Homelie du 6 octobre 2024   27ème dimanche ordinaire   Année B

par le père Jean Paul Cazes

Gn 2,18-24   Ps 127   Hbx 2,9-11   Mc 10,2-16

 

Ah, le permis et le défendu, comme c’est pratique, comme c’est rassurant ! Les lois humaines fonctionnent de cette manière ; l’état de droit est une bonne chose et il faut le garder et l’entretenir car, normalement, il défend les plus faibles. Le remettre en cause serait d’une gravité exceptionnelle. Il nous dit ce qui est permis et ce qui est défendu ; il précise la morale.

Mais la foi, et en particulier notre foi en Jésus-Christ, est-elle une morale ? Certes, elle contient une morale, mais elle est bien autre chose que cela. Avant d’être une règle, notre foi est une rencontre et un amour. C’est parce qu’il y a un amour partagé que des règles viennent au jour pour défendre cet amour ; ce n’est pas un contrat de mariage qui fait naître l’amour, mais c’est l’amour qui se peut se concrétiser par un contrat. De même, si notre foi reposaitsur tout un code de permis et de défendu, elle ne serait pas foi chrétienne. Notrefoi repose sur une rencontre perpétuelle avec le Christ grâce aux sacrements, à la méditation de la parole de Dieu, à la vie fraternelle. Notre foi chrétienne ne repose pas sur une morale, elle repose sur cette rencontre à renouveler à tout instant ; mais de notre foi sort une morale. Et pour que la morale soit bonne et belle, il faut que notre rencontre avec Jésus-Christ soit perpétuellement renouvelée.

Les pharisiens en sont au niveau du permis et du défendu ; le Christ, dans sa réponse, souhaite les élever à un niveau supérieur : celui du dessin même de Dieu et de son désir pour l’être humain. Voilà pourquoi il les ramène « au commencement », c’est-à-dire non pas au début chronologique, mais au fondement même du désir de Dieu pour l’homme.

Notre merveilleuse première lecture nous parle non pas des premiers moments qui ont suivi le big-bang, mais du désir de Dieu pour l’être humain, ce désir qui est toujours d’actualité en 2024.

Dans le livre de la Genèse, on peut lire deux récits successifs de création. Vous connaissez quasiment par cœur le premier récit, il est lu lors de la nuit pascale : « Il y eut un soir, il y eut un matin … » Le second récit est au chapitre deux ; nous en avons un extrait aujourd’hui. Une des difficultés de ce passage est une difficulté de traduction. En français, le mot homme signifie soit l’être humain en général – c’est pourquoi, mesdames, vous êtes des hommes – soit l’être humain masculin. C’est plutôt ainsi qu’il faudrait lire le texte : « Le Seigneur Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’être humain soit seul. » Aucun des animaux auxquels l’être humain donne des noms, ne peut correspondre à ce désir de l’être humain. Alors, c’est du côté de l’être humain que Dieu va façonner un second être. Comme dans le chapitre premier, Dieu a séparé le continent d’avec l’amas des eaux, et qu’il leur a donné un nom – terre et mer – de même, il tire un second être du premier ; il les sépare, non pour les opposer,mais, au contraire, pour leur permettre d’entrer en relation. C’est à partir de ce moment-là qu’il leur donne leur identité particulière : Ish, qui veut dire l’homme masculin, et Isha qui veut dire l’homme féminin. En rigueur de terme, il n’y a pas eu de création de la femme ; il y eut, en premier lieu, création de l’être humain. Dans cet être humain, Dieu créateur a distingué le masculin et le féminin, qui dans leur relation d’égalité et de différence sont la véritable image de Dieu ; tous deux ne font plus qu’un dans la diversité des personnes, et l’unité de leur commune nature. Comme la terre et la mer ne forment qu’un seul astre et comme, surtout, le Père, le Fils et le St Esprit ne forment qu’un seul Dieu par l’unité de leur amour réciproque.

Cette unité divine dans la diversité des personnes, les pharisiens ne peuvent la connaître en s’appuyant uniquement sur la Loi, sur la Torah. Jésus vient nous révéler qui est Dieu, ce Dieu unique dont l’unité vient d’un partage d’un amour absolu. De cet amour absolu, le couple humain en est, fondamentalement, l’image.

Nous sommes bien loin du permis et du défendu. Mais, à ce niveau si fondamental, seul l’Esprit de Dieu peut nous permettre de demeurer et d’en tirer les conséquences comme le fait Jésus : Ainsi ils ne sont plus deux mais une seule chair. C’est le couple qui est l’image de Dieu grâce à la présence et à l’action de l’Esprit Saint.