disciples ; mais très vite, grâce à l’action de Paul, beaucoup – et de plus en plus nombreux – sont venus de peuples non-juifs. Voilà pourquoi ces chrétiens se sont reconnus dans les mages qui venaient d’Orient, ce qui veut dire qu’ils n’étaient pas juifs. Dans la personne des mages, des non-juifs venaient adorer le Dieu des Juifs. D’où l’importance énorme de cette fête pour les premières générations de chrétiens : dans les mages, ils fêtaient l’accession des païens dans l’héritage transmis par les juifs.

C’est cela qui est important ; peu importe le nombre, le nom, le rang social et l’origine précise des mages. Ce qui compte, c’est ce que leur existence, à laquelle je crois, signifie que les païens sont associés aux richesses que Dieu a confiées aux juifs pour qu’elles soient enfin remises à tous les hommes.

C’est ce que Paul appelle un mystère. Dans le langage biblique, le mot mystère signifie : réalité de foi. C’est dans ce sens-là que le prêtre proclame tout de suite après la consécration : « Il est grand le mystère de la foi. » Aujourd’hui, le mystère de l’Epiphanie la réalité de foi de l’Epiphanie – est que tous les hommes sont associés au salut offert dans la personne de Jésus-Christ. Contrairement au mot mystère en français, le mystère de foi n’est pas caché mais dévoilé, manifesté : c’est le sens même du mot Epiphanie. Epiphanie signifie « manifestation », « révélation ». Le mystère de foi est révélé : « …par révélation, écrit Paul, (Dieu) m’a fait connaître le mystère…Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage » que le peuple juif. 

Voilà pourquoi l’Eglise tout entière ne peut être que missionnaire. Certes, il y a des missions particulières dans des contrées encore éloignées. Mais si l’un d’entre nous disait : je ne suis pas missionnaire, il n’aurait pas compris le sens du mystère de l’Epiphanie. Toutes les nations, tous les peuples, toutes les cultures, tous les âges sont appelés à entrer dans l’héritage de la foi. On n’est pas missionnaire de la même façon envers un chinois perdu au fin fond de sa province, ou son voisin de palier. Mais toutes les formes de mission sont nécessaires, et aucun baptisé ne peut dire : ce n’est pas de mon ressort.

Tant d’hommes, de femmes et d’enfants ignorent encore le Christ, y compris dans notre entourage, y compris dans nos familles. J’entends si souvent la douleur des grands parents devant l’athéisme pratique de leurs enfants, et l’absence de baptême pour leurs petits enfants ! Il y a encore tant à faire pour que le Christ soit connu, aimé et suivi !

 

Que les mages, qui ont marché si longtemps avant de découvrir Jésus, nous donnent leur espérance et leur patience : grâce à l’Esprit saint, le découragement n’est pas à l’ordre du jour.

Le mystère de foi de l’Epiphanie est toujours à l’œuvre !

Homelie de NOËL 2023

par le pere Jean Paul Cazes

Attention, Noël, DANGER !

Vous connaissez ces panneaux de circulation triangulaires qui signalent une sortie d’école. Eh bien, il en faudrait de semblables pour signaler Noël. Car Noël est bien loin d’être une fête ruisselante de bons sentiments et d’enfant Jésus guimauve tout rose et tout blond comme un Viking ; d’ailleurs, il devait plutôt être brun de peau et noir de cheveux, en bon sémite qu’il était !

Noël est si dangereux que beaucoup de nos compatriotes, sous prétexte de laïcité mal comprise, fêtent Noël sans Jésus. Noël est une fête de changement, de transformation, de conversion. Noël, fête de la naissance de Jésus, nous appelle à renaître chaque année. Quelqu’un a dit à peu près ceci : « Si Jésus naissait mille fois, cela ne servirait à rien s’il ne naît pas en nous. »

Nous sommes rassemblés pour fêter sa naissance, c’est une bonne chose. Mais, si nous avions la possibilité d’interroger Jésus, je ne sais pas s’il serait si heureux que cela. Car il n’est pas venu en ce monde pour qu’on le fête, mais il est venu pour nous faire naître. Si nous sortons de cette messe ou de ces jours de fête aussi vieux qu’avant, ce Noël n’aura servi à rien. Si notre vie chrétienne ne prend pas un coup de jeune, un coup de renouveau, à quoi bon fêter Noël ? Si nous voulons une fête pour la fête, le 1er janvier est là qui sert à ça !

Mais alors, comment naître avec Jésus en ce Noël ? Par exemple, en mettant réellement en œuvre deux mots clef d’aujourd’hui : Paix et Joie.

La Paix – pas la tranquillité – la Paix entre les hommes de bonne volonté, c’est ce qui rend gloire à notre Dieu. A part prier – ce qui est essentiel il nous est pratiquement impossible de réduire les différents conflits en cours. Mais nous pouvons faire beaucoup contre la violence quotidienne qui gangrène de plus en plus notre pays. Vous savez certainement qu’une nouvelle fois, le maire d’une petite ville s’est fait agresser avant-hier. La violence est partout, elle est en nous. Pouvons-nous nous contenter de ce constat, nous qui venons adorer le Prince de la Paix ? Bienheureux les artisans de Paix, bienheureux celles et ceux qui accepteront, grâce à l’Enfant de Noël, de jeter un coup d’œil sur leurs propres mouvements de violence pour demander à l’Esprit Saint le don de la maîtrise de soi. Pensons-y tout à l’heure au moment d’échanger un geste de paix avec nos voisins de ce soir,que nous ne connaissons peut-être pas, mais qui sont nos frères et sœurs dans la foi.

La Joie – pas la gaité, même si la gaité est sympathique – la Joie est une autre caractéristique de l’esprit de Noël. Elle est comme la Paix : pour l’avoir en nous, il faut paradoxalement la répandre. On ne peut la ressentir que si on la donne, ce qui demande un effort de sortie de soi. Il est possible que certains d’entre nous soient venus, ce soir, avec le cœur gros à cause de la santé, ou du travail, ou de la famille. Jésus n’est pas la solution miracle de tous ces problèmes. A priori, ce n’est pas lui qui guérira notre santé, qui nous trouvera un bon travail ou réconciliera la famille. Mais c’est lui qui nous garde l’espérance, c’est lui qui nous donne la force de combattre, c’est lui qui ouvre l’avenir, car, comme toutes les naissances, celle du Christ, Dieu fait homme, fait fleurir l’espérance.

 

Oui, Noël est un danger, un bienheureux danger qui nous pousse à ne pas nous refermer sur nous-mêmes, alors que nous aurions tendance à penser que nous sommes les plus malheureux des hommes.

Noël, fête de la naissance non seulement de Jésus mais de toute personne de bonne volonté.

 

L’espérance est dans la crèche de Jésus : il nous est seulement demandé d’aller la cueillir auprès de Lui.  

Homélie du 10 décembre 2023   2ème dimanche de l’Avent   année B

Isaïe 40,1-5+9-11   Psaume 84   2Pierre3,8-14   Marc 1,1-8

Depuis dimanche dernier, nous sommes entrés en Avent par la recommandation du Christ lui-même : « Veillez et priez ». Aujourd’hui nous sont donnés les premiers versets de st Marc : « Commencement de l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu ». Ou, autrement dit : « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus, Christ, Fils de Dieu. »

Nous sommes abreuvés de nouvelles. Et surtout de mauvaises nouvelles. Je ne vais pas en dresser la liste, vous la connaissez aussi bien que moi. En plus de ces mauvaises nouvelles, il y a les fake-news, les fausses informations qui créent des mouvements de panique ; souvenez-vous des débuts du covid : on ne trouvait plus ni moutarde ni farine à cause de rumeurs.

Comme on manque souvent d’éléments de discernement, on risque soit de privilégier un média qui devient alors parole d’évangile, soit de refuser toutes les sources d’information, et son se coupe du monde. On m’a cité le cas de quelques personnes qui ferment leur radio au moment du journal.

Tout cela pour dire que dans cet environnement nous risquons de ne pas recevoir à sa juste valeur la nouvelle qui nous est annoncée aujourd’hui. Bien sûr, nous croyons cette nouvelle ; nous croyons qu’elle est vraie, qu’elle nous concerne, qu’elle concerne le monde. Nous croyons en Jésus, fils de Marie, Fils de Dieu. Nous croyons qu’il est Christ, ce qui veut dire Messie. Nous croyons qu’il est mort et ressuscité. Nous croyons que nous communions à sa vie lorsque nous recevons le pain consacré lors de la messe. Nous croyons tout le credo même si nous butons parfois sur telle ou telle expression comme « les enfers », ou la « résurrection de la chair ». Oui, nous croyons tout cela mais comme si nous étions fatigués d’y croire. Où est l’enthousiasme des premiers chrétiens qui leur permit de gagner à la foi chrétienne le bassin méditerranéen ? Où est en nous la fraîcheur qui habite nos frères et sœurs les catéchumènes ?

Notre évangile met en scène Jean-Baptiste qui « proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. »  Une des manières de préparer Noël est de demander et de recevoir le pardon du Seigneur. Le sacrement du pardon n’est pas très populaire à notre époque, contrairement à d’autres époques. Il y a de nombreuses raisons à cela qu’il serait trop long de développer ici ; mais en voici au moins une : on ne veut plus se confesser car on ne sait plus comment faire. Pourtant, le « Je confesse à Dieu » est très explicite. Il nous permet de dire que nous péchons en pensée lorsque nous pensons du mal d’autrui, en parole lorsque nous disons du mal contre autrui, par action, et même par omission quand nous aurions pu faire du bien à quelqu’un et que nous ne l’avons pas fait. Pensée, parole, action, omission, voici une bonne grille de réflexion pour évaluer notre vie et demander pardon au Seigneur.

Oui, le sacrement du pardon est une des formes de conversion que nous offre le Seigneur. Mais il y a une autre conversion, plus profonde et plus essentielle qui nous est suggérée aujourd’hui : accepter que la venue du Fils de Dieu en notre chair soit une nouvelle absolue, et que cette nouvelle est bonne pour chacun de nous et pour l’humanité. La vie spirituelle, c’est-à-dire la vie selon l’Esprit de Jésus-Christ, comporte bien sûr une nécessité d’amélioration morale ; mais il n’est pas nécessaire d’être croyants pour vouloir s’améliorer ; il est probable que nous connaissions des personnes plus justes et plus droites que nous alors qu’elles ne sont pas chrétiennes. La vie spirituelle, c’est-à-dire la vie animée par l’Esprit de Jésus-Christ est une vie toute tournée vers le Christ. Alors, la conversion que nous avons à vivre aujourd’hui est d’accueillir Noël comme si nous ne le connaissions pas. Accueillir Noël avec un regard d’enfant qui découvre ce qu’il n’a jamais vu. Accueillir Noël comme une nouvelle radicalement neuve. Accueillir Noël comme une réalité capable de rajeunir notre cœur trop vieilli par la lourdeur de la vie. Accueillir Noël comme une nouvelle bonne pour nous et pour tous les hommes.

Cette conversion, ce retournement de tout notre être vers Jésus aura comme effet une amélioration morale. Et parce que nous nous serons convertis à Jésus, nous saurons demander et accueillir le pardon de nos péchés.

Que l’Esprit Saint réalise en nous, durant les jours qui qui viennent, ce que disait la première prière du début de cette messe : « Dieu de puissance et de miséricorde …forme-nous à la sagesse d’en-haut qui nous fait entrer en communion avec ton Fils. »

Homélie du 3 décembre 2023    1er dimanche de l’Avent   Année B

Isaïe 63, 16b-17+19b – 64, 2b-7   Psaume 79   1 Co 1,3-9   Mc 13,33-37

Par le père Jean Paul Cazes

Quels moyens prendre pour casser en nous, pour détruire, pour brûler,  pour jeter à la poubelle, pour se débarrasser une fois pour toutes de cette image d’un Dieu qui nous regarderait d’en haut, qui entendrait nos prières mais semble sourd, l’image d’un Dieu à qui il faudrait offrir des prières et des messes et des pèlerinages pour, qu’en échange, il daigne s’apercevoir de notre misérable existence ?

Parce que, quand nous disons « Dieu », c’est souvent de cela dont il s’agit. Oui, nous disons « Notre Père » au moins une fois par jour, mais nous risquons tours de penser « Jupiter ». Nous sommes très semblables à ces peuples d’Amérique du sud que les espagnols ont baptisés à tour de bras, qui disent le Notre Père et le je vous salue Marie, mais qui, au fond de leur âme et de leur culture, restent fidèles à leurs anciens dieux.

Nous croyons en un Dieu « là-haut », alors qu’il ne cesse de s’approcher de chacun de nous. Dans un mois, nous fêterons la venue en notre chair du Verbe de Dieu, Parole de Dieu qui s’incarne dans le sein très pur de Marie. Pour nous, c’est un moment de l’année, et après, la vie reprend avec ses exigences. Pour Dieu lui-même, c’est une attitude fondamentale. Pour nous, c’est le 25 décembre ; pour Dieu, c’est toute l’année.

Car le Dieu que nous révèle Jésus-Christ, ce Dieu qui n’est pas une idée, ni un concept, mais une personne aimante, ce Dieu-là est un Dieu qui vient perpétuellement à notre rencontre. Nous l’imaginons là-haut, alors qu’il ne cesse de venir à notre rencontre. A sa manière si poétique, le prophète Isaïe le dit : « Ah, si tu déchirais les cieux, si tu descendais …Voici que tu es descendu… » L’évangéliste Marc, dont nous commençons aujourd’hui la lecture, s’est probablement souvenu d’Isaïe dans son récit de la mort de Jésus quand il relate le fait suivant : « … Jésus expira. Et le voile du sanctuaire se déchira en deux du haut en bas. » (Mc 15,37-38). Grâce à Jésus qui donne sa vie, Dieu et les hommes ne sont plus séparés par quelque rideau que ce soit ; Dieu peut venir à nous à tout moment, y compris à l’improviste. C’est là qu’il serait bon d’entendre nos amis catéchumènes nous dire comment le Seigneur a fait irruption dans leur vie alors qu’ils ne s’y attendaient pas.

Nous reprochons à Dieu de ne pas nous entendre, de ne pas nous comprendre, de ne pas nous répondre. Mais n’est-ce pas plutôt nous qui ne savons pas accueillir sa venue ? Isaïe dit encore : « Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. » Ce qui veut dire, si j’ai bien compris, que, pour venir, Dieu cherche quelqu’un qui lui corresponde, quelqu’un qui, comme lui, aime la justice – c’est-à-dire la sainteté – et accepte de mettre en œuvre le commandement de l’amour. Est-ce Dieu qui se tient loin de nous, ou nous qui ne lui accordons pas d’importance ? L’aveugle peut-il accuser le soleil de ne plus briller ? Le sourd peut-il accuser la mélodie d’être inaudible ?

Le Dieu que nous révèle Jésus dans son incarnation est un Dieu qui ne cesse de venir à nous. Jésus nous a donné des moyens de reconnaître sa venue ; dimanche dernier, il nous a dit sa présence en ceux qui ont faim et soif, en ceux qui sont étrangers, nus, malades, en prison. Notre crèche ne vaudra rien si elle n’est pas remplie de ceux-là, ceux qui ressemblent à Jésus.

Dans sa mangeoire, Jésus nous apprend que Dieu est notre Père, notre rédempteur depuis toujours. Le Christ nous donne les moyens de casser définitivement cette image fausse, celle d’un Dieu tout-puissant dont la puissance ne serait que colère alors qu’elle n’est que miséricorde. Alors, puisque Dieu vient chez nous en la personne de son Fils, veillons et prions en reprenant les mots du psaume de ce jour :

 

Berger d’Israël, écoute …

Réveille ta vaillance

Et viens nous sauver…

Visite cette vigne (qui est ton peuple), protège-la…

Jamais plus nous n’irons loin de toi ;

Fais-nous vivre et invoquer ton nom !