Homélie du 10 août 2025   19ème dimanche ordinaire    Année C

Sg 18,6-9   Ps 32   Hbx  (lecture brève) 11,1-2+8-12

Lc (lecture brève) 12,35-40

par le père Jean Paul Cazes

​Dans cette page d’évangile, Jésus parle beaucoup de service : « Restez en tenue de service… », « Heureux ces serviteurs… », « passera pour les servir. » Et encore, je ne vous ai lu que la première partie. 

​Le mot service, ou le verbe servir, est la devise de beaucoup d’organisations, depuis les scoutsjusqu’aux soldats, en passant par les pompiers, les infirmières et tant d’autres. Jésus parle de ce qu’il connaît par expérience puisqu’il est venu non pour être servi mais pour servir comme il le dit lui-même. Vous avez certainement remarqué ce renversement étonnant :  c’est lui qui, la ceinture aux reins, servira à table les serviteurs qui auront veillé à son retour des noces. Lorsque j’étais curé à Neuilly, un de mes servants de messe était un ancien vice-amiral pour qui c’était un honneur de servir la messe. Lors de son enterrement, son épouse avait choisi notre évangile ; et, en souriant, je me suis plu à imaginer Jacques,tout gêné d’être servi par son Seigneur alors qu’il avait passé sa vie à servir. 

​Oui, tout ce qui tourne autour du service revient souvent dans la bouche de Jésus. Pourtant, ce n’est pas une leçon de bonne morale qu’il veut nous donner. En jouant avec les mots, je dirais que la notion de service est ici au service d’une réalité infiniment plus importante, une réalité que Jésus nousoffre dès le début : « …votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. » Vous savez que l’expression royaume de Dieu, ou royaume des cieux,revient souvent dans l’enseignement du Seigneur. Par de nombreuses paraboles, il nous en parle commed’une réalité qui, pour lui, est tangible, j’allais dire concrète, sensible. Ce royaume n’est autre que la vie absolue, la vie d’amour, de paix et de justice qu’il est venu instaurer par son enseignement, sa vie, sa mort et sa résurrection. Nous sommes entrés dans cette vie par notre baptême ; nous ne la méritons pas, quelle que soit l’importance de nos bonnes actions. Cette vie qui est la vie même de Dieu, est un don gratuit, un don d’amour de notre Père. Ce n’est pas une vague promesse mais une affirmation : « votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. »

​Est-ce que ce cadeau nous intéresse ?

Pour nous aider à répondre, Jésus avance deux séries de propositions, l’une à propos de ce que nous possédons, l’autre en ce qui concerne notre manière de vivre. Deux séries de propositions sur notre avoir et sur notre être. 

D’abord sur notre avoir. Les propos de Jésus sont excessifs dans leur forme, mais ils veulent nous secouer en disant : votre vie future ne dépend pas de ce que vous avez. Le Seigneur sait que nous avons besoin de biens matériels ; il ne nous demande pas de devenir de nouveaux François d’Assise. Mais il nous rappelle, un peu brutalement, que, finalement, la valeur de notre vie ne vient pas de ce que nous possédons mais de la manière et dans quel esprit nous les gérons. Le véritable pauvre est celui qui accepte de gérer ses biens en vue de Dieu comme nous l’a rappelé l’évangile de dimanche dernier. Où est notre vrai trésor ? S’il est dans l’espérance d’entrer, un jour un venir, dans la vie du Père, apprenons alors peu à peu à vivre l’esprit de pauvreté, l’esprit de ceux qui ne veulent pas « posséder ». 

Ensuite sur notre être, notre manière de vivre. C’est là que Jésus nous parle du service. Il nous en parle en faisant allusion à deux réalités qui ont du prix pour ceux qui l’écoutent : la fin de l’esclavage et l’Alliance. Il dit d’abord que nous devons nous tenir en tenue de service, ceinture autour des reins et lampes allumées. C’est la tenue des Hébreux le soir même de la sortie d’Egypte, le soir où leur esclavage a cessé : notre première lecture y fait allusion.Apprendre à gérer nos biens sans en être esclaves. 

Puis le Seigneur nous invite à être comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces. A travers toute la Bible, les relations entre Dieu et son peuple, que ce soit Israël ou l’Eglise, sont des relations d’Alliance. L’Alliance est la caractéristique même des relations que Dieu souhaite établir avec nous. Nous ne sommes pas les esclaves de Dieu, nous ne sommes pas ses employés ; si nous sommes ses serviteurs, c’est par amour, et non par devoir. D’ailleurs, Jésus nous dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs …je vous appelle amis… » (Jn 15,15)

Est-ce que le cadeau du Royaume nous intéresse ? Est-ce que la vraie richesse nous intéresse ? Est-ce que l’Alliance d’amour nous intéresse ? 

En ce cas, nous n’avons rien à craindre : « Sois sans crainte, petit troupeau » disait Jésus au petit nombre de ses disciples. Nous n’avons rien à craindre du moment où Jésus viendra nous faire entrer définitivement dans la vie d’amour de la Sainte Trinité.