Par le Père Jean Paul Cazes
Actes 4,8-12 Psaume 117 1 Jean 3,1-2 Jean 10,11-18
L’Eglise tout entière continue de célébrer le Christ mort et ressuscité. Tout au long de ce temps de Pâques, elle met en lumière les richesses de foi contenues dans le mystère pascal. Aujourd’hui, elle s’émerveille devant le Christ véritable Prêtre pour toute l’humanité.
Le Christ mort et ressuscité est le vrai Prêtre car son sacerdoce ne vient pas d’une génération humaine, comme pour les prêtres juifs, mais vient directement de Dieu. Le Christ mort et ressuscité est le vrai Prêtre car il n’offre pas des victimes extérieures à lui-même, comme des victimes animales, mais il s’offre lui-même, par amour pour nous et pour son Père. Le Christ mort et ressuscité n’offre pas de victimes sur l’autel du Temple de Jérusalem mais sur la Croix du Golgotha. Le Christ mort et ressuscité est le vrai grand Prêtre car il s’est offert une fois pour toutes et n’est pas obligé, comme le grand prêtre des Juifs, de réitérer des sacrifices chaque année. Le Christ mort et ressuscité offre le pardon non seulement à Israël mais à tous les hommes de tous les temps et de toutes les cultures. En tout cela, le Christ est l’Unique grand Prêtre dont le sacrifice a trouvé grâce aux yeux du Père.
Voilà pourquoi nous fêtons aujourd’hui le Bon Pasteur, celui qui connaît ses brebis, celui qui veut conduire toutes les brebis, même celles qui sont encore éloignées, celui qui donne librement sa vie par amour. Le Christ mort et ressuscité est l’Unique Grand Prêtre qui nous réconcilie définitivement avec notre Père. Et c’est grâce à lui que nous pouvons célébrer aujourd’hui notre messe, ce culte qui est le sien.
Mais faisons attention aux mots. Le Christ mort et ressuscité est l’Unique GrandPrêtre, ce qui ne veut pas dire le seul. Il est Unique car son sacerdoce vient directement du Père. Mais ce sacerdoce est répandu sur toute son Eglise qui est son peuple sacerdotal. Et, dans ce peuple sacerdotal, des hommes sont appelés à être prêtres. Ils ne sont pas prêtres par nature, mais par grâce. Leur rôle est de rappeler à tous que, tous ensemble, nous sommes le peuple sacerdotal qui offre le vrai sacrifice, celui du Christ. Leur mission est de rappeler à tous que, tous ensemble, nous sommes les témoins des merveilles de Dieu que nous sommeschargés d’annoncer au monde dans lequel nous vivons. Leur présence concrète au milieu des baptisés rappelle que le peuple de Dieu est un peuple de célébrants et de missionnaires.
Voilà pourquoi, en ce dimanche du Bon Pasteur, l’Eglise prie pour les vocations sacerdotales. A ce sujet, j’aurais bien des choses à vous dire au nom de mes 55 ans de ministère. Mais je souhaite privilégier deux questions qu’il faudrait, évidemment, développer bien plus que je ne peux le faire ce soir.
La première est celui du nombre. Nous prions pour que se lèvent des jeunes, ne serait-ce que pour remplacer les prêtres qui meurent. Le discours habituel est de dire que nous manquons de prêtres. C’est relativement faux en région parisienne, mais cruellement vrai en différents lieux de province, et dans beaucoup de régions du monde. Oui, il est nécessaire de prier pour les vocations sacerdotales, et surtout pour la sainteté des prêtres. Pas forcément pour leur nombre. Car, pour le nombre, ils sont suffisants en Ile de France. Ils sont suffisants pour le ministère qu’ils doivent remplir. Sur mes 55 ans de ministère, je fus curé de paroisse 25 ans. Heureusement pour moi, j’ai toujours trouvé, à mes côtés, des hommes et des femmes qui m’ont aidé à faire vivre mes différentes paroisses. Sinon, j’aurais dû passer quasiment la moitié de mon temps à remplir des dossiers, à gérer les fonds, à compter les quêtes, à recevoir les ouvriers …toutes choses qui sont nécessaires mais qui ne font pas partie de la grâce de l’ordination. Pourquoi vouloir plus de prêtres ? Faut-il qu’ils soient PDG ou DRH ? Si oui, la formation du séminaire ne les y prépare pas. Alors, si les communautés paroissiales prenaient les choses en main, en union bien sûr avec leurs prêtres, le nombre actuel des prêtres en région parisienne serait suffisant. Dès les débuts de l’Eglise, la question s’est posée. On trouve cela au chapitre 6 des Actes des Apôtres ; les Douzecherchent dans la première communauté chrétienne des hommes qui s’occuperont ce que nous appellerions aujourd’hui les aspects sociaux de la vie communautaire. « Quant à nous, dit St Pierre, nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole. Et, dit le texte, cette proposition fut agréée par toute l’assemblée. » (Actes 6,4-5) Pour quels services voulons-nous demander des prêtres au Seigneur ?
La seconde question est liée à la première. Où trouver ces nouveaux prêtres ? Je connais des familles chrétiennes qui veulent que se lèvent des vocations mais dans la famille d’à-côté. Comment, dans vos familles, présente-t-on la vocation sacerdotale ? Si on insiste sur le petit salaire des prêtres, si l’on dit qu’on ne peut se marier, si l’on insiste sur le manque d’enfants, si l’on songe aux pauvres prêtres de campagne – et tout cela est vrai, bien sûr, et il ne convient pas d’être naïfs et de le cacher aux jeunes – mais si les familles chrétiennes ne disent que cela, alors je comprends que beaucoup de jeunes n’aient pas envie de donner leur vie au Seigneur Jésus. Toute vocation entraîne des privations, même la vocation au mariage. Mais quand deux amoureux se marient, ils sont entraînés par leur amour, et ils ont raison ; ils ne mettent pas au premier plan leurs futurs problèmes, même s’ils ont eu la sagesse de les évoquer. Parler de la vocation sacerdotale sans orienter les jeunes vers le visage du Christ, c’est se condamner à ne plus faire se lever de vocations. Mais cela pose, en arrière-plan, la question de la place du Christ dans la vie familiale, dans les engagements chrétiens de la famille, dans la qualité de la prière familiale.
Demander au Seigneur Jésus des prêtres pour qu’ils s’occupent de bien gérer la vie matérielle de la paroisse et pour multiplier les messes afin que chaque paroissien trouve son horaire sans bousculer son emploi du temps, je ne pense pas que ce soit une prière entenduepar notre Père. Demander des prêtres, dans la famille d’à–côté mais surtout pas dans la sienne, je ne pense pas que ce soit une prière encouragée par le Christ. Alors, quelle peut-être une bonne prière de demande ?
Laissons agir l’Esprit Saint en toute liberté. Pour cela, acceptons de parler avec autant de joie du sacerdoce que du mariage qui sont deux vocations admirables : de cette façon, le jeune aura la liberté de choisir vraiment.
Et, surtout, désirons fermement que le Christ soit un véritable membre de nos familles.