Par le père Jean Paul Cazes
Is 35, 1+6a-10 Ps 145 Jac 5,7-10 Mt 11, 2-11
« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Pour ce troisième dimanche de l’Avent, j’en resterai à cette phrase. Le contexte en est clair : Jean-Baptiste, le cousin de Jésus, est en prison. Il envoie deux de ses disciples interroger Jésus. Est-ce pour lui-même qu’il fait poser cette question, ou pour éclairer ses disciples ? Vous savez peut-être que, durant le ministère de Jésus, les juifs se demandaient qui était le Messie : était-ce Jésus ou était-ce Jean ? Jean lui-même connaissait évidement la réponse mais pas forcément très clair pour sesdisciples ; voilà pourquoi il les envoie auprès de Jésus.
Les Juifs attendaient le Messie depuis Moïse. Mais quels étaient les critères pour le reconnaitre ? Certains attendaient qu’il soit le nouveau roi d’Israël : rappelez-vous les acclamations de la foule le jour des Rameaux. D’autres attendaient qu’il soit le nouveau grand Prêtre qui remplacerait le grand Prêtre d’alors qui collaborait avec les romains, ces occupants païens.
A la question de Jean, Jésus va répondre par des faits, des faits qui ont été annoncés il y a bienlongtemps par plusieurs prophètes comme Isaïe : « Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteuxbondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. » Et Jésus dit : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouventla vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. »
Les disciples envoyés par Jean sont les témoins de ce que Jésus réalise. Ils vont pouvoir rapporter à leur maître ce que fait Jésus et en tirer la conclusion qui s’impose : Jésus est vraiment celui qui est attendu. Le temps de la germination a été long ; Israël a dû attendre avec patience, mais le temps est venu, le Messie est présent.
Dans ce temps de Noël, est-ce vraiment Jésus que nous attendons ? Si vous aviez le loisir de me répondre, vous diriez spontanément « Oui ». Mais est-ce bien lui que nous espérons ? Et, si oui, à quelsigne – au singulier comme au présent – le reconnaissons-nous ? Il est trop facile de seulement répéter les signes que Jésus lui-même donnait : guérisons d’aveugles, de sourds, de boiteux, résurrection des morts. Il est trop facile de répéter ce que nous avons appris au catéchisme, ou ce que nous découvrons au catéchuménat, pour affirmer que Jésus est le Messie, aujourd’hui, comme hier, et qu’il est mon Messie, celui qui vient pour moi !
Qu’est-ce qui, dans la vie du monde, dans celle de l’Eglise, et dans ma propre vie peut me permettre d’affirmer : Jésus est LE Messie ? Avons-nous soif de rencontrer Jésus, tel qu’il est, et avec les conséquences que cette rencontre entraîne, ou attendons-nous seulement de fêter en famille et entre amis un moment de détente, en dehors de la vie préoccupante du monde ?
Car, rencontrer Jésus est dangereux : je mets ce mot entre guillemet. Oui, il est dangereux de rencontrer Jésus, de le rencontrer en profondeur, d’homme à homme si j’ose dire. Car, le rencontrer, c’est accepter d’entrer dans sa manière de vivre ; le rencontrer, c’est accepter de changer quelque chose dans notre vie ; le rencontrer, c’est ouvrir les yeux sur ce qu’il est et ce qu’il fait ; c’est ouvrir les oreilles à son enseignement ; c’est accepter de marcher à ses côtés jusqu’à la croix ; c’est accepter d’être purifiés de nos lèpres. Ce sont là toutes les conséquences de Noël, voilà pourquoi je disais que c’est dangereux de rencontrer Jésus : il nous fait sortir de notre zone de confort, comme on dit maintenant.
Nous préparons-nous, au cours des dix jours qui nous restent, à accueillir celui qui vient changer nos vies, ou attendons-nous un messie de pacotille qui sera oublié sitôt passé le 25 ? Faisons nôtre, aussi profondément que possible, la parole de st Jacques : « Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche. »
