Isaïe 63, 16b-17+19b – 64, 2b-7 Psaume 79 1 Co 1,3-9 Mc 13,33-37
Par le père Jean Paul Cazes
Quels moyens prendre pour casser en nous, pour détruire, pour brûler, pour jeter à la poubelle, pour se débarrasser une fois pour toutes de cette image d’un Dieu qui nous regarderait d’en haut, qui entendrait nos prières mais semble sourd, l’image d’un Dieu à qui il faudrait offrir des prières et des messes et des pèlerinages pour, qu’en échange, il daigne s’apercevoir de notre misérable existence ?
Parce que, quand nous disons « Dieu », c’est souvent de cela dont il s’agit. Oui, nous disons « Notre Père » au moins une fois par jour, mais nous risquons tours de penser « Jupiter ». Nous sommes très semblables à ces peuples d’Amérique du sud que les espagnols ont baptisés à tour de bras, qui disent le Notre Père et le je vous salue Marie, mais qui, au fond de leur âme et de leur culture, restent fidèles à leurs anciens dieux.
Nous croyons en un Dieu « là-haut », alors qu’il ne cesse de s’approcher de chacun de nous. Dans un mois, nous fêterons la venue en notre chair du Verbe de Dieu, Parole de Dieu qui s’incarne dans le sein très pur de Marie. Pour nous, c’est un moment de l’année, et après, la vie reprend avec ses exigences. Pour Dieu lui-même, c’est une attitude fondamentale. Pour nous, c’est le 25 décembre ; pour Dieu, c’est toute l’année.
Car le Dieu que nous révèle Jésus-Christ, ce Dieu qui n’est pas une idée, ni un concept, mais une personne aimante, ce Dieu-là est un Dieu qui vient perpétuellement à notre rencontre. Nous l’imaginons là-haut, alors qu’il ne cesse de venir à notre rencontre. A sa manière si poétique, le prophète Isaïe le dit : « Ah, si tu déchirais les cieux, si tu descendais …Voici que tu es descendu… » L’évangéliste Marc, dont nous commençons aujourd’hui la lecture, s’est probablement souvenu d’Isaïe dans son récit de la mort de Jésus quand il relate le fait suivant : « … Jésus expira. Et le voile du sanctuaire se déchira en deux du haut en bas. » (Mc 15,37-38). Grâce à Jésus qui donne sa vie, Dieu et les hommes ne sont plus séparés par quelque rideau que ce soit ; Dieu peut venir à nous à tout moment, y compris à l’improviste. C’est là qu’il serait bon d’entendre nos amis catéchumènes nous dire comment le Seigneur a fait irruption dans leur vie alors qu’ils ne s’y attendaient pas.
Nous reprochons à Dieu de ne pas nous entendre, de ne pas nous comprendre, de ne pas nous répondre. Mais n’est-ce pas plutôt nous qui ne savons pas accueillir sa venue ? Isaïe dit encore : « Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. » Ce qui veut dire, si j’ai bien compris, que, pour venir, Dieu cherche quelqu’un qui lui corresponde, quelqu’un qui, comme lui, aime la justice – c’est-à-dire la sainteté – et accepte de mettre en œuvre le commandement de l’amour. Est-ce Dieu qui se tient loin de nous, ou nous qui ne lui accordons pas d’importance ? L’aveugle peut-il accuser le soleil de ne plus briller ? Le sourd peut-il accuser la mélodie d’être inaudible ?
Le Dieu que nous révèle Jésus dans son incarnation est un Dieu qui ne cesse de venir à nous. Jésus nous a donné des moyens de reconnaître sa venue ; dimanche dernier, il nous a dit sa présence en ceux qui ont faim et soif, en ceux qui sont étrangers, nus, malades, en prison. Notre crèche ne vaudra rien si elle n’est pas remplie de ceux-là, ceux qui ressemblent à Jésus.
Dans sa mangeoire, Jésus nous apprend que Dieu est notre Père, notre rédempteur depuis toujours. Le Christ nous donne les moyens de casser définitivement cette image fausse, celle d’un Dieu tout-puissant dont la puissance ne serait que colère alors qu’elle n’est que miséricorde. Alors, puisque Dieu vient chez nous en la personne de son Fils, veillons et prions en reprenant les mots du psaume de ce jour :
Berger d’Israël, écoute …
Réveille ta vaillance
Et viens nous sauver…
Visite cette vigne (qui est ton peuple), protège-la…
Jamais plus nous n’irons loin de toi ;
Fais-nous vivre et invoquer ton nom !