Homélie du 3e dimanche du temps ordinaire – 24 janvier 2021

Par le Père Jean Paul Cazes

Jon 3, 1-5+10     Ps 24     1 Co 7,29-31     Mc 1,14-20

Ce troisième dimanche du temps ordinaire est devenu le dimanche de la Parole de Dieu par la décision du Pape François.

 

« Dieu dit … et cela fut. »

Vous connaissez ce refrain : on le trouve dix fois de suite dans le merveilleux poème de la Création du monde, au premier chapitre du livre de la Genèse.

« Dieu dit : Que la lumière soit … Et la lumière fut… Dieu dit : Qu’il y ait un firmament … Il en fut ainsi… »

C’est la plus ancienne description de Dieu : un Dieu qui parle et dont la parole est efficace. Un Dieu dont la parole et l’action ne sont pas séparées. Un Dieu qui dit vrai, un Dieu à la parole de qui on peut faire confiance.

Il a fallu dix siècles d’histoire, dix siècles de prière et de méditation, dix siècles de sainteté et d’infidélités, dix siècles de péché et de pardon pour que le peuple de Dieu, en la personne de St Jean, disciple de Jésus, puisse écrire ces mots fabuleux : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. » (Jn 1,1)

Il a fallu dix siècles pour arriver à concevoir que la Parole de Dieu n’était pas quelque chose mais quelqu’un. Cette Parole de Dieu, ou ce Verbe de Dieu, c’est Jésus, fils de Marie, mort et ressuscité pour tous les hommes. La Parole de Dieu a pris chair ; et dès lors elle a pu traduire en mots humains la pensée éternelle de son Père. La Parole de Dieu qui a créé le monde a accepté de devenir créature pour se mettre à notre portée.

On lit dans le livre du Deutéronome (Dt 8,3) : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu ». Ce qui était une merveilleuse image, Dieu lui-même l’a prise au mot : c’est de la bouche de Jésus que sort toute parole nourrissante pour nous.  Pour nous, Jésus, vraie Parole de Dieu faite chair, est devenu aussi notre vrai Pain. Pain et Parole sont intimement liées dans la messe que nous célébrons. On ne peut pas célébrer l’Eucharistie et communier au Pain vivant si on ne célèbre pas d’abord la Parole de Dieu. C’est ainsi que la phrase du Deutéronome que je viens de vous citer est en quelque sorte prémonitoire ; elle annonce, avec quelques siècles d’avance, la forme du culte qui nous rassemble aujourd’hui pour nous nourrir. La messe contient, de façon inséparable, le temps de la Parole et le temps de l’Eucharistie. « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. » Pour la vérité de notre foi, nous ne pouvons pas nous contenter de recevoir l’Eucharistie si nous ne lisons jamais au moins les Evangiles.

 

Lorsqu’à la fin de la lecture de l’Evangile, le prêtre dit : « Acclamons la Parole de Dieu », ce n’est pas un livre que nous acclamons, c’est le Christ dont les paroles viennent d’être proclamées. Le livre est vénérable, la Bible est vénérable, mais elle renvoie à Celui qui est la Parole véritable, le Christ Jésus. Quand nos frères musulmans parlent de nous, ils disent que nous sommes la religion du Livre. Ils n’ont pas saisi ce qui est le fondement de notre foi. Ce n’est pas un Livre, si saint soit-il :  c’est Dieu fait homme et rempli d’Esprit Saint. Je vous ai déjà cité mon ancien professeur d’Ecriture sainte, le Père Trinquet, un savant, très méticuleux sur la connaissance du texte biblique. Ce savant nous a dit un jour : « Mes amis, notre religion ne repose pas sur de vieux bouts de papyrus. Elle repose sur l’Esprit Saint. » Nous ne croyons pas en un texte, mais en Dieu le Père, en Dieu le Fils mort et ressuscité, en Dieu l’Esprit Saint. Par contre, le texte, lu et relu, étudié, discuté, « mâchonné », est le témoignage le plus précieux de la pédagogie de Dieu qui, à travers l’histoire très concrète d’un petit peuple, nous amène jusqu’à rencontrer la Parole de Dieu faite chair. Voilà pourquoi lire la Bible, toute la Bible, et pas seulement le Nouveau Testament, est si important pour nourrir notre foi. Toute la Bible, y compris à travers ses difficultés, est le chemin que Dieu a pris pour nous mener à rencontrer, à écouter, à communier et à suivre sa propre Parole devenue homme pour que, en échange,  nous soyons divinisés.

 

Comme je vous l’ai dit, et comme vous le savez certainement, ce troisième dimanche du temps ordinaire est le dimanche de la Parole de Dieu. Une des raisons de cette qualification est que ce dimanche est fêté pendant la Semaine de prière universelle pour l’unité des chrétiens. Si beaucoup de sujets nous séparent encore des protestants, des orthodoxes et des anglicans, des sujets fondamentaux nous unissent déjà : le même baptême, le même Notre Père, la même Bible, le même amour et la même foi en la personne de Jésus, né de Marie, notre Seigneur, mort et ressuscité pour tous les hommes. Longtemps, nous, catholiques, nous avons pensé que la Bible était « protestante ». La Bible n’est ni protestante, ni orthodoxe, ni catholique : elle appartient à tous ceux qui reconnaissent en Jésus-Christ la Parole de Dieu faite chair. Anglicans, catholiques, orthodoxes, protestants, malgré nos différences encore sensibles, nous sommes rassemblés par la même Parole de Dieu, cette Parole vivante qui a dit juste avant de mourir : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient un en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,21)

 

Telle est la Parole de Dieu : une Parole de vérité et de réconciliation en vue de la foi du monde. Et cette Parole est efficace : voilà pourquoi je crois que l’unité entre baptisés est en marche pour que le monde croie en Jésus-Christ.