Homélie du 26 février 2023    1er dimanche de Carême   Année A

Genèse 2,7-9 ; 3,1-7a     Ps 50    Romains 5,12-19     Matthieu 4,1-11

par le Père Jean Paul Cazes 

Quarante jour pour nous tourner vers Dieu ! C’est beaucoup et peu à la fois.

Quarante jours pour l’accueillir, Lui, et l’accepter comme le pivot de notre vie !

Bien sûr, il a une place dans notre vie, dans la vôtre comme dans la mienne. Mais le problème est bien là : on lui donne sa place, petite ou grande ; mais, en dehors de cette place, on fait tout sans lui. Un peu comme ceux qui viendraient, honnêtement, à la messe et qui, la messe terminée, vivraient leur vie sans aucun lien avec l’évangile.

Alors, quarante jours nous sont offerts pour nous permettre de découvrir que sans le Seigneur notre vie serait totalement différente. Je précise tout de suite ce que j’entends par « différente » en prenant un exemple que je pense vous avoir déjà donné. Un fiancé m’a dit un jour : Nous nous aimons, ma fiancée et moi. Avant, j’allais au travail, je payais mes impôts, je faisais du sport ; aujourd’hui, je vais au travail, je paye mes impôts, je fais du sport : rien n’est changé mais tout est différent.

C’est de cette différence-là dont je veux parler.

Croire dans le Seigneur Jésus-Christ, ne changera pas nos impôts, nos problèmes financiers, nos difficultés de santé, notre appréciation de l’action gouvernementale, notre anxiété face à la guerre en Ukraine... Notre foi ne changera pas cela, mais elle nous fait regarder tout cela d’une manière différente. Il ne s’agit pas de donner au Seigneur une place déterminée au milieu de nos activités, une place en dehors de laquelle il n’aurait, pour ainsi dire, pas moyen de sortir. Il s’agit par contre de colorer toutes nos activités avec le Seigneur, comme, au Moyen-Age, un chevalier se revêtait des couleurs de sa dame. La conversion n’est pas fondamentalement une question de quantité (dire plus de prières, aller plus souvent à la messe, donner plus aux mouvements caritatifs, même si toutes ces choses sont excellentes) ; c’est une question de coloration de toute notre vie. Ne rien changer, mais tout transformer, tout transfigurer.

Au bout de quarante jours, le Christ avait faim et soif, première tentation : il est vraiment un être humain, soumis aux exigences de la vie biologique, comme nous. Il a senti, comme nous, seconde tentation, le besoin d’être reconnu : n’est-ce pas pour nous sauver qu’il a partagé notre existence ? Il a senti aussi, troisième tentation, que le pouvoir lui était nécessaire, comme à nous, pour accomplir son œuvre.

Les besoins qu’il a ressentis sont les nôtres. Nous avons faim de pain, qu’il soit matériel ou spirituel ; nous avons faim de reconnaissance dans nos engagements comme dans notre propre famille; et, sans vouloir devenir chefs d’état, nous avons besoin d’un minimum de pouvoir pour accomplir notre devoir d’état. Tout cela, nous pouvons le vivre comme n’importe quel homme à peu près civilisé ; nous pouvons aussi le vivre comme un chrétien.

La tentation de Jésus a été d’employer pour lui-même la puissance qu’il a reçue pour nous. Or, il n’est pas venu dans ce monde pour se servir lui-même, mais pour nous servir et servir son Père. Alors, tous ses besoins de faim, de reconnaissance et de pouvoir, au lieu de les tourner vers lui, il les a tournés vers son Père. C’est ainsi que se termine la troisième tentation : « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »

Ne rien changer dans notre vie (sauf ce qui est contraire à l’évangile, évidemment), mais tout orienter vers le Père, dans l’Esprit de Jésus.

Tout transfigurer, tout orienter : c’est la description même d’une conversion qui exige un combat perpétuel.

 

Je vous laisse sur une citation de St Augustin que j’ai lue ce matin dans le bréviaire : « (Jésus) pouvait écarter de lui le diable ; mais s’il n’avait pas été tenté, il ne t’aurait pas enseigné, à toi qui dois être soumis à la tentation, comment on remporte la victoire. »