Homélie du 10 janvier 2021 Baptême du Seigneur

par le Père Jean Paul Cazes

Isaïe 55,1-11     Cant. Is 12, 4bcd+5-6     1 Jn 5, 1-9     Mc 1, 7-11

 

Par cette fête du Baptême de jésus, nous sommes encore dans le temps de Noël. La liturgie nous incite à voir plus large que ce que nous pensons ordinairement. Pour nous, Noël est passé ; pas pour la liturgie, et c’est elle qui a raison. Noël n’est pas seulement le 25 décembre; c’est une manière d’être, c’est une vie. Pour essayer de caractériser Noël et le temps de Noël, on peut dire qu’il s’agit d’un échange, et même d’un admirable échange. La liturgie le dit en latin : un « admirabile commerium. » En Jésus, Dieu se fait homme pour que nous soyons élevés à la dignité de fils et de filles de Dieu. En Jésus, Dieu se fait mortel pour que nous puissions accéder au Royaume de Dieu. En Jésus, Dieu se plonge dans notre état de pécheurs, sans pécher lui-même, pour nous offrir sa sainteté.

 

Par la fête d’aujourd’hui, Jésus se plonge dans le baptême incomplet donné par Jean-Baptiste pour nous offrir son Baptême, c’est-à-dire sa mort et sa résurrection. Par le baptême que nous avons reçu, nous n’avons pas été plongés dans l’eau du Jourdain, mais dans la mort et la résurrection de Jésus. La fête d’aujourd’hui n’est pas la fête de notre baptême mais la fête du baptême donné par Jean et reçu par Jésus. La fête de notre baptême, c’est Pâques.

 

Mais aujourd’hui, nous continuons à nous émerveiller de ce que fait Jésus pour nous : dans sa naissance, dans sa sainte famille, dans son épiphanie, dans son baptême, il ne cesse de venir habiter dans nos pauvres réalités humaines pour nous élever dans sa réalité divine. Le temps de Noël qui se termine aujourd’hui est vraiment le temps de l’admirabile commercium.

 

Le temps de Noël, qui s’est ouvert par une naissance, se termine sur une autre naissance, une naissance qui ouvre tout l’évangile : la naissance spirituelle du Fils de Dieu.

Je ne vous apprends rien si je vous dis que l’évangile selon st Marc, celui que nous allons suivre au long de notre année liturgique, l’évangile selon st Marc ne mentionne pas la naissance charnelle de Jésus. Luc et Matthieu en parlent. St Jean évoque, si je puis dire, la naissance éternelle du Verbe de Dieu : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. » : vous connaissez cet admirable Prologue de St Jean ! Mais dans Marc, rien de tout cela.  

Marc commence son évangile par le témoignage, en quelques rapides versets, de Jean-Baptiste qui offre un baptême d’eau et de conversion. Et tout à coup, de manière inopinée, sans transition, le texte nous place en présence du Sauveur : « En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. »

Il est évident que st Marc était conscient de ce qu’il écrivait en ce qui concerne le baptême reçu par Jésus : l’eau du Jourdain, les cieux qui s’ouvrent, l’Esprit qui descend sur Jésus, la voix du Père. Par contre, je ne sais pas si Marc était conscient du fait que les mots qu’il utilise évoquent vraiment une naissance : Jésus est plongé dans les eaux, puis il sort des eaux et les cieux s’ouvrent (je pense que ce sont des réalités qui parlent aux mamans) ; puis l’Esprit qui descend non seulement comme une colombe mais comme un vêtement ; enfin la voix paternelle qui reconnaît – au sens fort du terme – l’homme Jésus comme son propre Fils.

Je précise tout de suite : Jésus n’est pas devenu Fils de Dieu le jour de son Baptême ; Jésus est Fils de Dieu dès sa conception dans le sein de Marie. Mais puisque Marc ne raconte pas la naissance humaine de Jésus, il l’évoque avec des mots très forts au moment du baptême. Ce baptême est réellement une naissance par l’eau et dans l’Esprit comme Jean l’a annoncé : « Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

 

Que la naissance de Jésus soit racontée par Matthieu et Luc, qu’elle soit évoquée par Jean et Marc, la réalité est la même : depuis sa naissance charnelle et spirituelle, le Christ vient au milieu de nous, en nous. Il partage notre existence pour nous faire partager la sienne. Il est vraiment fils de Marie comme nous pour que nous devenions fils et filles de Dieu comme lui.

Le temps de Noël, dans toute son extension, depuis la Nativité jusqu’au Baptême de Jésus, est le temps de l’admirable échange entre le Christ et nous.

Noël est bien plus qu’une date sur le calendrier : c’est un style de vie.

 

Notre ligne spirituelle pourrait donc être celle-ci : comment vivre humblement mais réellement dans l’esprit de Noël durant les jours qui viennent ? Autrement dit : pour nous, chrétiens, qu’est-ce qui reste de Noël dans notre vie, à part le souvenir d’un moment heureux pour certains, ou difficile pour d’autres ?

Que l’Esprit Saint nous aide à mettre en pratique l’esprit du temps de Noël !