11ème dimanche ordinaire Année B
Ez 17, 22_24 Ps 91(92) 2 Co 5,6-10 Mc 4,26-34
Par le Père Jean Paul Cazes
Jésus est probablement un charpentier, comme son père Joseph, mais il est aussi paysan et poète.
Les deux paraboles qu’il nous donne aujourd’hui parlent de la croissance des plantes. C’est sous cet angle qu’elles ressemblent à la première lecture où Ezékiel parle aussi de la croissance d’un cèdre « sur la haute montagne d’Israël. »
Les paraboles sont des comparaisons. Jésus souhaite nous parler du Règne de Dieu et, pour cela, il utilise ce qu’il a remarqué dans la vie quotidienne des agriculteurs de Galilée. Ce sont des comparaisons, j’y insiste. Le Règne de Dieu n’est pas un homme qui jette en terre la semence ; le règne est comme un homme qui sème. Le règne de Dieu n’est pas une petite graine de moutarde, il est comme une graine de moutarde. Un peu comme le Saint Esprit n’est pas une colombe, mais comme une colombe.
De plus, la comparaison ne porte pas d’abord sur le semeur ou sur la graine. La comparaison porte, les deux fois, sur la croissance qui ne dépend pas du semeur, et sur la croissance inattendue pour une si petite graine.
Jésus est venu révéler l’existence du règne de Dieu à un peuple qui ne croyait pas à la vie éternelle. L’expression « royaume de Dieu », ou « royaume des cieux » est similaire à règne de Dieu mais elle a l’inconvénient d’indiquer un lieu ; or le royaume de Dieu n’est pas un lieu mais un état d’esprit. Il est donc préférable d’utiliser l’expression « règne de Dieu » qui met l’accent non pas sur un lieu, mais sur les valeurs que Dieu nous offre : l’amour, la joie, la paix, la justice ; et j’ose dire aussi : la vraie liberté, la vraie égalité et la vraie fraternité.
Toutes ces valeurs ont été semées dans notre terre par un homme, Jésus. Lui-même se compare à un semeur lorsqu’il dit dans son enseignement : « Ecoutez. Voici que le semeur est sorti pour semer. » (Mc 4, 3)
Jésus, par sa vie, son enseignement, ses gestes, sa mort et sa résurrection, a semé toutes ces semences. Elles sont déjà dans notre terre. La vie humaine de Jésus a été efficace. Devant les possibilités de découragement, de désespoir qui peuvent nous habiter, il y a là un premier acte de foi suggéré par Jésus : il a semé dans notre terre l’amour, la paix, la justice. L’acte de foi est nécessaire car nous voyons mieux et plus souvent autour de nous et en nous la haine, la rancune, la guerre et l’injustice. Nous sommes appelés à croire qu’amour, joie, paix, justice sont présents en nous et autour de nous et qu’ils travaillent la terre comme des ferments positifs.
Mais leur début est minuscule. On m’a dit quelques fois : : « Je regrette de ne pas avoir vécu du temps de Jésus ; je l’aurais suivi. » Peut-être. Moi, je pense plutôt que je ne l’aurais pas remarqué. Car, en réalité, peu l’ont vu au cours de sa brève vie terrestre. Pourtant, ça ne l’a pas empêché de semer toutes ses semences qui sont appelées à grandir.
La seconde parabole est très facile à faire comprendre aux petits enfants de 3 à 6 ans, non pas par des explications, mais en leur faisant mimer. Qu’est-ce que souhaitent les enfants, sinon grandir ? Ils sont comme une graine. Vous les asseyez par terre, et vous leur demandez de se faire le plus petit possible, de se recroqueviller sur eux-mêmes. Puis, par exemple sur un fond musical très léger, vous leur demander de se déplier lentement, puis de se lever, puis d’étendre les bras. Et lorsque leurs bras sont tendus, vous y accrochez ce que vous avez découpé à l’avance : des nids d’oiseaux, des feuilles, des fleurs … Je vous assure qu’ils comprennent très bien cette parabole de la croissance du règne de Dieu.
C’est par exemple de cette manière qu’on peut honorer la dernière remarque de Jésus : « Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre …dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. » Jésus est un excellent pédagogue. Il est venu nous révéler l’existence du Règne de Dieu et nous donner les moyens d’y accéder. Mais cette vérité, il ne nous l’assène pas en nous disant : « C’est la vérité, tant pis si vous ne la comprenez pas ! » Toute vérité est bonne à dire si elle est dite avec délicatesse ; toute vérité est bonne à dire mais si elle est dite pour le bien de l’auditeur. Et Jésus, qui est pédagogue, ne délivre pas la vérité sans faire attention à la manière dont ses auditeurs sont capables de l’accueillir. Pour être bonne pour nous, la vérité de Jésus nous est donnée avec charité, c’est-à-dire avec délicatesse et pédagogie. La vérité sans la charité risque de blesser ; la charité sans la vérité risque de n’être que de la guimauve. Le psaume 84 affirme avec beauté : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent. » (Ps 84,11)
Voilà pourquoi le règne de Dieu a des débuts si petits : pour ne pas nous effrayer. Les débuts du règne de Dieu sont aussi petits que Jésus dans sa crèche.Mais leur croissance nous mène, avec Jésus, jusqu’au cœur de Dieu.