Ap 7,2-4+9-14 Ps 23 1 Jn 3,1-3 Mt 5,1-12a
par le Père Jean Paul Cazes
J’imagine sans difficulté que beaucoup d’entre nous souhaitent qu’il y ait beaucoup de prêtres. Moi-même, chaque soir, je prie pour les prêtres que je connais tout en souhaitant que des jeunes répondent à cet appel.
Nous voulons des prêtres, mais pourquoi faire ? La réponse semble trèssimple : pour donner les sacrements.
Mais à quoi servent les sacrements ?
Je me souviens d’une rencontre avec des parents qui souhaitaient le baptême pour leur enfant. A la question tout simple : « Pourquoi voulez-vous que votre enfant soit baptisé ? » un papa m’avait répondu : « Pour qu’il soit protégé contre Dieu. »
Si cette réponse m’a chagriné, elle ne m’a pas étonné. Elle vient de très loin, du fond des siècles. Il y a des siècles et des siècles, je dirais même des millénaires, les hommes assimilaient à Dieu les forces de la nature. D’ailleurs on voit cela dans les passages les plus anciens de la Bible. Les forces de la natureétaient divinisées car souvent incontrôlables ; la pauvre Jamaïque vient de subir un terrible ouragan meurtrier. Si donc les forces de la nature étaient Dieu, il fallait s’en protéger ; et Dieu lui-même avait donné des moyens de se protéger de lui : ce sont toutes les incantations magiques qu’on peut trouver chez les religions antiques ou chez les peuples primitifs. Il suffisait alors de bien appliquer ces rites et ces prières magiques pour se mettre à l’abri de la colère divine.
Ces rites magiques ont perduré ; ils existent encore à notre époque, et dans notre pays. Car, sous des aspects chrétiens, beaucoup de nos concitoyens ne sont pas encore christianisés. Beaucoup de nos concitoyens ont peur de Dieu et viennent à l’église, ou demandent un sacrement, ou souhaitent des prières pour se protéger contre Dieu et se servir de lui : « Je te donne une prière, ou je te fais dire une messe, ou je vais en pèlerinage et toi, Dieu, en revanche, tu me donnes telle ou telle chose. » On conçoit Dieu comme une sorte de distributeur automatique, ou comme une immense force contre laquelle il est préférable de se protéger. Voilà à quoi servirait les sacrements, et voilà quel serait le ministère des prêtres.
Là, on fait fausse route !
Si les sacrements sont plus que nécessaires, ce n’est pas pour nous protéger de Dieu, mais, au contraire, nous rapprocher progressivement de Lui. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’Il nous aime, lui qui est notre Père. Jésus est venu pour nous délivrer de la peur de Dieu. Le brave papa dont je vous parlais tout à l’heure se trompait de Dieu ; il croyait en un Dieu tout puissant et terrible ; il n’était pas encore chrétien. Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu dont la toute-puissance consiste à nous aimer. Dieu, tel que Jésus nous en parle, ne sait qu’aimer ; si j’ose dire, il ne sait faire que ça. C’est ce que nous dit st Jean dans notre seconde lecture : « Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. »
Les sacrements nous rapprochent de ce Dieu-là. Les sacrements nous emmènent vers la sainteté qui est la vie même de Dieu. La sainteté ne vient pas de nous, elle vient de Dieu, elle est un cadeau de son amour, elle n’est pas d’abord une perfection morale qui viendrait de nous. Les saints que nous honorons aujourd’hui ne sont pas devenus saints à la force du poignet ; ils ne sont pas devenus saints par leurs seuls mérites ; ils sont devenus saints parce qu’ils ont cru vraiment que Dieu les aime ; et ils ont accepté de répondre à son amour, même de façon maladroite.
La vocation de l’être humain, ce n’est pas de se marier et d’avoir des enfants, même si cela est très bon. La vocation de l’être humain, ce n’est pas d’accéder à un poste supérieur où il sera mieux payé, même si cela est utile. La vocation de l’être humain, ce n’est même pas de devenir religieuse, ou religieux, ou prêtre : la vocation de l’être humain, c’est de devenir un être totalement épanoui grâce à l’amour que lui porte Dieu. En un mot, la vocation de l’être humain est de devenir saint. Par pitié, merci d’enlever des têtes tout ce qui est du folklore : toutes les images bêtifiantes genre sulpicien qu’on voit souvent sur les tableaux ou dans les statues. Cela ne sert souvent qu’à nous éloigner de la vraie sainteté. La sainteté, c’est quelque chose de sérieux, de vital. La sainteté n’est pas quelque chose « en plus » de notre vie humaine. Elle est le sens fondamental de notre vie humaine, telle que Dieu, notre Père, nous l’offre. Nous sommes créés pour devenir saints. La réussite de la vie d’un être humain est de marcher vers la sainteté. St Jean le dit à sa manière : « Et quiconque met en (Dieu) une telle espérance se rend pur – c’est-à-dire saint – comme lui-même est pur. »
Si c’est pour cela que nous voulons des prêtres, si c’est pour cela que noussouhaitons recevoir par leur ministère les sacrements, alors nous sommes sur le bon chemin, le chemin de Celui qui nous a dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » c’est-à-dire Jésus-Christ !
